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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

God’s Own Country réalisé par Francis Lee [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « Johnny travaille du matin au soir dans la ferme de ses parents, perdue dans le brouillard du Yorkshire. Il essaie d’oublier la frustration de son quotidien en se saoulant toutes les nuits au pub du village et en s’adonnant à des aventures sexuelles sans lendemain. Quand un saisonnier vient travailler pour une semaine dans la ferme familiale, Johnny est traversé par des émotions qu’il n’avait jamais ressenties. Une relation intense naît entre les deux hommes, qui pourrait changer la vie de Johnny à jamais. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position « je m’installe comme à la maison » ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

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Premier film de Francis Lee, jeune réalisateur britannique de 47 ans, Seule la Terre dévoile enfin son histoire sur grand écran. Et il est important de se dire que la volonté permet de mener à tout surtout que le scénario de Seule la Terre (God’s Own Country en VO) plaisait énormément, mais qu’après l’avoir lu, les différents producteurs lui répondaient gentiment et invariablement : « et sur quoi d’autre vous travaillez, sinon ? ». À chaque fois Francis Lee leur répondait que c’est cette histoire-là qu’il veut filmer pour entendre encore en retour « mais c’est un petit film, un petit budget ». Alors, il a fait fi des studios pour faire appel à un programme de financement qui au départ rejette le film et finalement, le miracle se produit.

Et quel miracle ! Sur le papier, un paysan qui tombe amoureux de son saisonnier qui vient travailler dans l’âpreté du Yorkshire a en effet de quoi repousser, mais vous seriez bien inconscient de rester sur ce premier a priori. Au passage, oubliez aussi la comparaison fumante et foireuse avec Le Secret de Brokeback Mountain tant elle est ridicule, croyez-moi sur parole. Non, il s’agit juste d’un jeune fermier, Johnny, qui doit s’occuper des troupeaux de son père handicapé depuis qu’il a fait un AVC et de sa grand-mère bien trop âgée pour l’aider. Un jeune homme dont la vie et les envies se sont fracassées sur la reprise d’une ferme dont il ne voulait pas. Un jeune homme qui pour oublier sa tristesse, sa misère, se saoule alors au pub… baise comme il le peut (car c’est le terme exact, n’ayons pas peur des mots) et s’oublie totalement.

L’histoire nait de la rencontre avec Gheorghe, saisonnier roumain qui vient l’aider. Un homme à la carrure imposante, mais qui pourtant dégage une tendresse incroyable, à faire fondre le pire des êtres humains. Une tendresse qui se retrouve dans la façon dont il s’occupe des petits agneaux, dans la façon dont il couve Johnny du regard, dans la façon dont il prend soin de la ferme. Au milieu d’une lande hostile bien que le printemps commence à offrir ses premiers rayons chauds, Johnny et Gheorghe vont s’apprivoiser, se reconnaître et tenter de s’aimer, car même si les deux hommes assument leur homosexualité, il est plus compliqué pour Johnny de fendre l’armure, de s’ouvrir et d’envisager de s’abandonner.

Le Yorkshire offre un espace à la fois hostile, mais merveilleux quand le soleil se montre, quand les deux jeunes hommes découvrent l’horizon. On sent pleinement l’héritage familial du réalisateur dans une campagne qu’il connaît par cœur même s’il l’a quitté à l’âge de 20 ans. Sans grand effet, elle encadre, encercle, étouffe puis offre sa beauté aux personnages avec une lumière naturelle incroyable. Les tons pastel sont tous utilisés et les nuances de bleu, de gris, de vert et d’ocre n’ont jamais autant été sublimées et valorisées. En ce sens, le travail de Joshua James Richards sur la photographie est incroyable. Quelques mots encore pour encenser Francis Lee d’avoir su découvrir ces deux diamants bruts que sont Josh O’Connor et Alec Secareanu qui crèvent littéralement l’écran épaulé par un magnifique autre duo composé par Gemma Jones (en grand-mère) et Ian Hart (impeccable père frappé par la maladie). Un premier film qui oscille entre tendresse et passion, émotion et larmes, folie et dureté, âpreté, rugosité et finalement amour pour offrir une vision mélancolique, mais pleine d’espoir de cette campagne hostile… aussi peut-être pourra-t-on lui faire grâce de quelques petites longueurs qui ne gâchent pas le film cependant.

En résumé, malgré l’univers rugueux de la campagne du Yorkshire, Seule la Terre propose une histoire d’amour où les mots sont superflus. God’s Own Country, le titre en version originale qui donne encore plus de force au propos puisque cette Terre est celle de Dieu qu’il prête aux hommes, révèle Josh O’Connor (brut de décoffrage) qui s’ouvre grâce, et, à Alec Secareanu, véritable boule de tendresse. Francis Lee nous offre un premier film émouvant et généreux, très justement récompensé du Hitchcock d’Or du meilleur film britannique lors du 28e Festival de Dinard.

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