CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

The Shape of Water réalisé par Guillermo del Toro [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : “Modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultrasecret, Elisa mène une existence morne et solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres…”


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

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Il y a un trio sur lequel les spectateurs du monde entier ont pu compter ces dernières années. Ce trio ne vient pas des États-Unis comme d’autre, ni n’a fait parti du fameux Nouvel Hollywood avec les Martin Scorsese, Francis Ford Coppola et autres Georges Lucas. Ce trio composé d’Alfonso Cuaron, Emmanuel Lubezki et Guillermo del Toro vient du Mexique et a su, chacun à leur manière, conquérir le monde cinéphilique et le cœur des cinéphiles et spectateurs du monde entier. Ils ont su, à la manière des réalisateurs du Nouvel Hollywood, imposer en douceur leur propre patte artistique et leur vision du cinéma. On reconnaît Alfonso Cuaron pour ses œuvres qui oscillent entre le romantisme et l’humanisme, Emmanuel Lubezki pour son travail de la lumière naturelle et son amour du plan-séquence, et Guillermo del Toro pour son amour du cinéma et son amour pour l’étrange. Ils sont, chacun à manière, de véritables et grands auteurs de cinéma qui ont une vision du cinéma bien distincte. Depuis l’université et leurs premiers courts-métrages, ils s’accompagnent et s’aident mutuellement. Aujourd’hui encore, cette amitié grandie, perdure et semble n’avoir jamais été aussi forte. C’est cette complicité, cette sincérité, cet amour mutuel pour le cinéma qui fait leur force puisque se retrouvant au cœur de chacune de leurs œuvres. Si Guillermo del Toro avait par le passé déjà su séduire le cœur des spectateurs, ces derniers ne sont surement pas prêt à la découverte de celui qui semble bel et bien être, son film le plus personnel, mais également son plus réussi pour ne pas dire: son chef-d’œuvre.

Après Mimic, Cronos ou encore L’Échine du Diable sur lesquels il officiait en tant que scénariste et réalisateur, c’est en 2002, que le cinéaste mexicain fit son entrée dans cette grande industrie qu’est l’industrie hollywoodienne, en acceptant la lourde tâche de mettre en scène la suite du film Blade avec Wesley Snipes dans le rôle-titre. Adorateur de toutes formes d’arts, mais plus particulièrement de bandes dessinées, ainsi que par le monde vidéoludique, comment ne pas refuser un tel projet ? Si Blade 2 était un projet casse-gueule, c’est fondamentalement celui qui lui permit de s’atteler à l’adaptation de la licence écrite et dessinée par Mike Mignola: Hellboy. À partir de là, son talent était prouvé, Guillermo del Toro avait su trouver les idées afin de transposer sa vision du cinéma et son amour pour le cinéma, au travers de films à gros budget, mais également de films à plus faibles budgets. Au cours d’une rencontre en novembre 2017, à la question « Si Netflix vous proposait de produire votre prochain film ou un projet de film vous accepteriez ? », le cinéaste français Michel Hazanavicius avait répondu: « Netflix ou rien ? Netflix ». À l’image du cinéaste français, Guillermo del Toro est un passionné de cinéma et tant qu’il peut raconter les histoires qu’il a envie, il le fera, peut importe les moyens. The Shape of Water, traduit littéralement en un joli La Forme de l’Eau pour sa sortie française, est la représentation parfaite des quelques mots rédigés précédemment.

Avec son budget estimé à environ 20 millions de dollars, on est loin des 55 millions du film Crimson Peak ou encore des 190 millions de Pacific Rim. Cependant, The Shape of Water n’en demeure pas moins un film estampillé Guillermo del Toro, un film au cœur duquel on retrouve les thématiques habituelles au cinéaste. L’amour, l’affrontement, la dualité chez l’être humain, la monstruosité (par le biais de l’intérieur de l’être humain et l’aspect chez les créatures), mais également le rapport au cinéma. The Shape of Water est un condensé, un résumé aussi bref qu’intense et émotionnellement fort de toutes les histoires que nous raconte le cinéaste mexicain depuis plus de vingt ans maintenant. The Shape of Water conte l’histoire d’amour charnel et passionné d’une femme différente des autres puisque muette, avec une créature marine d’origine inconnue. Un conte, une romance contée (introduit et conclu) par un narrateur qui ne précise à aucun moment qui il est (même si la voix nous porte à croire que), ni à quelle époque cette histoire prend lieue. Comme une volonté de conter une histoire intemporelle, une histoire fictionnelle, mais dont les thématiques et problématiques peuvent être adaptées suivant les personnes, générations, lieux et années ou pourront être visualisé le film. Par là, et ce concept vieux comme le cinéma, Guillermo del Toro renoue avec ce même vieux cinéma, celui qui cherchait avant tout à raconter une belle histoire.

