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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

The Square réalisé par Ruben Östlund [Critique | Cannes 2017]

Synopsis : « Christian est un père divorcé qui aime consacrer du temps à ses deux enfants. Conservateur apprécié d’un musée d’art contemporain, il fait aussi partie de ces gens qui roulent en voiture électrique et soutiennent les grandes causes humanitaires. Il prépare sa prochaine exposition, intitulée « The Square », autour d’une installation incitant les visiteurs à l’altruisme et leur rappelant leur devoir à l’égard de leurs prochains. Mais il est parfois difficile de vivre en accord avec ses valeurs : quand Christian se fait voler son téléphone portable, sa réaction ne l’honore guère… Au même moment, l’agence de communication du musée lance une campagne surprenante pour The Square : l’accueil est totalement inattendu et plonge Christian dans une crise existentielle. »


Du 17 au 27 mai 2017, nous sommes au 70e Festival de Cannes. Entre coups de cœur et coups de gueule, émerveillements et maux de tête, retrouvez nos avis sur les films vus durant ce festival pas comme les autres. Des avis courts, mais pas trop et écrits à chaud, afin de vous offrir un premier avis sur les films qui feront, ou non, prochainement l’actualité.

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En 2014, Ruben Östlund avait épaté le Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard d’où il était reparti avec le Prix du Jury. En effet, Snow Therapy, fable sur la lâcheté masculine, avait surpris. Si son film avait des qualités indéniables, l’ambiance feutrée de ce gîte de vacances avait un peu tendance à provoquer l’endormissement. Et surtout, après le choc initial, le film se perdait dans l’attente de la confrontation du couple. Pour son nouveau film, lauréat de la Palme d’Or, le réalisateur propose ici la même mécanique : un événement-grain de sable nécessaire au bouleversement de la vie d’une personne entraînant une chaîne de dysfonctionnements et de cassures pour tout raser. L’événement est le vol du porte-feuille et du téléphone de Christian (remarquable Claes Bang) alors qu’il prépare une prochaine exposition questionnant la condition humaine. Le fameux « square » du titre (ou plutôt le carré) permettant en son intérieur de penser à son prochain et l’aider. Ce qui est intéressant c’est justement cette confrontation entre l’exposition qui pousse à l’altruisme et l’action de Christian pour retrouver ses biens volés : déposer une lettre anonyme dans l’ensemble des appartements de l’immeuble pour peut-être récupérer son bien. Ah les GPS sur les téléphones portables !

C’est cette recherche du téléphone portable qui entraîne à la fois la mesquinerie du conservateur et le déraillement d’une vie bien huilée. En posant la question du désintérêt que l’on porte à l’autre alors que l’on est accroché à son téléphone portable : Christian en perd la tête. Il n’est plus à son travail et ne vérifie pas ce que l’agence publicitaire a préparé pour créer le buzz autour de l’exposition. Ruben Östlund lance une charge en règle contre la société du spectacle et sa façon de communiquer à l’heure actuelle : en faire plus, en faire trop, créer le buzz à tout prix, avoir et trouver le bon mot qui fera que l’on retiendra l’exposition. La vidéo livrant le plus beau fou rire du film même s’il est jaune.

Dans le même temps, le réalisateur réussit à dépeindre le petit monde de l’art contemporain. Une véritable satire d’une bourgeoisie décadente (la scène du vernissage assez drôle montre à quel point ce ne sont que des pique-assiettes). Un entre soi poussé dans ses retranchements culminants lors du happening qui met en scène « l’homme primal » face à l’humain égoïste… jusqu’à l’extrême. Ce passage, le climax du film, provoque le rire puis le malaise chez le spectateur. Essentiel pour nous permettre d’esquisser le portrait d’un homme qui va redécouvrir le primordial. Essayer de comprendre comment il a pu s’enfermer dans sa tour d’ivoire. Comment il a pu passer à côté de ses filles. Mais aussi de celles et ceux qui sont dans la rue. Ces mendiants sont une partie du décor au point qu’on ne les voit plus ou qu’on ne souhaite pas les voir. Et pourtant, ce sont eux qui vont aider Christian, bouleversant le personnage pour l’amener vers plus d’humanité.

En résumé, Ruben Östlund livre là un film hybride coincé entre la farce et la satire de notre société. Un film qui propose une succession de saynètes tel un film à sketchs. Mais ce genre de cinéma a ses limites, celles des ruptures de rythme et de ton qui parasitent l’histoire et provoquent par moment l’ennui. En réduisant son histoire de 30 minutes, le propos du film aurait gagné en force et en charge contre la société. Cependant, à l’heure actuelle, un film intellectuel, drôle et satirique permettant la réflexion est un objet suffisamment rare qu’il serait dommage de le bouder.

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