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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Blow the Man Down, la comédie noire qui sent bon les viscères de poisson

Synopsis : « Mary Beth et Pris Connolly sont deux soeurs qui ont pris soin de leur mère malade pendant près d’un an. Le jour de ses funérailles, Mary Beth, apprend avec une extrême tristesse, que sa mère, qui possédait une poissonnerie locale à Easter Cove, un village de pêcheurs du Maine, ne leur a laissé que des dettes. Dans une ville et une vie sans issue, Mary Beth rencontre un homme dangereux. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Fondatrices de R.I.P Dora, un collectif cinéma entièrement féminin, Danielle Krudy et Bridget Savage Cole décident de jeter l’Homme à la mer avec leur premier long métrage, Blow The Man Down. Cette comédie noire, située dans le Maine, nous dévoile les luttes intestines d’une petite ville de pêcheur, où tout le monde se connait au moins de vue, et, où les secrets s’entassent comme les casiers à homards.

Todd Banhazi, le directeur de la photographie, a souhaité apporter une patine vieillie à l’ensemble en travaillant sur des rushs filmés en Super 8mm convertis en version numérique. L’image se rapproche ainsi de la photographie que Pris accroche sur le réfrigérateur. Une lumière naturelle
omniprésente accentue certaines couleurs en reliant les personnages entre eux. Ainsi le rouge du bonnet de Mary Beth -qui n’est pas sans rappeler celui de l’acteur Bill Murray dans La Vie Aquatique-, la lie aux bougies du bar, à la cabane du peu recommandable Gorski et à la chambre d’Enid : la maquerelle. L’orange, qui symbolise ici les hommes, appuie une scène sous forme d’un rêve fiévreux.

Le film navigue dans la voie de la filmographie bien connue des Frères Coen. Aiguisé par un montage au petit couteau, on se délecte des influences affirmées de certains plans qui rappellent de leur bord un certain Stanley Kubrick. Du casting, on saluera l’impeccable prestation de Sophie Lowe et son visage mélancolique et de la pétillante Morgan Saylor. Épaulées par une Margo Martindale, totalement dans son élément, la narration l’ajoutant insidieusement au récit.

Ponctué de marins chantants, le récit s’ancre faussement dans l’intrigue. Car, si les meurtres, chantages et autres joyeusetés divertiront largement le spectateur peu attentif, le film tranche dans un sujet beaucoup plus intéressant. Par le biais de la petite ville d’Easter Cove, Bridget Savage Cole et Danielle Krudy nous insèrent dans un débat féministe vieux comme le monde, la prostitution. Au-delà de l’apparente police des mœurs qui est décrit dans la première partie du film, on découvre comment malgré leur divergences ces femmes feront front commun pour stopper le commerce de la honte.

Deux générations tentent de se comprendre et de se protéger. Les aînées ont l’apparence de gentilles grand-mères faisant des tartes, mais leur regard en dit long sur les sacrifices et peines qu’elles ont portées. Les plus jeunes, sont toujours à la merci d’un patriarcat oppressant et humiliant
malgré les concessions et les luttes de leur genre. Les racines du mal qui ronge les aînées c’est la maison close qu’elles ont choisi d’ouvrir quand des hordes masculines débarquaient du port. Menaçants directement leurs filles, qui se seraient retrouvées comme elles, esclaves de leurs désirs,
elles ont pris sur elles d’entrer dans ce monde sordide. Bénéficiant d’un réseau de prostituées venant d’ailleurs, “ les filles des autres” seront vendues aux pêcheurs et autres bons pères de famille et maris aimants.

Ce business lucratif dévore les chaires et les âmes. Car ses femmes ont toutes conscience, la faute leur en revient en partie et il est temps de changer l’ordre des choses. L’excuse de la survie de certaines s’est fait au détriment d’autres. Et c’est un final teinté d’humour noir mais aussi d’espoir et de détermination qui unira nos héroïnes de tous bords.


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« Le duo de cinéastes Bridget Savage Cole/Danielle Krudy, distille un cinéma qui pose les questions et y répond. Un cinéma qui nous interpelle sans forcer le trait et reste dans ses rails discrètement pendant que le vrai jeu se joue. »

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