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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Ma Loute (Critique | 2016) réalisé par Bruno Dumont

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Synopsis : « Été 1910, Baie de la Slack dans le Nord de la France. De mystérieuses disparitions mettent en émoi la région. L’improbable inspecteur Machin et son sagace Malfoy (mal)mènent l’enquête. Ils se retrouvent bien malgré eux, au cœur d’une étrange et dévorante histoire d’amour entre Ma Loute, fils ainé d’une famille de pêcheurs aux mœurs bien particulières et Billie de la famille Van Peteghem, riches bourgeois lillois décadents. »

Huitième film, huitième réalisation plus précisément pour Bruno Dumont et déjà une cinquième sélection officielle au Festival de Cannes. Un Caméra d’Or en 1997, et Grand Prix du Festival en 1999 et 2006, vu les retours et l’ovation reçus par le film lors de sa projection officielle suite à la Montée des Marches, il serait étrange que Bruno Dumont reparte bredouille de la 69e édition du Festival de CannesBruno Dumont est un cinéaste français très étrange. Véritablement inclassable, il suffit de voir ou simplement de lire les synopsis de chacun de ses films pour comprendre que pour lui chaque nouvelle oeuvre est une nouvelle expérience. Il explore tous les genres, s’y essaye avec plus ou moins de réussite, mais essaye. Et ça, on ne pourra lui reprocher. Cependant, là où il a fait l’unanimité avec sa série Le P’tit Quinquin, il ne la fera pas avec cette nouvelle réalisation nommée Ma Loute. Quoi de plus logique que de s’attaquer au registre burlesque après avoir réalisé le drame Camille Claudel 1915 avec Juliette Binoche. Ce réalisateur est ambitieux, s’amuse, mais a peut-être également une case en moins. C’est peut-être un tout me direz-vous.

Au travers du long métrage Ma LouteBruno Dumont plonge le spectateur en 1910 au milieu de nulle part. L’histoire nous fera comprendre par la force des choses que nous sommes dans le Nord de la France, mais l’un des intérêts du film va résider dans son intemporalité. L’un des intérêts du cinéma est de pouvoir faire de chaque nouvelle oeuvre, un film à part entière, un film qui a son véritable univers. Bruno Dumont l’a bien compris et c’est pour cette raison que son film pourrait aussi bien se dérouler en 1800 qu’en 1910. L’anachronisme y est presque obligatoirement présent, mais peu importe. D’autant plus lorsqu’on choisi de faire de son film, une oeuvre burlesque, risible et ne ressemblant à rien d’autre. Avec Ma LouteBruno Dumont a déclaré avoir voulu jouer sur la couleur de l’image, utiliser des bruitages sonores pour la première fois et a dit mot pour mot :  « la comédie n’est pas un art mineur, au contraire c’est un art très noble[…] ça mobilise énormément le cinéma. » (cf : Conférence de Presse Cannes 2016, film Ma Loute). En effet la comédie est un art noble, un art qu’il est loin d’être facile à faire. Faire rire s’avère plus difficile que de faire pleurer puisqu’il faut trouver la jonction parfaite entre le drôle avec bienveillance et la ridiculisation de ses personnages. Pour Ma LouteBruno Dumont a décidé d’ouvrir les vannes, de pousser les curseurs à fond. Des bruitages à la direction d’acteur en passant par les dialogues tout est fait pour pousser le spectateur au rire. Malheureusement, tout n’est pas si simple puisqu’en poussant les curseurs à ce niveau, Bruno Dumont ridiculise ses acteurs, ridiculise son film et se ridiculise.

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Au travers de son film, le cinéaste français nous raconte plusieurs histoires, mélange les registres. Une histoire d’amour, va venir se confondre avec une guerre sociale et familiale, qui elle-même va se confondre avec une enquête policière. Trois histoires en une, trois films en un, donnant au résultat une histoire compréhensible dans les grandes lignes, mais dont la caméra se moque éperdument. De par son sens du cadre et sa direction d’acteur, Bruno Dumont se focalise sur ses acteurs. Il ne cherche pas à faire vivre les différents arcs narratifs que comporte son récit, mais à donner du corps à ses personnages. Fabrice LuchiniJuliette BinocheValeria Bruni Tedeschi représentent une des deux familles, mais représentent avant tout les acteurs professionnels du film. Habitué à travailler avec des acteurs non professionnels, Bruno Dumont a décidé cette fois et pour le besoin de son concept, d’aller chercher de grands et bons acteurs français pour certains rôles. Il aime ces acteurs, est fier de leur travail respectif et de ce qu’ils sont capables de faire. Le cinéaste le montre en resserrant ses cadres et en les amenant vers la caméra. Nombreux sont les plans où la chorégraphie débute au second plan, avant que l’acteur ou l’actrice s’avance vers la caméra.

On est vraiment dans un cinéma qui cherche à faire dans la démonstration et qui va vers le spectateur comme pour lui dessiner un sourire sur le visage. Il y a de l’idée, mais c’est agaçant et surtout inutile puisque le réalisateur en oublie totalement de traiter ses histoires et de donner du corps à son récit. Les personnages vont et viennent, mais n’ont pas d’enjeux. Seul personnage intéressant et acteur qui joue véritablement bien, car qui ne cabotine pas se révèle être celui qui se nomme Ma Loute. Paradoxalement, c’est le protagoniste du long métrage, mais également le personnage le moins bien exploité et le moins mis en valeur malgré quelques beaux plans « tableaux » et plans resserrés sur son visage. Ma Loute sert de lien entre les différents arcs narratifs, sert à faire en sorte que le récit tienne tant bien que mal, mais malgré la performance de Brandon Lavieville, il est impossible de trouver une quelconque affection ou intérêt pour ce personnage. L’envie de Bruno Dumont de faire dans le burlesque et dans la démesure brise littéralement le film dans son intégralité. Les bruitages sont affreux et mal mixés, les dialogues imbuvables et la direction d’acteur ridiculisent ceux qui restent tout de même de très grands acteurs. Jamais Fabrice Luchini ou Juliette Binoche, n’auront été aussi agaçants, horripilants et éreintants. C’est tout bonnement insupportable.


En Conclusion :

Bruno Dumont est un cinéaste ambitieux ça ne fait pas de doute. Après le succès du P’tit Quinquin, il a voulu continuer dans cette même veine en allant encore plus loin, en poussant le burlesque à son paroxysme. Chose qu’il n’avait encore jamais faite au cinéma et j’espère ne refera jamais. Brouillon et laborieux, le scénario du film possède son lot de bonnes idées, mais se voit enfoncer six pieds sous terre par une accentuation des bruitages et gags visuels. Bruno Dumont en fait beaucoup, beaucoup trop et se perd dans cette exagération permanente et jamais drôle. Il ridiculise ses acteurs qui en viennent à cabotiner et à nous exaspérer alors qu’ils sont pour certains, quelque ‘un des plus grands acteurs et actrices français(es). Ma Loute contient néanmoins des qualités, notamment voire uniquement, visuelles grâce à de belles dispositions et de beaux costumes et décors qui donnent de beaux plans, quelques plans iconiques. Mais ça ne reste que quelques plans au cœur d’un film interminable et horripilant dont la durée est de deux heures…

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