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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Sashinka réalisé par Kristina Wagenbauer [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « Alors qu’elle s’apprête à produire un spectacle très important pour sa carrière, une musicienne de 22 ans est bousculée par le retour de sa mère, une femme colorée, mais fragile. »

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Si on vous parlait il y a une semaine maintenant du film Un Printemps d’Ailleurs réalisé par Xiaodan He, c’est cette fois au tour d’une autre première réalisation de prendre la lumière. Celle-ci se nomme Sashinka et est une nouvelle production québécoise. Tourné à l’été 2016 lors des quelques jours où pouvaient se réunir acteurs, actrices et les différents techniciens contactés par la réalisatrice, ainsi que son équipe de producteur.rice.s, Sashinka a enfin trouvé le chemin des salles obscures québécoises. Trouver un producteur.rice qui aime et décide de porter le projet, trouver un distributeur qui décide de le soutenir et/ou trouver une ou plusieurs salles de cinéma qui décident de lui donner sa chance. Plusieurs étapes qui sont loin d’être facile à passer lorsqu’on est un « petit » réalisateur ou une petite réalisatrice qui décide enfin de franchir le cap de la première réalisation d’un long métrage. Après avoir signé plusieurs courts métrages et clips musicaux qui lui auront permis de se faire la main et semble-t-il de voir sa passion pour le cinéma grossir projet après projet, Kristina Wagenbauer termine en 2017 son premier long métrage : Sashinka.

« Le poids des mensonges et du non-dit pèse sur deux personnages aussi touchant qu’agaçants, interprétés par deux actrices d’exception. »

Le début d’une carrière prometteuse ? L’on ne sait jamais de quoi le futur sera fait ou encore si elle aura les opportunités, mais une chose est sûre : ce passage au long métrage est une réussite pour la cinéaste tout droit sortie de l’INIS. Réaliser un long métrage n’est pas chose simple. S’il est souvent dit que les films au budget de plus de 100 millions de dollars ne sont que des productions qui ne savent pas bien dépenser de l’argent, il est certain qu’il faut du budget pour rémunérer les équipes qui travaillent en pré-production, lors de la production ou encore lors de la post-production. Pour Sashinka, l’on parle de 180.000 dollars de budget, ce qui n’est en soit vraiment pas une somme importante si l’on compte ne serait-ce que la location du matériel (caméra, lumières, accessoires pour la direction d’artistique…), la location des lieux, la régie ou encore la somme louée pour payer l’équipe qui a permis au projet de voir le jour. Mais il n’en est pas moins un budget « suffisant » pour une réalisatrice et une équipe (de production comme technique) qui savent où ils vont et comment dépenser cette même somme. Ce qui est le cas d’un large panel de cinéastes en herbe d’entre 20 et 35 ans, qui font leurs gammes sur divers projets vidéos tels que des courts-métrages et des clips musicaux. Si sur le papier, l’histoire ne semble pas être la plus originale au monde, elle s’avère suffisante afin que la scénariste et réalisatrice nous livre un moment de vie aussi tendre que touchant.

Un film qui semble n’avoir ni de début ni de fin. Le spectateur est pris de court, entre dans la vie de Sashinka à un moment qui pourrait être un moment clé de sa jeune vie et en sort à un moment où il va lui falloir faire un choix. Une mise en lumière d’un moment de vie particulier, de ce moment qui est celui d’un choix fondamental que l’on a tous et toutes un jour face à nous, mais qui au final ne se déroule pas forcément tel qu’on l’aurait aimé. L’élément perturbateur ici représenté par un personnage, un personnage haut en couleur, mère de celle qu’elle nomme Sashinka. Un élément déclencheur qui va lancer, relancer et relancer à nouveau un récit qui emporte le spectateur sur une route semée d’obstacles qui ne feront que renforcée une émotion palpable. S’il n’est pas dénué de défauts, Sashinka est un film qui possède une force incommensurable : de beaux personnages. Fort, touchant, mais également agaçant, le duo de personnages ne laisse pas de marbre tant chacune des deux femmes qui composent ce duo possède une personnalité haute en couleur. Elles ont le même sang, ont chacune des choses à se reprocher et des attitudes imparfaites, mais n’ont pas pour autant la même expérience. La recherche de l’humanité derrière l’imperfection et les attitudes par moment déplacées de chaque personnage. Un non-manichéisme qui va pousser le spectateur à réagir, à prendre parti ou non envers les actions/réactions de l’une ou l’autre, et qui va également permettre au scénario de s’enrichir.

Gagner en puissance émotionnelle et développer diverses thématiques telles que la responsabilité parentale, avoir le sens des priorités, l’impact d’un mensonge ou du non-dit, ou encore respecter l’autre en toute circonstance. C’est ce jeu mère/fille, cette opposition entre deux personnages que tout semble opposé, qui va porter le film et permettre aux spectateurs de s’impliquer émotionnellement. Un film de personnages, porté par de beaux personnages, mais avant tout interprété par d’excellentes actrices. Si l’écriture est une phase importante, le choix des actrices et leur interprétation respective le sont tout autant. Aussi fortes que fragiles, aussi agaçantes que touchantes, l’alchimie entre Carla Turcotte et Natalia Dontcheva est simplement parfaite. La tension est palpable et grâce à une habile (même si extrêmement simple) réalisation, le spectateur est à même de ressentir l’électricité et l’amour qui émane entre ses deux femmes perdues. Si Natalia Dontcheva est convaincante d’un bout à l’autre du récit, c’est avant tout Carla Turcotte qui nous éblouit plan après plan. Elle dévoile une palette émotionnelle d’une amplitude inattendue permettant au personnage de se renforcer jusqu’à un dernier plan qui s’abat tel un couperet. Le fera-t-elle ou ne le fera-t-elle pas ? Aussi intéressante que frustrante, cette fin nous laisse néanmoins de marbre, mais permet au moins au film de conclure sur une note suspendue qui permet de laisser placer à l’imaginaire de chacun et chacune.


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