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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Julianne Moore seule mais épanouie, Gloria Bell un portrait à la gloire des femmes


Synopsis : « La cinquantaine frémissante, Gloria est une femme farouchement indépendante. Tout en étant seule, elle s’étourdit, la nuit, dans les dancings pour célibataires de Los Angeles, en quête de rencontres de passage. Jusqu’au jour où elle croise la route d’Arnold. S’abandonnant totalement à une folle passion, elle alterne entre espoir et détresse. Mais elle se découvre alors une force insoupçonnée, comprenant qu’elle peut désormais s’épanouir comme jamais auparavant… »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Ah Sebstián Lelio… six ans déjà que le réalisateur chilien est entré dans nos vies, même si son premier film n’a dépassé les frontières du Festival de Berlin que pour les plus spectateurs avertis. Cette réalisation avait même offert à Paulina Garcia l’Ours d’argent de la meilleure actrice. Mais en France, cette première réalisation est un peu passé inaperçu… il faudra donc attendre son second opus : Une Femme Fantastique pour découvrir la force de ce réalisateur. Dans son regard, elles semblent fragiles, perdues et pourtant, au fur et à mesure de l’histoire, elles deviennent fortes, solaires et réussissent à prendre leur destin en mains. Sebastián Lelio sait sublimer les femmes.

La particularité du remake de Gloria, devenue Gloria Bell aux USA, réside dans le fait que le réalisateur chilien s’en est occupé. Inédit dans le cinéma et même très rare, c’est à la demande de Julianne Moore que
Sebastián Lelio replonge dans sa propre histoire. Si quelques plans diffèrent, le scénario est totalement identique. Mais le réalisateur réussit à dépasser le simple exercice de style par la confiance qu’il reçoit de son actrice et productrice principale. Et cette confiance sublime l’exercice. Même si vous connaissez l’intrigue, vous allez redécouvrir le parcours de cette cinquantenaire, peur d’être virée de son travail, tremblante à l’idée de finir seule et qui voit dans le départ de sa fille, une façon de reprendre le cours de sa vie. Une vie solitaire mais pourtant en musique…

La magie de Gloria Bell, malgré les quelques longueurs qui émaillent le récit, réside dans la magie de l’interprétation par Julianne Moore des chansons quand elle est au volant de sa voiture. Des moments de poésie où les paroles prennent un sens essentiel : des moments de respiration pour amener Gloria vers des bulles de bonheur, loin de la morosité de sa vie. Un travail qui ne l’enchante guère mais sans lequel elle ne peut vivre et subvenir à ses besoins. Une vie sexuelle faite de petites rencontres en boîtes de nuit. Et un voisinage particulier. Quand soudain, sa vie prend une tournure inattendue grâce à la rencontre avec Arnold, interprété par John Turturro.

Une simple romance ? Une nouvelle vie qui s’ouvre ? Les deux tourtereaux doivent apprendre à se connaître avec leurs vies passées parasitant un possible avenir radieux. Le fossé entre les deux amants se constatent lors du repas d’anniversaire de Peter (joué par Michael Cera) où Gloria retrouve son ex-mari avec qui elle échange sur leur vie commune passée, rit avec lui des photos de leur mariage, des enfants plus petits… des moments heureux dont semble écarté Arnold… sans appuyer, Sebastián Lelio montre la souffrance d’un homme mis de côté alors qu’il aime Gloria. Puis le réalisateur montre comment Gloria est aussi éloignée de l’ancienne vie d’Arnold par une présence encore trop forte et pesante d’une ex-femme et de ses deux filles. Elles monopolisent une attention folle… au point que Gloria peut se poser la question de sa place dans cette relation amoureuse.

Pourtant, c’est quand le drame apparaît que le cinéaste retourne la situation pour dessiner le portrait d’une femme qui va relever la tête. Une femme battante même si elle doit faire appel à sa mère. Une femme forte malgré la perte d’un amour auquel elle croit. Une femme qui prend son destin en mains pour nous montrer qu’elle en est là seule maîtresse. Le film porte en lui une certaine vision de la femme que défend, de réalisation en réalisation, Sebastián Lelio. Dans Une femme fantastique, Daniela Vega devait prouver qu’elle n’était pas un monstre de foire, qu’elle était une femme unique et incroyable même si elle était rejetée parce que transgenre.

Dans Désobéissance, il permettait à Rachel McAdams de retrouver le chemin d’une vie sans les barrières de la communauté juive orthodoxe. L’actrice sortait de son apnée, de l’étouffement dans lequel elle s’était enfermée pour se permettre enfin de vivre au grand jour l’amour pour Rachel Wiesz. Ici, Gloria Bell est une femme seule mais pourtant elle s’ouvre comme une fleur, s’épanouit davantage alors qu’autour d’elle tout semble l’abandonner. Et d’un seul coup, Gloria devient toutes ces femmes fortes qui ne veulent plus être soumises : « lever la tête, bomber le torse, sans cesse redoubler d’effort… des sacrifices, elle en a fait mais toujours le poing levé » et c’est en chantant que Gloria se relèvera de cet amour inachevé. Comment ? En se battant un peu plus, en chantant un peu plus fort. Et toujours dans un grand éclat de rire salutaire et salvateur. Au passage, la bande originale est impeccable : les morceaux disco de la fin des années 1970 s’associent à merveille aux grands standards des années 1980 pour vous donner envie de vous trémousser dans votre fauteuil.

Gloria Bell est plus qu’un simple remake. Elle est l’histoire d’une femme qui se surpasse pour devenir une autre : une femme libre. Sebastián Lelio transcende l’histoire originelle grâce à la magie de Julianne Moore présente dans chaque plan. Tour à tour touchante, drôle, désirable, forte et fragile, l’actrice s’offre à la caméra pour révéler ses failles, ses faiblesses et remettre sa vie sur des rails solides. En offrant sa silhouette à Gloria Bell, Julianne Moore prouve qu’elle n’a rien perdu de son audace, de son aura et de sa présence. Le portrait simple d’une femme en quête du bonheur, tout simplement magnifique !


« Gloria Bell est une femme seule mais pourtant elle s’ouvre comme une fleur, s’épanouit davantage même si autour d’elle tout semble l’abandonner. »


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