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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Destroyer, Nicole Kidman au milieu d’un champ de ruines cinématographique

Synopsis : « La détective du LAPD Erin Bell a jadis infiltré un gang du désert californien, ce qui a eu de conséquences dramatiques. Lorsque le chef de la bande réapparaît, elle doit fouiller dans le passé pour se défaire de ses démons. »

Une réalisatrice aux commandes, Nicole Kidman dans un rôle à contre-emplois et derrière la caméra une jeune directrice de la photographie. Un trio féminin porteur d’un projet, qui grâce à ça, a de quoi attiser notre attention. Dans un business où les femmes sont minoritaires et où le féminisme est malheureusement devenu un phénomène de mode de plus en plus lucratif, attirants rapaces, ainsi que de nombreuses personnes qui n’ont absolument aucune volonté de faire changer les choses, découvrir un film porté par un trio féminin a de l’allure. D’autant plus lorsque celui-ci s’annonce brutal, crasseux et en rien bienveillant. Un film de bonhomme mis en boîte par un groupe de femmes. Ça a de la gueule, mais si ça a de la gueule sur le papier, la chute d’après visionnement n’en est fondamentalement que plus difficile. Réalisatrice à qui l’on doit les longs-métrages de fiction Jennifer’s Body ou encore Aeon Flux dont on évitera de parler plus en détail, Karyn Kusama c’était néanmoins amplement rattrapé en 2015 avec le long-métrage The Invitation. Huis clos jubilatoire porté par un casting investi ainsi qu’une mise en scène suffisamment ben pensée et une photographie jouant magnifiquement avec le décor et les sources de lumière intra-diégétique pour créer une ambiance particulière, The Invitation portait à croire que cette cinéaste avait finalement de quoi raviver une étincelle que l’on ne soupçonnait même pas. Ça n’aura été que de courte durée… le temps d’un long-métrage.

Destroyer nous conte l’histoire d’une détective basée à Los Angeles à laquelle la vie n’a semble-t-il fait aucun cadeau. Les conséquences dramatiques d’une longue infiltration dans un gang lui aura valût de sombrer dans une longue et lente dépression lui empêchant de retrouver le goût de vivre. Du simple point de vue de l’actrice principale à laquelle on offre un scénario et plus particulièrement, un rôle tel que celui-ci, il y a quelque chose de véritablement alléchant. Il y a en Erin Bell les caractéristiques d’une anti-héroïne dépressive, d’un personnage féminin que l’on ne retrouve aucunement ailleurs. Dépressive, alcoolique, brutale et littéralement inconsciente des répercussions que peuvent avoir les mots et actes qu’elle réalise. Un personnage psychologiquement très intéressant à découvrir et avec lequel les possibilités sont multiples afin d’explorer cette inconscience digne des plus beaux méchants de cinéma. Une pure séance de psychanalyse où elle va être poussée à bout afin de prendre conscience de ce qu’elle a et de ce dont elle doit prendre soin. Nicole Kidman embrasse son rôle à bras le corps, se métamorphose physiquement et adopte une démarche bien particulière, mais rien n’y fait, Karyn Kusama ne fait absolument rien de ce personnage. La metteuse en scène se contente du strict minimum et se repose sur le scénario rédigé par Phil Hay et Matt Manfredi.

Scénario peu créatif ou ambitieux auquel on reprochera notamment son manque de crédibilité dans ses dialogues gratuitement vulgaires et provocateurs, mais qui a le mérite d’avoir au premier plan ce personnage féminin. La possibilité de créer quelque chose autour d’elle et de mettre en scène une oeuvre, qui sans toucher à l’expérimentale, pourrait aller explorer ses tourments intérieurs avec une réalisation et un montage qui touche à la viscéralité (aussi physique que psychologique) même de la chose. Retranscrire par l’image et le son, la psychologie extrême et tourmentée de la protagoniste. À la place, Karyn Kusama se repose sur les mots des scénaristes, ainsi que sur le visage d’une Nicole Kidman en léthargie. Karyn Kusama et Julie Kirkwood (directrice de la photographie) ne suivent pas leur protagoniste, elle la regarde. Elle regarde un personnage qui s’enfonce tout seul et volontairement dans une mort longue et lente. Elles ne font que regarder une Nicole Kidman grimée afin d’aller de créer une certaine forme d’empathie à partir de ce que pourrait créer l’actrice. Une actrice en aucun cas dirigée, en aucun cas aidée par une metteuse en scène qui a une vision. C’est d’une platitude, d’une répétitivité sans nom par manque de volonté dans la mise en scène et d’une laideur assez incroyable. Non-pas que l’image soit moche ou que la directrice de la photographie fasse mal son travail, mais d’une laideur dans la non-mise en valeur de son personnage principal, ainsi que de son actrice. Se reposer sur la même échelle de cadre et sur la même mimique faciale de l’actrice, c’est l’ancrer dans une affaire où le pathétique, et par conséquent le ridicule, prend le pas sur le pathos ou l’empathie. Un ridicule fondamentalement amplifié par une déconstruction narrative par le montage, parfait cache-misère d’une mise en scène vide de sens.

Jonglant entre le présent et le passé narratif, Destroyer cherche par son montage à créer des liens entre des actes du passé et le présent narratif. Montrer les répercussions du passé sur le personnage et ce qu’elle est maintenant à cause de ça. Des flashbacks qui se justifient, mais extrêmement mal incorporés au récit donnant rapidement l’impression d’avoir deux histoires aux temporalités différentes, racontées en parallèle. Un montage parallèle qui mis à part chercher à perdre volontairement le spectateur, et par déduction à rendre quelque chose de plus complexe qu’il ne l’est véritablement n’a absolument aucun intérêt. Montage qui démontre bel et bien l’aucune motivation de la part de la cinéaste envers l’envie de créer on set. Se reposer sur une narration déstructurée pour démontrer que le personnage est psychologiquement fragile, sans jamais le faire par la mise en scène ou une réalisation chiadée, symbolique ou ne serait-ce que par des cadres expressifs. C’est vide de sens, vide d’intérêt. Sur ce type de projets, il est difficile de savoir qui a fauté. Est-ce la réalisatrice ? Est-ce que Destroyer ne serait pas un film dont la production a été lancée grâce, ou sur, les restes d’une précédente production qui avait permis de conservé un petit budget ? On n’en sait rien et personne n’est fondamentalement à blâmer, mais Destroyer sent le long-métrage produit très rapidement et sans réel investissement. Mise en scène vide de sens, scénario qui se repose sur un seul personnage, photographie répétitive et laborieuse, montage cache-misère, rythme décousu à souhait et une Nicole Kidman qui au milieu de tout ça ne sait quoi faire ou comment agir. Plus qu’une déception c’est un sentiment de gâchis face à un long-métrage de fiction sans aucun intérêt.


« Une narration déstructurée afin de faire office de cache misère à un scénario qui se sait pas intéressant et se repose sur une réalisation basée sur une seule valeur de plan : Nicole Kidman épaule et de face, émotionnellement morte et en léthargie. »


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