Une histoire sincère et passionnée qui, même si prévisible et classique dans ses grandes lignes ainsi que ses rebondissements, réussit à captiver et à surprendre grâce à un attachement émotionnel du spectateur envers les personnages, provoqué par une écriture et une mise en scène maline qui se concentrent avant tout sur les personnages et leurs émotions. Des personnages qui reposent sur des archétypes, mais qui ont leur caractère respectif et réussiront de ce fait, et grâce à une direction d’acteur en corrélation, à toucher (positivement ou non) le spectateur. Un scénario qui n’est donc pas régi par un manichéisme facile, et qui, à l’image de la réalité représente des personnages, qui même si fictionnel et évoluant dans un univers qui l’est tout autant, qui auront des réactions sensées et insensées, mais toujours naturelles et cohérentes. Véritable ode au cinéma fantastique et plus précisément aux films de monstres des années 50/60 (film ouvertement et librement inspiré par le classique du Universal Monster: L’Étrange Créature du Lac Noir réalisé par Jack Arnold), The Shape of Water en reprend la noirceur et la tendresse. Un film à l’univers moite et anxiogène (lieux fermés et toujours de nuit), mais aux protagonistes dont la tendresse et l’humanisme vont dépeindre sur l’ambiance générale de l’œuvre, ainsi que sur le bien être du spectateur.

Face à un long-métrage, le spectateur sait, toute proportion gardée, en l’espace de 5 minutes de visionnage s’il va adhérer ou non au film, et où, ce dernier souhaite l’emmener. Dans le cas du du long-métrage The Shape of Water, il suffit d’une note d’un plan et d’une musique d’ambiance à Guillermo del Toro pour mettre la nappe et tourner avec délicatesse la première page d’un conte dont la colorimétrie qui joue sur une dualité entre le froid et le chaud, représentative de l’amour aquatique et passionnée que vont vivre les deux personnages l’un pour l’autre. Éclairé par Dan Laustsen à qui l’on devait déjà la photographie du superbe Crimson Peak, The Shape of Water est une merveille sans nom. Utiliser peu de décors (labo et appartement) et situer l’action uniquement la nuit ne permet pas d’avoir un regain de surprise visuelle, mais permet cependant d’immerger au mieux un spectateur qui va être en connaissance des lieux et au plus près des personnages. Des lieux qui vont chacun disposer de leur propre colorimétrie (chaude pour l’appartement et froide pour le laboratoire) afin de complémenter la caractérisation des personnages et d’en dire long sur leur rapport à ces mêmes lieux (s’ils s’y sentent bien ou non). À l’image de la bande originale orchestrée par le compositeur français Alexandre Desplat, le travail réalisé par Guillermo del Toro et Dan Laustsen tient du travail d’orfèvre. Une réalisation où chaque détail compte, où chaque élément à son importance afin de rendre l’expérience la plus belle possible et l’oeuvre dans sa globalité, la plus cohérente possible afin de parfaire l’immersion et rendre l’émotion aussi authentique que la sincérité provenant de l’artiste. Et ce, sans omettre le travail de maquillage (special makeup effects NDLR) signé Jeff Derushie et la création des costumes par Luis Sequeira.

The Shape of Water n’est pas une grosse production hollywoodienne, mais reste tout de même un film sur lequel on travaillés 200 à 300 personnes. Ce qui peut paraître énorme, mais reste insignifiant comparé à la concurrence hollywoodienne, à l’image du budget du film passé essentiellement dans la création de décors, une plus-value indéniable à la qualité et cette authenticité que dégage le film. Guillermo del Toro revient avec son film le moins cher depuis L’Échine du Diable en 2001, qui n’est autre également que son film le plus authentique, le plus beau et le plus sincère. Une lettre d’amour au cinéma fantastique et plus globalement au cinéma dans sa forme la plus grande possible. Une œuvre d’art complète, où chaque corps de métier apporte sa pierre à l’édifice afin de conter une belle histoire telle que le cinéma le permet depuis plus de cent ans. Visuellement resplendissant, musicalement enivrant et porté par un casting incarné, aussi touchant que menaçants (Sally Hawkins, Michael Shannon et Doug Jones à leur sommet), The Shape of Water est un incontournable qui ne finira pas d’émerveiller et qui, devrait à notre humble avis, s’imposer comme le chef-d’œuvre de Guillermo del Toro.

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