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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

« Nous, les Chiens », un film d’aventure enivrant et lucide sur la cause animale

Synopsis : « Le chien est le meilleur ami de l’homme. Affectueux, fidèle… mais lorsqu’il vieillit ou se comporte mal, il est abandonné comme un mouchoir souillé. Et lorsqu’il se retrouve seul face à la nature, son instinct animal reprend le dessus. L’esprit de meute également. Solidaire, déterminée, notre petite bande de chiens errants va peu à peu réapprendre à se débrouiller seule. Et découvrir la liberté. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après avoir été proposé en primeur française lors de l’édition 2019 du Festival International du Film d’Animation d’Annecy, mais également lors de la 14e édition du Festival du Film Coréen de Paris (il a également été présenté lors de festivals asiatiques entre juillet 2018 et juin 2019), ils s’apprêtent à gagner les salles de cinéma françaises. Et pourquoi pas, le cœur des spectateurs français. Beau succès auprès du public de son pays d’origine, « Nous, les Chiens » l’a également été en Pologne et au Royaume-Uni lors de sa sortie en janvier 2019. 6 millions de dollars de recettes à travers le monde. Pas une somme ahurissante si on la compare à une incomparable concurrence, mais un chiffre conséquent dans le monde de l’animation (hors États-Unis et Japon). Tant de temps avant de permettre à cette oeuvre de trouver son public. De beaux retours de la part des festivaliers à travers le monde et un distributeur audacieux qui, à l’image de Eurozoom dans le monde de l’animation indépendant, a décidé de donner sa chance à ce film d’animation en provenance de Corée du Sud. Une oeuvre qui ne plaira clairement pas à tous, mais saura tout aussi bien se faire sa place.

Seconde production après le bien nommé Lili à la découverte du monde sauvage en 2011, Odoltogi Studio revient quelques longues années après avec une nouvelle histoire autour des animaux. Après les animaux de la ferme, place au meilleur ami de l’homme : le chien. Le chien, cet animal autour duquel on a créé un genre de film à part entière. De la comédie, du drame et même du cinéma d’aventure familial. Il est un élément significatif dans la volonté d’une oeuvre d’aller chercher un attachement émotionnel de la part du spectateur. Chat ou chien, choisissez votre camp, vous êtes forcément sensible à l’un ou à l’autre. Côté animation les références sont nombreuses. On se souvient de Balto, Rox et Rouky, Les 101 Dalmatiens, L’île au Chiens… et ce, sans parler de ceux qui utilisaient un animal canin en guise de sidekick (Wallace et Gromit et Là-Haut étant ceux qui nous viennent directement en tête). Face à ces derniers, ces mastodontes de l’animation, « Nous, les Chiens » fait pâle figure. N’est pas une grande major qui veut, n’a pas un budget à huit chiffres ou plus qui veut. S’il ne plaira pas à tous, c’est avant son animation qui pourrait en rebuter plus d’un.

Si ses animations sont d’une fluidité impeccable, permettant aux metteurs en scène de s’y donner à cœur joie dans la création de réels moments de bravoure, la dichotomie entre le background (ce qui est inanimé) et le premier plan (ce qui est en mouvement) a de quoi retenir toute l’attention. Une dichotomie qui se remarque au premier coup d’œil, flagrante notamment dans les plans les plus larges en ville qui demandent évidemment de faire apparaître plus de détails, un plus large pan de décors. Des arrières plans inanimés souvent magnifiques, de réels beaux artwork qui donnent un look spécifique à l’oeuvre, mais qui, par leur manque cruel de vie et de détails, inculquent cette impression de voir des chiens numériques évoluer face à des dessins en 2D inanimés, et non au sein d’une ville vivante. Une attention qui se focalise donc sur les éléments animés par le prisme du numérique. Un numérique, paraissant ici quelconque, à cause d’un manque de détails dans l’image. Tout cela à cause de ce que l’on est habitué à voir. À cause de la concurrence. Parce qu’il faut replacer l’oeuvre dans un contexte de création, loin des mastodontes hollywoodiens et japonais.

Si l’usage du numérique, pour les chiens, inculque fondamentalement un aspect quelconque à la forme de l’oeuvre, « Nous, les Chiens » demeure une oeuvre cohérente et riche d’un point de vue artistique. Odoltogi Studio n’ont pas les moyens des grands, mais sont malins et font usage de quelques astuces bien connues afin de dépenser temps et argent là où c’est essentiel. Animer uniquement ce qui est nécessaire au sein de chaque frame (une pensée pour ce chien en arrière plan qui donne d’avantage l’impression d’être mort que de dormir). S’il oscille entre le quelconque (la ville) et le superbe (diverses séquences dans la nature) sur le plan esthétique, « Nous, les Chiens » se rattrape dans la volonté de ne jamais répéter deux fois une même séquence, deux fois un même environnement. Une diversité folle permise par un scénario qui reprend les bases du film d’aventure, au récit jonglant entre moments de comédie, de drame et d’action. « Nous, les Chiens » est un film d’aventure familial, qui, contrairement à la concurrence actuelle, fait du drame un ressort dramaturgique fondamental. Ne pas se voiler la face sur ce à quoi sont confrontés les chiens. Ne pas occulter des problématiques comme la maltraitance des animaux et traiter de manière explicite de l’abandon des animaux, et ce que cela peut causer. Autant pour les dits animaux, mais également sur des éléments extérieurs. Ici cœur de l’histoire, de la personnification des animaux et réel enjeu narratif.

Derrière une forme qui peut laisser sur le carreau, « Nous, les Chiens » dévoile un scénario d’une intelligence remarquable. Récit initiatique sur la découverte de soi après un drame qui remet tout en question, « Nous, les Chiens » étonne par une habile personnification des animaux. Ils sont numériques, mais ils sont vivant et doté tout à chacun d’un caractère qui c’est développé au fur et à mesure du temps à cause de leurs histoires respectives. Ils ont une histoire, ils ont du vécu et ils se complètent. Amenés avec habileté, le scénario apporte éléments de réponses et nouveaux personnages au compte goutte afin de ne jamais laisser place au temps mort. Les quelques silences, seront significatifs de drame et de deuils. Des moments lourds et émouvant, nécessaires afin de ne jamais occulter le drame que vivent ces personnages. Rarement des chiens auront été aussi bien personnifiés au travers d’une histoire qui exploite avec clairvoyance l’abandon et la maltraitance envers les animaux. Le meilleur ami de l’homme, uniquement lorsque ce dernier en a le besoin. Une histoire dramatique, ponctuée par des moments tragiques qui abordent de manière explicite le deuil. Le ton est grave, mais allégé par un optimisme chaleureux et galvanisant, apporté par la réunion des personnages. Sans occulter ces moments de bravoures, de magnifiques fulgurances de mise en scène qui osent invoquer le surréalisme pour créer du spectaculaire. Une audace qui paye, des partis pris qui restent en mémoire et permettent à « Nous, les Chiens » d’être une oeuvre familiale complète : drôle, touchante et enivrante. Sans conteste, votre film de l’été.


Au cinéma dès le 22 juin 2020 en France

« Récit initiatique sur fond d’aventure et de moments d’action intenses (mise en scène pêchue), s’il n’a pas la finesse visuelle attendue, Nous les Chiens émeut grâce à une très belle personnification des chiens, ainsi qu’à un scénario lucide concernant la maltraitance. »

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