Synopsis : «En 1892, le capitaine de cavalerie Joseph Blocker, ancien héros de guerre devenu gardien de prison, est contraint d’escorter Yellow Hawk, chef de guerre Cheyenne mourant, sur ses anciennes terres tribales. Peu après avoir pris la route, ils rencontrent Rosalee Quaid. Seule rescapée du massacre de sa famille par les Comanches, la jeune femme traumatisée se joint à eux dans leur périple.
Façonnés par la souffrance, la violence et la mort, ils ont en eux d’infinies réserves de colère et de méfiance envers autrui. Sur le périlleux chemin qui va les conduire du Nouveau-Mexique jusqu’au Montana, les anciens ennemis vont devoir faire preuve de solidarité pour survivre à l’environnement et aux tribus comanches qu’ils rencontrent. »
Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…
Le Western est un genre qui se meurt. Cela fait plusieurs années qu’un western n’a pas été produit dans sa forme la plus classique au sein du système hollywoodien. On peut compter dans le genre récemment quelques exceptions par des cinéastes tels que Alejandro González Iñárritu avec son western sauvage The Revenant ou encore Quentin Tarantino avec Django Unchained qui détourne le genre du « Western Spaghetti » pour offrir une œuvre cathartique et politique qui épouse le contexte de notre époque contemporaine. Le Western classique est un genre mythifié par la conquête de l’ouest, le mythe du cinéma de John Ford et la figure de John Wayne, symbole de l’Amérique d’une époque aujourd’hui révolu. Le cinéaste de Clint Eastwood a marqué un tournant dans le genre du Western, notamment avec Impitoyable, une œuvre qui démystifie le mythe américain en montrant de manière frontale la violence et la cruauté de l’homme.
Le nouveau film de Scott Cooper (Strictly Criminal) se place dans la continuité du film de Clint Eastwood. Hostiles situe son intrigue en 1892, dans le Nouveau-Mexique, où le capitaine de cavalerie Joseph Blocker (Christian Bale), ancien héros de guerre devenu gardien de prison, se voit confier la tâche d’escorter Yellow Hawk (Wes Studi). Ce dernier est un chef de guerre Cheyenne mourant, responsable du massacre de plusieurs hommes de la cavalerie de Blocker. Ce chef Cheyenne souhaite mourir sur ses terres dans le Montana. Accompagné d’une escorte de plusieurs hommes, Joseph Blocker s’engage dans un périple, une traversée de l’Amérique durant laquelle il recueille Rosalee Quaid (Rosamund Pike), une mère rescapée du massacre de sa famille par les Comanches.
« Western mélancolique, crépusculaire et brillamment interprété. »
Hostiles suit l’errance de ses personnages hantés par leurs démons, dominés par leur violence, contraints de voyager avec leurs ennemis. Scott Cooper situe son récit dans une période qui représente la fin du mythe instauré par John Ford, se rapprochant de la dimension humaine et politique d’un Clint Eastwood : les plaines de l’Ouest devenant ici une plongée dans la psyché tourmentée de ses personnages. Hostiles est habité par une forme mélancolique qui témoigne de la fin d’une époque, une période post-guerre où les cowboys jusqu’ici mythifiés deviennent des bourreaux tourmentés par leurs remords et où les Cheyennes ne sont plus vus comme des sauvages mais des êtres qui sont nés sur leurs terres amérindiennes et ont recours à la violence pour défendre leur origines, leurs ancêtres et leurs biens. Comme dans Impitoyable, le film de Scott Cooper est dominé par la violence et cela se ressent dès la scène d’ouverture, d’une violence et d’une cruauté glaçante et réaliste, où l’on assiste au massacre d’un foyer familial par des Comanches qui viennent récupérer ce qui leur appartient. Le cinéaste pose la note de son film : une violence premier degré, froide et brutale, sans pour autant atteindre la complaisance malsaine dont faisait preuve Martin Koolhoven avec son western biblique Brimstone.
Le cinéaste Scott Cooper fait de son film un western classique et réaliste dans sa forme, ayant reconstitué dans les moindres détails les conditions de vie des peuples amérindiens en faisant appel à l’organisation The Native Networkers, les acteurs Christian Bale, Rosamund Pike et Wes Studi ayant appris le dialecte des Cheyennes du Nord pour que les dialogues entre les deux cultures soient le plus réaliste possible. On sent dans l’écriture du cinéaste une véritable volonté de questionner les liens culturels et raciaux qu’entretient l’Amérique en revenant à la source de ses mythes fondateurs, remettant sur le devant de la scène des questions politiques et sociales qui prennent une dimension particulièrement engagée avec le contexte de l’Amérique actuelle. La mise en scène se veut d’une grande sobriété, élégante avec des cadres en mouvement lorsqu’il s’agit de filmer des scènes d’embuscades maîtrisées, avec un montage nerveux et des cadres fixes lorsqu’il s’agit de filmer les personnages de manière contemplative, pris en proie à leurs questionnements existentiels. Car oui, non seulement l’esthétique du film Hostiles se veut classique, avec des plans larges où le paysage des plaines de l’Ouest se fond dans des plans rapprochés symboliques, le fondu enchainé étant omniprésent dans le montage, mais l’esthétique se veut aussi contemplative, se rapprochant des errances existentielles du cinéma de Terrence Malick, portée par les compositions lyriques d’un Max Richter inspiré. C’est avant tout cette forme classique, mélancolique et profondément émouvante qui sonne comme la fin d’un monde et qui fait la beauté crépusculaire du long métrage Hostiles. Mais la plus grande qualité du film de Scott Cooper réside dans son écriture et la performance de ses acteurs. Le cinéaste interroge la violence chez l’homme en revenant à la source de sa propre nature. Les dialogues prennent presque la forme d’une étude comportementale de ses personnages, questionnant les relations interraciales de manière contemporaine, avec un respect immense pour la culture amérindienne comme on en a rarement vu dans le genre, prônant un message universel et une ouverture aux cultures originelles de l’Amérique, tout en évitant le pathos, cultivant jusqu’à son final la froideur et la violence de son ouverture. Une véritable démythification cathartique du western américain.
La grande force du film réside dans l’interprétation de ses acteurs : Christian Bale est habité par son personnage d’ancien chef de guerre torturé et dominé par la violence, livrant sans aucun doute une de ses meilleures performances. Rosamund Pike est d’une justesse dans un rôle de femme forte porté par une écriture féministe remarquable et Wes Studi, en chef de guerre Cheyenne, dont la force émotionnelle du jeu impose le respect par sa retenue. Sans oublier des seconds rôles tout à fait honorables, notamment Ben Foster, glaçant dans son personnage de sergent déserteur et psychopathe. D’une grande sobriété élégante et formelle dans son esthétique de western classique, portée par une écriture subtile et intelligente qui questionne la nature violente de l’homme, démythifiant le mythe américain pour mieux en saisir la complexité, Scott Cooper signe un western mélancolique, crépusculaire et brillamment interprété, faisant de Hostiles, l’un des meilleurs westerns de ces dernières années, sans aucun doute destiné à figurer parmi le panthéon des classiques du genre. Magistral !
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.
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