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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

The Way Back, le chemin de croix de Ben Affleck mis en scène par Gavin O’Connor

Synopsis : « Une star du basketball a perdu sa femme et sa famille à cause de son addiction. Il a l’espoir de trouver sa salvation en devenant le coach d’une équipe de basketball d’un lycée qui ne compte aucune victoire à son actif. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Metteur en scène à qui l’on doit le drame sportif Warrior, Gavin O’Connor est de celles et ceux qui ne se contentent pas d’un seul genre. Le cinéma ne se résume pas à un genre plus en particulier, mais est un savant mélange de genre. A l’image de la filmographie d’un cinéaste tel que Gavin O’Connor. Du thriller policier avec Le Prix de la Loyauté, au drame sportif avec Warrior en passant par le western Jane Got a Gun (dont il demeure à ce jour le réalisateur malgré les problèmes de production). Des films qui sur le papier n’ont pas rapport, mais possèdent bons nombres de liens. Le lien principal résidant au cœur du scénario de chacun des films susnommés : la fraternité et l’appartenance familial. Puis débarque Mr Wolff. Oeuvre qui ne déroge pas à la règle, tout en cloisonnant son récit autour d’un profil en particulier, autour d’un personnage. Bâtir tout un background émotionnel et atypique autour de ce personnage. Une oeuvre sensible et intéressante, car ambiguë grâce à cette même caractérisation. Une oeuvre qui pousse le spectateur à se poser la question : doit-on aimer ce personnage ? Pour son nouveau film, le cinéaste Gavin O’Connor joue une nouvelle fois la carte de l’ambiguïté, mais à un autre niveau. L’ambiguïté face au rapport à la réalité. Tout en confinant une nouvelle fois son histoire autour d’un seul et même personnage quitte à occulter tous les autres.

Dans le film The Way Back, Ben Affleck, nouvelle muse du cinéaste américain, campe Jack Cunningham ancien grand joueur de basketball devenu alcoolique suite à un drame personnel. Son retour sur le parquais au poste d’entraîneur va le pousser à franchir un cap et faire face à ses démons. Un tel synopsis donne le ton d’une oeuvre qui ne se voile pas la face. Le spectateur a déjà fait face à une oeuvre de cet acabit. Il connaît chaque engrenage de cette horlogerie parfaitement réglée. Son début, sa fin, la remise en question symptomatique d’une oeuvre du type et la manière dont va être amené puis développé cette même remise en question. Une structure narrative éculée, mais assumée, car c’est cette histoire que cherche à compter Gavin O’Connor et son scénariste Brad Ingelsby. L’effet ressenti en tant que spectateur n’est pas le même que lorsque l’on part à la découverte d’une oeuvre dont tout nous est inconnu. Un chemin balisé, un chemin de croix, le chemin de la rédemption pour un acteur ici bel et bien au centre d’une histoire fictionnel. L’on parle bel et bien de l’acteur et non du personnage. Le personnage s’efface au profit de l’acteur et de son histoire et non l’inverse. Avec The Way Back, Gavin O’Connor va à l’encontre de ce qu’une oeuvre de cinéma se doit de créer afin de créer la parfaite illusion. L’illusion n’est ici qu’un mince linge blanc permettant à la réalité de se confondre à la fiction. Pas de confrontation, mais une confusion volontaire afin de permettre à l’acteur principal de transcender de par son histoire personnelle, ce qui aurait pu être qu’un énième drame américain consensuel.

Si le spectateur ne se demande pas si on lui compte une histoire vraie ou une histoire purement fictionnelle, il se rend rapidemment compte de la manière dont la réalité a nourri la fiction. Si The Way Back est une oeuvre aussi galvanisante que bouleversante, c’est purement et simplement grâce à son acteur principal : Ben Affleck. Un acteur en proie a ses propres démons, un acteur qui se retrouve dans la peau d’un personnage qui n’est autre que son double fictionnel. Une véritable rédemption, un véritable combat qui se développe face aux yeux d’un public qui n’est pas dupe. Un rôle bâti sur mesure pour un acteur qui ne demande qu’à s’en sortir et à sortir le meilleur de lui-même. Ce que transmet avec superbe un Gavin O’Connor impliqué encouragé par l’histoire de son acteur. Par ses intentions de mise en scène et de cadrage, le cinéaste insiste sur l’addiction, la répétition des gestes, la négation du mal être et la perdition de l’être. Une insistance sur les gestes, sur le regard perdu de son acteur, sur le gimmicks de jeu de ce dernier. Un cinéaste qui se nourri pleinement d’un acteur en parfaite maîtrise, d’un acteur qui semble aller piocher dans ses traumatismes personnels afin d’inculquer au film cette crédibilité, tout en se servant de cette expérience comme d’un exorcisme pour lui-même. Telle est l’impression que le jeu transcendé de Ben Affleck donne lors du visionnage. Telle est la manière dont Ben Affleck transcende l’oeuvre de manière plus générale. La caméra n’en a que pour lui, quitte à en oublier tous les personnages secondaires délaissés au rang de faire-valoir qui vont simplement permettre au protagoniste d’avancer.

Un récit fondamentalement classique et sans surprises, porté par une réalisation didactique afin de donner du corps à ce qui représente le cœur de l’oeuvre : son acteur principal. Ben Affleck nourrit son metteur en scène et transcende l’oeuvre en tant que tel. Si le sport permet à l’oeuvre de gagner en densité et en intensité (mouvements dû au sport et intentions de montages liés à ce dernier), The Way Back n’est pas plus un drame sportif qu’une comédie. C’est un drame sur l’addiction et sur la rédemption suite à un traumatisme. Un drame où le sport, le basketball en l’occurrence, n’est qu’un outil narratif. Aussi bon soit-il, sans son interprète principal, The Way Back ne serait rien, The Way Back n’existerait fondamentalement pas. Il est un film façonné autour de son interprète principal, autour de la vie de son interprète principal. Un exutoire cinématographique pour l’acteur Ben Affleck qui trouve ici son plus beau rôle à ce jour, et peut-être le rôle qui lui était nécessaire à ce stade de carrière, à ce stade de vie. The Way Back n’est pas un grand film, mais il est un film sincère. Un pur film de mise en scène et d’intention de jeu, dont chaque mouvement de caméra ou choix de découpage est réalisé en fonction d’une intention de jeu. Le jeu, le personnage, l’interprète avant tout. Il porteur d’émotion, il est le cœur battant de ce drame aussi galvanisant que bouleversant qui arrive assez facilement occulter le classicisme de son histoire. Une oeuvre qui s’assume en tant que tel et qui ne cherche pas à être plus. Gavin O’Connor se concentre sur l’essentiel pour raconter son histoire et en ressort une oeuvre maîtrisée et de qualité.


« Quand les traumatismes d’un acteur deviennent sa force première afin de transcender chacun des plans et d’encourager chaque intention de cadre et de mise en scène. Exceptionnel Ben Affleck, Gavin O’Connor à son sommet. »

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