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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Faute d’Amour réalisé par Andrei Zviaguintsev [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : «Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser… Aucun des deux ne semble avoir d’intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu’à ce qu’il disparaisse. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position « je m’installe comme à la maison » ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

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Après Léviathan, Andrei Zviaguintsev revient avec son nouveau film Faute d’Amour  (Loveless), présenté en cette année 2017 en compétition au Festival de Cannes et primé du Prix du Jury.

Le film Faute d’Amour situe son histoire dans la Russie actuelle, mais plus exactement en 2012 lors de la fameuse crainte de l’apocalypse prédite par le calendrier maya qui annonçait la fin du monde pour le 21 décembre 2012. C’est dans ce contexte de la peur de l’Apocalypse, dans une Russie que le cinéaste filme comme un système d’aliénation qui laisse une grande place à la religion (ce qui était déjà le cas dans Léviathan), que nous suivons l’histoire d’un couple en plein divorce.

Un divorce que le cinéaste filme à partir du point de vue de l’enfant, Aliocha (Matvey Novikov) qui assiste impuissant à la destruction du foyer familial dans leur appartement, déjà prêt à être vendu, lieu de disputes entre Boris (Alexey Rozin) et Zhenya (Maryana Spivak). Les parents ont tous deux entamé une nouvelle vie ailleurs, dans un autre foyer : lui avec une nouvelle femme déjà enceinte et elle avec un homme riche dans un appartement luxueux. Mais un matin, alors qu’Aliocha part du foyer pour se rendre à l’école, il disparaît.

La mise en scène de Zviaguintsev se place sur le point de vue de l’enfant, qui hante le film de sa présence invisible. Sa disparition représente la disparition du couple, sa dissolution. Le cinéaste filme le dialogue dans les appartements avec beaucoup de sobriété, des cadres fixes dans des lieux carrés. Des travellings avant qui viennent situer l’action pour guider le spectateur au milieu de l’intimité de ces couples recomposés. Le cinéaste sépare le couple en instance de divorce, dans des cadres isolés à l’exception des disputes dans l’appartement et des moments de douleurs qui les réunissent dans le même cadre, le même malheur, avant de les séparer de nouveau. Les espaces que filme Zviaguintsev les font évoluer dans des directions différentes.

La mise en scène distingue les couples recomposés selon leurs valeurs, dressant un portrait social d’une Russie forte et engagée. Une distinction entre les classes sociales, les riches et les plus pauvres. Les deux lieux de vies se différencient selon la contemplation de la caméra sur les intérieurs, en passant par l’environnement luxueux d’un appartement aux lumières froides de l’hiver et la douceur d’un foyer sobre et chaleureux. Une vision avec un véritable parti pris dans la mise en scène.

Le lieu de travail de Boris est un environnement froid, cadré sur des rangées d’ordinateurs, des plateaux à la chaine lors de la pause déjeuner à la cantine, avec un portrait du Kremlin qui rappelle la place de la religion dans ce lieu de travail. Il est également fortement possible que le contexte de l’approche de la « Fin du monde » soit une signification biblique dans le contexte de ce divorce que le cinéaste filme comme une tragédie shakespearienne. Il y a dans la manière de filmer le dialogue une véritable résonance avec le théâtre. L’enfant, fruit de leur union, est vu par la mère comme une erreur de la nature, un accident qui les aurait réunis malgré eux. La disparition de cet enfant prend alors un véritable sens biblique, particulièrement lorsque Zviaguintsev filme une nature morte dans des plans à la beauté mortuaire qui traversent les différentes saisons, de l’automne à l’hiver. Le cinéaste filme les dernières traces de l’enfant, sur un arbre mort, comme la fin d’un amour au sens biblique du terme. La mise en scène de Andrei Zviaguintsev prend une ampleur de tragédie, comme lorsqu’il filme de manière littérale la destruction du foyer familial, comme quand il détruit une maison toujours au sens littéral dans Léviathan.

C’est cet aspect tragique, dans un portrait de son pays, engagé politiquement et socialement, qui fait de Faute d’amour un grand film. Comme Léviathan en son temps, lauréat du prix du scénario à Cannes en 2014, cette œuvre mérite amplement sa place au palmarès cette année. Mais nul doute qu’elle aurait mérité bien plus qu’un prix du jury, voire peut-être la Palme d’Or.

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