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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Un Printemps d’Ailleurs réalisé par Xiaodan He [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « Li Fang, une immigrante chinoise à Montréal depuis dix ans, n’arrive pas à avoir d’enfant. Une situation qui la perturbe grandement, au point de détruire son mariage avec Éric. Désespérée après une séparation difficile, la jeune femme ne voit plus qu’une solution : revenir aux sources et retourner dans sa ville natale Dazu, au sud de la Chine, pour rendre visite à son grand-père et à sa famille. »

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Une première réalisation c’est l’occasion de tenter des choses. Tenter d’apporter sa pierre à l’édifice que représente le cinéma que ce soit par des idées scénaristiques ou artistiques. Aujourd’hui, tout a déjà été fait et raconté. Il faut donc être créatif, original et apporter une sensibilité propre à chacun à son œuvre afin de lui permettre de ne pas ressembler aux autres. Que les films aient une âme, qu’ils n’aient pas été conçus simplement pour l’être. La première réalisation est le moment parfait pour un.e jeune cinéaste pour prouver qu’il.elle a du cœur et qu’il.elle aime ça. Réaliser un film qui sera éminemment personnel, car souvent scénarisé ou co-scénarisé par le.la réasateur.rice en question. C’est ce moment, celui de la réalisation d’un premier long-métrage, qui pourrait déterminer le futur d’une carrière prometteuse ou non. Un Printemps d’ailleurs est une production sino-québécoise, un premier long-métrage écrit et réalisé par Xiaodan He. Présenté au Cinefest Sudbury, au Festival du Nouveau Cinéma, au Shanghai International Film Festival, ainsi qu’au Asian American International Film Festival où la réalisatrice remporta le prix de la Meilleur Réalisatrice Émergente, Un Printemps d’ailleurs eu droit à un joli parcours en festivals. Néanmoins, remportera-t-il également le cœur du public Québecois ?

« Un moment de poésie, une douceur visuelle malgré une protagoniste rongé par le questionnement. »

Un Printemps d’ailleurs conte l’histoire de Li Fang, jeune immigré Montréalaise qui après une lourde dispute avec son compagnon décide de rendre visite à sa famille en Corée du Sud, qu’elle n’a pas revu depuis son départ. Une histoire au postulat assez simple, rapide à résumer, mais qui fondamentalement pose les bases de quelque chose pouvant permettre toutes les volontés du monde. Tout d’abord, on retrouve dans cette histoire, l’envie d’une jeune réalisatrice de mettre en avant l’une des valeurs du monde moderne : le multiculturalisme. Aujourd’hui, il est de plus en plus fréquent de voir de jeunes hommes et femmes quitter leur pays d’origine pour plusieurs années afin d’aller travailler, apprendre et découvrir de nouveaux pays. De nouveaux paysages, mais également de nouvelles personnes et de nouvelles cultures. Posé son récit au Canada et plus particulièrement à Montréal est en soi logique, puisque le gouvernement fédéral du Canada est reconnu comme l’instigateur du multiculturalisme comme d’une idéologie depuis 1980. Montréal est un bouillon de culture au sein duquel vivent des étudiants et travailleurs en provenance du monde entier. Chacun apporte son identité, sa culture et sa propre vision des choses, voire du monde. Un départ de scénario intéressant puisque débouchant avec logique et fluidité narrative sur l’opposition entre une mentalité ancienne et une mentalité moderne, ouverte d’esprit. La famille coréenne du sud de Li Fang va-t-elle comprendre pourquoi elle les a quittés pour vivre au Canada ? C’est ce large panel de réaction qui va être intéressant à suivre pour le spectateur et qui est visiblement intéressant pour la scénariste de mettre en place. Des réactions qui vont permettre à la jeune Li Fang de réfléchir sur sa propre condition et déterminer au fur et à mesure, ce qu’elle a envie de faire dans un futur plus ou moins proche.

Une simple, mais belle histoire pleinement ancrée dans notre société, une société où les ont évoluées, mais évoluent encore et toujours. Un film réaliste dans son histoire et le traitement de cette dernière, et qui l’est tout autant dans le traitement visuel choisi par le directeur de la photographie Glauco Bermudez. Aucun artifice, aucune lumière artificielle ajoutée, mais un travail permanent sur la lumière naturelle. Majoritairement filmée de jour Li Fang traverse un large panel de décors tous plus magnifiques les uns que les autres. Subtilement choisis afin de déterminer une ambiance douce et calme, à des années lumières du bruit des grandes villes comme peuvent être Montréal et Séoul. Jouer avec la brume, avec de vastes pleines et même lorsque l’action mène les personnages en villes, Glauco Bermudez et Xiaodan He trouvent le moyen pour apporter une douceur à l’image (ce long plan de l’actrice Wensi Yan dans la voiture, filmée depuis l’extérieur avec le parebrise qui vient adoucir son visage par la clarté de la lumière qui se reflète sur le pare-brise). Les plans sont longs, sont doux et envoûtants. C’est très beau et jamais brutal, même si on ressent une brutalité intérieure qui ronge la protagoniste superbement incarnée par Wensi Yan. Touchante, elle apporte une sensibilité et une douceur supplémentaire au film avec un jeu tout en intériorité et en émotion. Là où par le biais d’une seule scène, pour ne pas dire un seul plan, Émile Proulx-Cloutier apporte la brutalité par une extériorisation du ressenti de son personnage face à la situation.

Doux, est le terme le plus employé au cours de l’écriture de cet article. Un adjectif qui résume parfaitement notre ressenti sur ce premier long-métrage de fiction écrit et réalisé par Xiaodan He. Une douceur artistique que l’on retrouve au travers des choix de décors, ainsi que des cadrages qui sont extrêmement aérés afin de ne jamais oppresser le spectateur alors que le personnage principal l’est intérieurement. Elle se questionne sans cesse, mais garde tout en elle, affichant une sorte de douceur à l’extérieure afin de bien paraître. Wensi Yan est remarquable, aussi touchante qu’attachante, un personnage à l’image de l’atmosphère dépeinte par un film au traitement visuel magnifique. Quasiment aucune musique extra-diégétique, simplement les bruits provoqués par les gens et les éléments comme le vent. Une œuvre douce, lente, mais au propos finalement fort, car pouvant parler à tous et pleinement ancré dans notre société actuelle. On pourrait reprocher plusieurs choses au film, tels sa fin beaucoup trop abrupte ou encore quelques moments contemplatifs qui n’apportent rien de fondamental à l’histoire. Des défauts et détails qui n’entachent en rien les qualités d’un film qui n’est autre qu’un moment de vie, un beau moment de vie.


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