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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Leave No Trace réalisé par Debra Granik [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : «Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle.Expulsés soudainement de leur refuge, les deux solitaires se voient offrir un toit, une scolarité et un travail. Alors que son père éprouve des difficultés à s’adapter, Tom découvre avec curiosité cette nouvelle vie. Le temps est-il venu pour elle de choisir entre l’amour filial et ce monde qui l’appelle ?  »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Le cinéma américain indépendant a toujours eu pour vocation de filmer les marginaux de la société américaine, en questionnant plus particulièrement la question du foyer. Il a toujours été question du « Home » dans le cinéma américain, de Steven Spielberg à Clint Eastwood, en passant par Jeff Nichols dans des films tels que Take Shelter ou Mud, ou plus récemment Loving. Le cinéaste Vladimir de Fontenay en faisait également le sujet central de son film Mobile Homes où les maisons roulantes représentaient une métaphore du foyer familiale stable. Après Winter’s Bone, Debra Granik continue de filmer des familles qui vivent à la marge de la société. Leave No Trace raconte l’histoire de Tom (interprété par Thomasin McKenzie), une jeune fille 15 ans qui vit clandestinement avec son père, Will (interprété par Ben Foster), dans la forêt qui borde Portland, dans l’Oregon. Une famille vivant en marge de la société, qui se retrouve expulsé de leur « Home », les services sociaux leur imposant un toit, une scolarité pour Tom et un travail pour Will. Tandis que ce dernier voit ses convictions de marginaux perturbées, la société le forçant à s’adapter aux normes conventionnelles, Tom va quant à elle commencée à vouloir construire son propre foyer et se crée une vie sociale.

Pour conter son récit d’émancipation, Debra Granik dresse un portrait d’une Amérique profonde tiraillé entre la modernisation et un mode de vie qui se meurt, déjà représenté comme un foyer en voie de disparition dans Mud de Jeff Nichols. Un mode de vie proche de la nature, où la notion de possession de biens est absente. La première partie du long-métrage met en scène les deux acteurs dans un environnement naturel, au milieu de la nature verdâtre. Un mode de survie plus que de vie, dans une forêt sublimée par une photographie naturaliste et contemplative. La deuxième partie marque ensuite un contraste esthétique, où la cinéaste filme une urbanisation qui prend de l’ampleur, dans des bâtiments aux murs froids, où le contact avec la nature est rompu par une vitre qui sépare Will de ce qui représente pour lui une nécessité. Le peu de verdure qui reste à Portland sont les murs décorés d’une image de forêt dans les bureaux ou sur l’écran de veille d’un ordinateur dans l’arrière-plan que Debra Granik filme avec une certaine ironie. Le métier imposé à Will le force à vivre contre ses principes, détruisant les arbres qu’il chérit tant.

Mais Tom commence à se faire des amis. Les mobiles homes, mode de vie des marginaux de l’Amérique profonde, commencent à piquer sa curiosité, projetant son futur foyer familial. Une conception du foyer qui diffère de celle de son père qui refuse de renoncer à ses convictions, de s’adapter aux normes d’une société qu’il a servit en tant que vétéran, comme la plupart des pères américains de cette Amérique moyenne que filme les cinéastes indés américains. Leave No Trace est avant tout le récit d’émancipation d’une jeune fille qui doit se détacher de la vision du père, ce qui en fait également une fable sur la filiation père-fille, à l’image du récent Captain Fantastic de Matt Ross. Là où Captain Fantastic avait tendance à verser par moment dans le larmoyant, Debra Granik fait preuve d’une certaine retenue dans les émotions, dirigeant ses deux acteurs avec une justesse et une simplicité qu’il fait beau à voir. La relation fusionnelle entre Tom et Will passe plus par les regards et les silences qui en disent long que par le dialogue que la cinéaste n’utilise que par nécessité. Une économie de moyen dans le dialogue et la mise en scène qui rend le récit beaucoup plus humain et touchant que n’importe quel autre drame qui use du tire-larme à souhait.

Portés par deux acteurs d’une grande justesse, Debra Granik signe avec Leave No Trace à la fois un récit d’émancipation et de filiation poignant mais aussi un portrait d’une Amérique profonde qui se place dans la grande tradition d’un cinéma indépendant américain où des cinéastes s’évertuent à donner la parole à des personnages en marge d’une société et de ses normes conventionnelles. Un drame humain, simple et touchant.


« Debra Granik fait preuve d’une certaine retenue dans l’émotion, dirigeant ses deux acteurs avec une justesse et une simplicité belle à voir. »


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