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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

The Dead Don’t Die, un Jarmusch mineur

Synopsis : « Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l’évènement le plus étrange et dangereux qui allait s’abattre sur Centerville : THE DEAD DON’T DIE – les morts sortent de leurs tombes et s’attaquent sauvagement aux vivants pour s’en nourrir. La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après le vampirique Only Lovers Left Alive (2014) et le poétique Paterson (2016), Jim Jarmuschrevient sur la croisette avec The Dead Don’t Die, présenté en ouverture et en compétition au Festival de Cannes 2019. Ce 13ème long-métrage du cinéaste se déroule dans la petite ville américaine de Centerville, où d’étranges phénomènes météorologiques ont lieu. Une sorte de dérèglement de la nature, dans le comportement des animaux, dans les horaires de la lumière du jour. Des événements inquiétants couronnés par l’émergence d’un groupe de zombies qui sortent de leurs tombes pour s’en prendre aux vivants. Un monde qui ne tourne plus très rond, cela semble être le constat que fait Jim Jarmusch de l’Amérique de Trump dépeinte dans ce nouveau film.

Après s’être emparé du mythe du vampire dans Only Lovers Left Alive, le cinéaste s’empare cette fois-ci de celui du zombie, avec les références cinéphiliques du genre : des clins d’œil au cinéma de George Romeroaux règles de l’apocalypse zombie (« Kill the Head » dit le personnage d’Adam Driver lorsque celui de Bill Murray lui demande comment on tue un zombie). Comme à son habitude, Jarmusch s’empare d’une figure du genre et de ses codes pour en faire une parabole politique, tout en l’associant à l’errance de son cinéma poétique. L’apocalypse zombie de cette petite ville américaine au quotidien étrange, qui n’est pas sans rappeler le Twin Peaks de David Lynch (1990 – 2017), se transforme alors en une balade romantique pour le trio de policiers locaux (Bill MurrayAdam Driver et Chloë Sevigny) avec ses petits airs de bande originale rock et hypnotique, avec pour fond la chanson The Dead don’t die de Sturgill Simpson qui donne son titre au film, comme le rappelle le personnage d’Adam Driver à son compare Bill Murray, lorsque Jarmusch brise le quatrième mur dans des clins d’œil méta plus ou moins subtils. 

The Dead Don’t Die accumule les clins d’œil au cinéma de Jim Jarmusch, notamment la croque-mort samouraï que campe l’extravagante Tilda Swinton. Elle n’est pas sans rappeler le personnage de Forest Withaker dans Ghost Dog (1999), se présentant par moment comme une synthèse de son cinéma et de sa pensée. Il est très plaisant de voir un casting aussi prestigieux s’accumuler sous les prothèses zombiesques un peu nanardesque dont se moque le cinéaste (Iggy Pop en zombie accro à la caféine, entre autres) ou dans les caricatures représentées par les habitants de cette petite ville (Steve Buscemi en fermier pro-Trump, Caleb Landry Jones en geek qui porte un tee-shirt Nosferatu (celui du film de F.W. Murnau, 1922), un autre clin d’œil au film de vampires, ou un pin’s Night Of the Living Dead (1968), autre hommage au cinéma de Romero). Et disons-le clairement, oui, The Dead Don’t Die est plutôt drôle, voire très drôle, surtout lorsque Jarmusch assume de purs moments de comédie noire avec, pour toile de fond, un regard pessimiste sur une société aliénante et consommatrice où nous sommes tous des zombies aliénés qui courent vers leur perte, condamnés à redevenir littéralement poussière. Le personnage d’Adam Driver répète pendant tout le film que « tout ça va mal finir », comme si le cinéaste prédisait la fin de notre monde en se dédoublant à travers ses personnages, que ce soit à travers les personnages méta de Driver et Murray, ou encore le personnage d’Ermite incarné par Tom Waits, qui conclut le film sur les mots « What a fucked up world », une réplique qui résume assez bien la pensée du cinéaste sur notre époque contemporaine. 

Moins romantique qu’Only Lovers Left Alive, moins poétique que PatersonThe Dead Don’t Die n’en demeure pas moins une comédie noire savoureuse dans son pessimisme, une fable politique plus ou moins subtile dans le genre, un constat sur l’époque de l’Amérique Trump.

Ce film est interdit aux moins de 12 ans

« Un Jim Jarmusch mineur mais plutôt drôle, voire très drôle. »



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