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Lettre à Franco, quand Alejandro Amenábar s’essaye au biopic académique

Synopsis : « Espagne, été 1936. Le célèbre écrivain Miguel de Unamuno décide de soutenir publiquement la rébellion militaire avec la conviction qu’elle va rétablir l’ordre. Pendant ce temps, fort de ses succès militaires, le général Francisco Franco prend les rênes de l’insurrection. Alors que les incarcérations d’opposants se multiplient, Miguel de Unamuno se rend compte que l’ascension de Franco au pouvoir est devenue inéluctable. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Cinq ans après son thriller Regression, le cinéaste espagnol Alejandro Amenábar fait son retour par la porte du biopic historique avec Lettre à Franco (Mientras dure la guerra en VO). Lettre à Franco retrace l’éclatement de la guerre civile espagnole à Salamanque, en 1936, à partir du point de vue de la classe intellectuelle, plus précisément par le regard du célèbre écrivain et philosophe Miguel de Unamuno (incarné par Karra Elejalde), ayant soutenu le coup d’état de Francisco Franco (que porte Santi Prego), avant de remettre en question sa position en faveur du régime à la suite de la montée du fascisme dans son pays. 

Un sujet historique et politique passionnant, surtout du point de vue des mots d’un philosophe et de la classe intellectuelle, un parti pris qui sur le papier avait tout pour nous donner une véritable réflexion sur le pouvoir de la parole face au politique, sujet qu’un cinéaste de la trempe d’un Spielberg aurait sans aucun doute transcendé. Mais malheureusement, Alejandro Amenábar semble peu inspiré derrière la caméra, s’essayant pour la seconde fois au biopic historique (après Agora en 2010), lui qui est plus habitué au fantastique et au thriller psychologique. 

En faisant le choix d’adopter l’esthétique d’un classicisme épuré, auquel on peut reconnaître une certaine élégance, Amenábar tombe hélas très vite dans les travers d’un académisme plan-plan, plus digne de l’esthétique télévisuelle d’un téléfilm du dimanche soir que de celle de la grande fresque cinématographique auquel aspire le long-métrage et son cinéaste. Un premier degré assez affligeant dans les dialogues, des acteurs qui froncent les sourcils en faisant de longues tirades politiques simplifiées au possible, soutenus par une musique orchestrale envahissante qui illustre constamment les propos de ces personnages, Amenábar n’ayant pas assez confiance en son matériau pour laisser ses acteurs et leurs dialogues s’exprimer.

Le réalisateur confond le classicisme épuré et réfléchi avec un académisme didactique qui ne fait qu’illustrer sagement le propos politique de son récit auquel il manque cruellement un regard de cinéaste. La seule nuance de cette fresque réside dans le portrait de sa figure politique, Franco, représenté sous les traits d’un homme fragile et en proie à un doute constant sur ses actes. Un parti pris d’auteur qui aurait mérité d’être peaufiné davantage, à l’image de son protagoniste principal, le philosophe Miguel de Unamuno, réduit ici au portrait d’un vieil homme grincheux et mourant, dont on attend pendant toute la durée du long-métrage un moment de bravoure, la grande scène de plaidoirie que l’on était en droit d’obtenir et de voir avec le célèbre discours du philosophe : sa dernière déclaration contre une assemblée de franquistes qui lui vaudra d’être destitué de son poste de recteur à l’Université de Salamanque et assigné à résidence jusqu’à sa mort.

Finalement, Amenábar peine à insuffler un quelconque sentiment de romanesque à ce moment de plaidoirie, filmant le discours de son personnage de manière très académique, amplifié par une musique d’ascenseur assourdissante, ratant totalement ce qui avait matière à être une grande scène de cinéma, à l’image des grands moments de plaidoirie de Daniel Day-Lewis dans le Lincoln de Spielberg (2012).  

Pour son retour derrière la caméra après cinq ans d’absence, Alejandro Amenábar loupe son essai historique, plombé par ses grandes ambitions et son académisme illustratif. Lettre à Franco peine à trouver le souffle romanesque auquel il inspire. On espère revoir le cinéaste espagnol plus inspiré, notamment dans un cinéma de genre dans lequel il a toujours eu sa place. 


« Alejandro Amenábar ne parvient jamais à insuffler à sa fresque historique le souffle romanesque auquel il inspire. Plombé par son académisme plan-plan et ses ambitions démesurées de grand film politique, Lettre à Franco sonne comme un essai peu inspiré dans la filmographie du cinéaste espagnol. » 


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