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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

The Hunt, le bac à sable de Damon Lindelof et Nick Cuse

Synopsis : « Sur fond d’obscure théorie du complot sur internet, un groupe de dirigeants se rassemble pour la première fois dans un manoir retiré, afin de se divertir en chassant de simples citoyens américains. Mais leurs sombres desseins vont être mis en péril par Crystal, une de leurs proies, capable de les battre à leur propre jeu. La jeune femme renverse les règles, et abat un par un les chasseurs qui la séparent de la mystérieuse femme qui tire les ficelles de ce passe-temps macabre. »

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Jeune réalisateur de seconde zone, Craig Zobel n’a jamais réussi à atteindre les salles de cinémas françaises et il semble que cette règle ne va pas être transgressée dès demain. Habitué aux films de genre à concept (dont on retiendra essentiellement le haletant Compliance), le cinéaste c’est depuis quelques mois tournés vers les productions télévisuelles et pas des moindres. De Westworld à Mare of Easttown en passant par American Gods et The Leftlovers, Craig Zobel passe de production en production afin de mettre la main à la pâte. Si la différence entre cinéma et télévision est aujourd’hui inexistante, il est finalement très intéressant de voir comment les auteurs et artisans du cinéma se servent de l’un comme de l’autre afin de raconter leurs histoires. Et notamment se rendre compte comment un scénariste comme Damon Lindelof en vient à user d’un médium comme le cinéma comme d’une cour de récréation. Un mot d’ordre : régressif. Celui a qui l’on doit le scénario de cette série qui a su faire vibrer des générations entières de spectateurs (Lost : Les Disparus), mais également pleurer des foyers entiers avec The Leftlovers. Sans parler de son récent coup de poker avec la série Watchmen pour la chaîne américaine HBO. Derrière ces noms qui ont marqués le medium, se cache un panel de longs-métrages plus nébuleux. Prometheus, Star Trek Into Darkness, World War Z, Cowboys & Envahisseurs, ainsi que l’exception qui confirme la règle : Tomorrowland. Du cinéma populaire, du cinéma spectaculaire et familial (avec un propos social ou politique sous-jacent au sein de chacune des œuvres susnommées) qui prône le spectacle régressif sans jamais chercher la controverse.

Pourquoi The Hunt ? Pourquoi un projet tel que The Hunt a été emporté par une vague de controverses essentiellement outre-Atlantique ? The Hunt n’est pas un film à controverse. La seule controverse est celle créée par des médias qui cherchent la controverse possible en chacun des films qu’ils visionnent. Si chaque film est éminemment politique, une fois terminé chaque film est avant tout laissé à la libre parole et la libre interprétation de chacun. Et ce que veulent les médias c’est faire parler. Ce qui ne déplaît pas toujours aux département marketing, qui s’engouffrent généreusement dans les brèches créées par les médias. En bien comme en mal, en parler, c’est mettre l’oeuvre en lumière et pourquoi pas attiser la curiosité de futurs spectateurs Si The Hunt suscite tant la controverse c’est parce que Damon Lindelof et Nick Cuse ne prennent pas de gants blancs et citent ouvertement. Là ou une licence telle que The Purge ne fait que sous-entendre. Citer les partis politiques américains, dire qui sont les responsables d’un tel massacre organisé et ne jamais sombrer dans le manichéisme en orchestrant un véritable dîner de cons. Un dîner, où le con n’est pas uniquement celui que l’on croit, mais où ils le sont véritablement tous. Défendre publiquement qu’il n’y a ni bonne, ni mauvaise pensée, mais surtout de mauvaises interprétations qui vont porter à la création d’une image positive comme négative. Et ce, peut importe votre camp.

The Hunt est un bac à sable pour les scénaristes que sont Damon Lindelof et Nick Cuve. Et leur idée est fondamentalement brillante pour un film du calibre de The Hunt. À savoir un film de massacre qui ne se prend pas la tête et cherche avant tout à être un spectacle régressif. Une idée brillante, car un scénario qui ne prend pas de gants blancs et crie tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Tourner en dérision et mettre des images sur ces arrières-pensées décuple le plaisir jubilatoire d’un spectateur dont les croyances ne vont pas à l’encontre de celles des scénaristes. Quoi de plus régressif qu’un tel postulat pour un jeu de massacre. Les libéraux jubilent alors que les démocrates crient au scandale, sans prendre le temps de se rendre compte qu’il n’y a ni bonne, ni mauvaise personne au sein de ce récit, ni même de propos moralisateur. The Hunt est un film plus malin qu’il ne le porte à croire (toutes proportions gardées bien entendu). Sans omettre le jeu sur les points de vues, qui amplifie le propos non-manichéen du scénario et la volonté de ne pas avoir un protagoniste et un antagoniste en particulier. Malheureusement, ce scénario non-moralisateur et qui évite toute notion de manichéisme grâce à des personnages caractérisés par leur simple impulsivité (métaphore libre du règne animal ou seul le plus fort vaincra et survivra) et une dérision omniprésente, est entachée par un cinéaste qui semble croire qu’il met en scène un thriller politique et non une comédie satirique. Cinéaste peu habitué à la dérision et au divertissement over-the-top, Craig Zobel ne va jamais suffisamment loin dans ses intentions pour insuffler au film cette auto-dérision assumée et exagérée. Que ce soit dans ses idées de mise en scène, de direction d’acteur.rice.s, ainsi que dans son découpage (beaucoup trop conventionnel et didactique pour accentuer un aspect décomplexé), Craig Zobel ne fait que mettre en image ce qui a été couché sur papier sans prendre temps d’y insuffler un ton approprié. Il y a une vraie dissonance entre ce que l’on voit et ce que l’on comprend à demi mot.

Efficace certes, mais qui manque cruellement de folie -notamment dans sa direction d’acteurs et d’actrices- afin que The Hunt puisse espérée être la comédie d’action satirique décomplexée que son scénario laisse entrapercevoir. On en retient un thriller d’action aux personnages antipathiques, incarnés avec beaucoup trop de conviction -ou peut-être pas assez qui sait- pour espérer créer la moindre émotion (empathie ou drôlerie absurde voire burlesque) chez un spectateur qui reste hagard face à des scènes de violence qui n’ont finalement aucun but mis à part être violentes. Là ou, The Hunt aurait pu être une comédie d’action qui se sert de son propos satirique afin de rendre cette même violence drôle et jubilatoire. Ce qu’était fondamentalement le film Ready or Not, dont on regrettait le manque de folie dans ses scènes d’action. Se servir de situations burlesques et d’une folie sauvage, ainsi que de réactions démesurées voire absurdes afin de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. S’il demeure un plaisir coupable qui plaira aux amateurs de massacre organisés, The Hunt reste avant tout une oeuvre fade et désincarnée dont le scénario aurait mérité un tout autre châtiment. Ça manque de folie, ça manque de cocaïne tout ça.

« Un cruel manque de folie pour un film qui aurait gagné à assumer son statut de comédie d’horreur satirique. »

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