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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

La Vérité, déclaration d’amour aux actrices par Hirokazu Kore-eda

Synopsis : « Fabienne, icône du cinéma, est la mère de Lumir, scénariste à New York. La publication des mémoires de cette grande actrice incite Lumir et sa famille à revenir dans la maison de son enfance. Mais les retrouvailles vont vite tourner à la confrontation : vérités cachées, rancunes inavouées, amours impossibles se révèlent sous le regard médusé des hommes. Fabienne est en plein tournage d’un film de science-fiction où elle incarne la fille âgée d’une mère éternellement jeune. Réalité et fiction se confondent obligeant mère et fille à se retrouver… »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après deux long-métrages en 2018, The Third Murder et sa Palme d’or Une Affaire de Famille,  le cinéaste japonais prolifique Hirokazu Kore-eda revient en se tournant cette fois-ci vers le cinéma d’auteur français avec son nouveau film, La Vérité. Après Paul Verhoeven avec Elle (2016), c’est au tour du cinéaste japonais de réaliser son film d’auteur français, avec un casting français, à l’exception de l’acteur Ethan Hawke qui joue le mari américain de Juliette Binoche. Cette dernière est de retour dans la maison familiale pour rendre visite à sa mère, interprétée par Catherine Deneuve, une grande actrice vieillissante qui publie sa biographie, intitulée La Vérité. L’évidence est sur l’écran : si Kore-eda vient tourner un long-métrage en France avec des actrices telles que Catherine Deneuve et Juliette Binoche, c’est pour réaliser un film sur le cinéma français et ses actrices. 

Fabienne (Catherine Deneuve, magnifique), icône du cinéma français, tourne un film de science-fiction où sa mère, interprétée par une actrice plus jeune et en vogue, revient d’un voyage dans l’espace où elle a trouvée une forme de jeunesse éternelle, celle que sa fille n’a jamais trouvée, étant désormais plus âgée que sa mère. Cette jeune actrice rappelle à Fabienne sa rivalité avec une actrice de son époque dont elle enviait la beauté, un fantôme du passé qui la hante littéralement, elle qui a peur de vieillir. Ce prétexte du tournage d’un film de science-fiction dans le film permet à Kore-eda non seulement de faire un film dans le film sous influence Ozu dans l’âme, son grand-maître, avec une symétrie des cadres dans un décor de maison symétrique qui rappelle le cinéma du maître japonais, mais aussi de faire un film sur Catherine Deneuve. Après Juliette Binoche qui jouait une actrice jouant un rôle de femme mûre dans Sils Maria d’Olivier Assayas (2014), c’est au tour de Catherine Deneuve de se retrouver observée par la caméra d’un cinéaste qui met à nue son image, qui la décortique pour la sublimer dans son âge.

L’actrice brille devant la caméra du cinéaste japonais qui injecte dans les dialogues cet humour un peu burlesque, cette bouffonnerie dans l’écriture propre aux personnages créés dans ses précédents long-métrages. À travers cette excursion dans le cinéma français, Kore-eda n’a pas perdu de son humour, La Vérité étant par moments une vraie comédie mais aussi un drame sur des fantômes, donc un film du réalisateur à part entière, dans une parfaite continuité avec son Affaire de Famille. On retrouve cet amour du cinéaste pour la fable, le conte à hauteur d’enfants, faisant de Deneuve une sorcière aux pouvoirs magiques aux yeux de sa petite fille, persuadée que la vieille tortue qui séjourne dans leur jardin n’est autre que son grand-père, transformée par sa grand-mère lors de leur divorce. La fable sert le regard du cinéaste sur la famille, filmant la sphère familiale et ses vérités qui éclatent, entre pleurs et rires.    

Catherine Deneuve et Juliette Binoche sont magnifiées par la caméra de Kore-eda. Ces deux monstres du cinéma français passionnent le cinéaste japonais qui les scrute, confrontant mère et fille dans des dialogues ciselés. Deux poids lourds imposants au point qu’Ethan Hawke se retrouve légèrement en retrait, servant le récit par sa présence tout en étant très juste dans son jeu. Les séquences les plus passionnantes sont celles où Deneuve tourne ce film dans le film qui permet à Kore-eda de faire preuve de virtuosité lorsqu’il s’agit de filmer un visage sur un écran, mettant à nue la fragilité de son actrice à travers une image, questionnant l’artificialité du cinéma et sa volonté de conserver éternellement la jeunesse de ces actrices dans le cadre d’une caméra.

Comme Une Affaire de FamilleLa Vérité est un drame sur la sphère familiale et ses fantômes. Le réalisateur injecte ses obsessions dans le cinéma d’auteur français. La Vérité est avant tout un film sur le cinéma et sur Catherine Deneuve, que l’on découvre sous un nouveau jour.


« La Vérité se place dans la continuité de la filmographie d’Hirokazu Kore-eda, qui propose un drame d’une grande mélancolie sur les fantômes d’une famille et aussi le cinéma et ses actrices. »


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