CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Revenge réalisé par Coralie Fargeat [Sortie de Séance Cinéma]

 

Synopsis : “Trois riches chefs d’entreprise quarantenaires, mariés et bons pères de famille se retrouvent pour leur partie de chasse annuelle dans une zone désertique de canyons. Un moyen pour eux d’évacuer leur stress et d’affirmer leur virilité armes à la main. Mais cette fois, l’un d’eux est venu avec sa jeune maîtresse, une lolita ultra sexy qui attise rapidement la convoitise des deux autres… Les choses dérapent… Dans l’enfer du désert, la jeune femme laissée pour morte reprend vie… Et la partie de chasse se transforme en une impitoyable chasse à l’homme…”

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

cinetick


Pour évoquer Revenge, le premier long-métrage de Coralie Fargeat, il faut replacer le film dans son contexte actuel. La promotion de Revenge a beaucoup bénéficié de la comparaison avec son film antithèse, Grave de Julia Ducournau, surfant sur la vague lancer par le premier film de la cinéaste qui a redonné une certaine fraicheur au cinéma de genre français. Les deux films ont en commun d’être des portraits de femmes, des parcours initiatiques qui passe à travers la représentation de corps organiques, une approche viscérale et horrifique du corps féminin. Deux films réalisés par des réalisatrices qui mystifient leurs héroïnes. Revenge se présente comme un pur Revenge Movie, un film d’Entertainment selon les dires de Coralie Fargeat. Le film suit l’histoire de Jen (Matilda Lutz), la maitresse d’un chef d’entreprise Play-boy, qui retrouve son amant dans une maison au milieu d’une zone désertique de Canyons, dans laquelle deux compagnons de chasses les rejoignent pour une partie annuelle de chasse. La partie tourne mal et la jeune femme est violée, puis laissée pour morte. S’invite alors une dimension presque fantastique, la jeune fille reprenant vie pour se venger des trois hommes.

Si les deux films partage en commun une introspection physique du corps féminin, les deux cinéastes abordent l’organicité de leurs héroïnes de manière différentes. Là où Julia Ducournau se sert du corps de son héroïne, du cannibalisme et de la chair pour crée une brillante allégorie de la découverte des désirs sexuels, Coralie Fargeat sexualise ouvertement son personnage au début du film pour faire suivre au spectateur la purification cathartique d’un corps féminin pour mieux la mystifier par la suite et en faire un mythe débordant de féminisme. Si l’intention de départ est tout à fait juste, la manière de le représenter laisse parfois à désirer. La cinéaste érotise ouvertement son personnage à l’image de l’esthétique de son film : chaque plan déborde d’une suresthétisation constante, avec des couleurs pétante, des jeux de lumières abusif au possible, une stylisation qui montre clairement les références évidentes d’un Nicolas Winding Refn, ou même d’un John Carpenter avec une bande originale composée de sons synthétiques signée par le compositeur français ROB qui fait une nouvelle fois preuve d’un travail de composition remarquable, se démarquant des sentiers battus de la composition musicale dans le paysage du cinéma français.

La référence cinématographique principale que cite la réalisatrice est David Cronenberg (un autre point commun avec Julia Ducournau), le corps étant ici mis à l’épreuve des milles et une souffrances viscérales et organiques, et il faut reconnaître un travail autant sonore que visuel sur l’organicité, la matière du corps et du sang, qui inscrit le film de Coralie Fargeat dans la pure tradition du Body Horror Movie. Revenge est, dans la forme, un pur film de genre qui n’hésite pas à pousser le spectateur aux bords de ses limites nerveuses, notamment dans une séquence de trip psychédélique au montage épileptique (La cinéaste est, par ailleurs, créditée au générique parmi les trois monteurs du film), le long-métrage prenant par moment la voie du trip expérimental, sans pour autant atteindre le paroxysme des films du duo Hélène Cattet / Bruno Forzani (L’étrange couleur des larmes de ton corps, Laissez Bronzer les cadavres…) en terme de cinéma expérimental. Pourtant, si le film de Coralie Fargeat possède les atouts d’un film de genre, il manque à la cinéaste une réelle vision d’auteur sur le féminisme de son personnage, qui est ici trainé dans des symboliques lourdes avec de gros sabots et peu de subtilité, le tout baigné littéralement dans un bain de sang, certes divertissant et efficace dans les moments de bravoures, avec une surdose d’esthétisme qui frôle l’overdose.

En ce qui concerne le casting du film, si Coralie Fargeat glorifie son personnage féminin par l’ascension du corps, la métamorphosant en une guerrière silencieuse débordant d’un féminisme Girl-Power que revendique ouvertement la réalisatrice, elle oublie complétement de faire quelque chose de son casting masculin : les trois acteurs passent dans l’écriture pour de véritables nigauds avec un fort complexe de virilité, et c’est à se demander si il ne s’agit pas là d’une volonté de la cinéaste de ridiculiser ces personnages masculins pour mieux affirmer le féminisme de son héroïne. En opposé à la réussite de l’excellent Grave, le premier film de Coralie Fargeat, qui ne manque pas d’ambitions et de qualités indéniables dans le cahier des charges du film de genre, peine à convaincre dans son propos féministe qui frôle de peu l’indigeste. Le film Revenge reste néanmoins un exercice de style qui s’en tire, de peu, avec les honneurs du genre.

Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement

[usr 2,5]


[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ZrLaJhyJBEo[/embedyt]

Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén