CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Blood on Her Hands, comment auriez-vous réagi à sa place ? [Fantasia 2019]

Synopsis : « A woman’s panicked decision to cover up an accidental killing spins out of control when her conscience demands she return the dead man’s body to his family. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…
Film vu dans le cadre du Fantasia Festival International de Film 2019, élément à prendre en compte, car il est le festival avec l’ambiance la plus indescriptible.

S’il y a bien une chose que l’on ne cesse de critiquer à longueur d’articles, c’est bel et bien le manque d’originalité. Un manque de créativité et de laisser-aller de la part de cinéastes, très souvent talentueux, mais qui se contentent de projets conventionnels. Si dans le fond, chaque projet trouve une subtilité qui lui inculque une identité artistique qui lui est propre, les propos se ressemblent. Et que dire de la forme des projets en question. Suivre la bonne démarche, se contenter de ce que mettre en œuvre ce que l’on nous dit de faire afin d’avoir un scénario qui soit bon. Suivre les étapes une à une, introduire ses personnages afin que le spectateur puisse s’attacher à eux, avant d’introduire un premier élément perturbateur qui va enclencher une machine qui se devra de ressembler à une montagne russe émotionnelle jusqu’au climax. Suivre cette démarche permet, tout du moins sur le papier, d’avoir l’ébauche d’une œuvre qui aura le mérite d’avoir été pensée puis créer dans les règles de l’art. « Fuck the rules » comme dirait l’autre. On voit des films chaque jour et le plus grand plaisir qui subsiste, surtout dans le cadre d’un festival, c’est de découvrir une œuvre construite suivant la propre volonté du scénariste. Ne pas suivre les règles, mais aller au-delà des règles, tout en prenant en considération qu’il faut tout de même conserver l’attention du spectateur et ne jamais lui donner l’impression qu’il est perdu tout en racontant une histoire plausible qui débouche sur un réel propos.

Premier long-métrage écrit, produit et réalisé par Matthew Pope après avoir fait ses gammes sur du court, Blood on Her Name est un film que vous avez déjà vu auparavant. Blood on Her Name conte l’histoire d’une jeune mère de famille qui après avoir accidentellement tuée un homme panique et se demande quoi faire. Rien de bien nouveau, un coup d’œil dans le rétroviseur et vous avez en ligne de mire un large panel de longs-métrages qui content exactement la même histoire. Néanmoins, et tel que vous vous en doutez après notre longue introduction, Blood on Her Name ne raconte pas cette histoire de la même manière. Aucune contextualisation, aucune introduction, mais un film qui débute sur une flaque de sang, un homme au sol et une femme essoufflée, apeurée face à lui. Le film débute sur ce qui aurait en temps normal été la seconde, voire troisième étape du film (élément perturbateur ou péripétie). Débuter son film à cet instant donne une toute autre dynamique. Le spectateur a une longueur de retard sur l’histoire. Qui est-il ? Qui est-elle ? Où se déroule l’action ? Pourquoi a-t-elle fait ça ? Un large panel de questions traverse l’esprit du spectateur alors que face à lui, l’action déroule et progresse sans temps morts et sans faire un retour dans le temps qui nous aurait mis hors de nous. Le scénario repose sur cette même volonté de distiller au compte-goutte les informations, dont le spectateur à besoin. Apporter les réponses aux questions par le biais de la mise en scène et de dialogues qui auront pour nécessité première de faire avancer l’action et non simplement de parler au spectateur.

Il est un film non manichéen, un film qui pousse le spectateur à se poser des questions dans le but qu’il prenne son mal en patience et se laisse bercer par le film. C’est osé, audacieux et extrêmement gratifiant. Ne pas avoir toutes les cartes en main, être frustré de ne rien savoir, mais découvrir au fur et à mesure. Une histoire sans prétention, mais un scénario implacable et rondement bien mené. Blood on Her Name repose sur le point de vue de son personnage principal. Il suit la logique de son personnage, une logique qui lui est propre et n’est par déduction pas celle des spectateurs. Si l’on se demande à de nombreux moments si elle a raison d’agir tel qu’elle le fait, des personnages secondaires agiront dans le sens du spectateur pour apporter un second point de vue. Interagir avec elle, la ramener à la raison… ou pas. Jusqu’au-boutiste, forcé de constater qu’il est jubilatoire de découvrir un film dont le scénariste va au bout des choses. Opter pour un point de vue, y rester quitte à devoir choquer et ne jamais sombrer dans la facilité à l’aide d’une remise en question (par exemple). À l’image de sa volonté première de ne pas opter pour un point de vue omniscient, Blood on Her Name est un film qui a les couilles d’aller au bout des choses. Une réelle réappropriation par l’écriture d’une histoire vue et revue des centaines de fois, qui grâce à cela, va nous paraître originale. Haletant, radical et jusqu’au-boutiste, alors que le synopsis tient en une ligne. Un beau et audacieux tour de force.

Incarné avec talent, notamment par son actrice principale Bethany Anne Lind qui inculque une authenticité et une sincérité touchante qui rend son personnage très attachant, Blood on Her Name captive et ne relâche à aucun moment l’attention. On lui reprochera tout de même une direction d’acteur peu avenante et créative concernant le personnage incarné par Jared Ivers. Pas inintéressant, mais il semble se demander ce qu’il fait là et comment jouer tel ou tel moment. Trop inexpressif, devenant rapidement plus agaçant qu’attachant alors que le background du personnage possède un potentiel incroyable, mais de ce fait inexploité. Un tout mis en scène avec dynamisme de manière à ne jamais relâcher la tension. Très efficace, malgré une réalisation trop didactique et un cadrage qui ne prend que trop rarement soin de ses compositions. Trop de champ/contre-champ et pas assez de créativité pour inculquer au film l’imagerie audacieuse et riche qu’aurait mérité un tel scénario. Ce qui n’entache pas le plaisir du visionnement, mais ne permet pas au film d’être plus qu’un thriller captivant grâce à son actrice principale et tout aussi haletant que radical grâce à un scénario qui ose le jusqu’au-boutisme et ne pas simplement suivre les règles.


« Ou comment rendre une histoire éculée, captivante grâce à un scénario aussi bien écrit, qu’audacieux et jusqu’au-boutiste. Parsemé de défauts, mais haletant et superbement interprété malgré une imagerie qui manque de recherche et de richesse. »


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