CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

OATS Studios, le pari gagnant d’un studio dans l’ère du temps (?)

Retourne toi, regarde vers l’arrière et remonte de presque deux ans. Nous sommes le 15 juin 2017 et voici ce que nous disions à propos du court-métrage Rakka, première production de l’encore juvénile OATS Studio :

« Neill Blomkamp, ce réalisateur de grand talent auquel on a coupé les ailes. Reconnu en 2005 avec le court-métrage Alive in Joburg qui donnera par la suite un certain District 9, Neill Blomkamp a très rapidement été consacré par ses pères comme les amateurs. En moins de 10 ans, il est passé de l’ombre à la lumière, au petit cinéphile inventif au futur grand maître de la science-fiction. Attendu au tournant film après film alors que sa filmographie ne comptait qu’en ce temps qu’une seule réalisation (nous sommes en 2013, quatre ans après la sortie évènementielle de District 9), Neill Blomkamp a rapidement déchanté. Même si non dénués de défauts, ses films n’atteignaient pas le niveau attendu par certains spectateurs, par certains journalistes internationaux ou même producteurs. Les chiffres n’étaient pas au beau fixe et de plus en plus coûteux, les films étaient rentables sans pour autant dépasser les 280 millions de dollars de recettes à l’international. Assez faible pour du blockbuster moderne vis-à-vis de la concurrence. Dans une industrie où tout doit aller vite et où les studios privilégient la quantité à la qualité, Neill Blomkamp ne semblait plus avoir sa place. Il fait partie des rares qui ont une vision qui leur est propre et veulent l’imposer.

Il serait dommage de le voir à la tête d’un énième blockbuster insipide pouvant être réalisé par n’importe quel « Yes Man » malléable par l’industrie hollywoodienne. Et si le voir à la tête d’un projet d’envergure tel que Alien 5 était sur le papier excitant, c’est simplement parce qu’il représentait et représente toujours le futur du cinéma de science-fiction. Là où le style Ridley Scott appartient au passé. Poussé vers la sortie par ce dernier, Neill Blomkamp met en retrait Alien 5 et nous revient avec un projet encore plus excitant. Un projet qui nous donne envie et nous prouve qu’il a également toujours en lui cette envie de créer et de partager. « L’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. » Neill Blomkamp met en marche cet adage qui n’aura jamais été aussi véridique. Dévoilé il y a quelques semaines, Neill Blomkamp se sert de sa renommée pour porter le projet mené par Oats Studio. Avec Oats Studio, le cinéaste et son équipe ont pour envie de réaliser des courts-métrages expérimentaux qui seront par la suite proposés en streaming sur YouTube et Steam. Pas étonnant de voir ce partenariat avec la plateforme Steam qui pour rappel, prône l’indépendance notamment dans le monde du jeu vidéo. Neill Blomkamp fait un beau doigt d’honneur à l’industrie et s’en détache afin de mettre sur pied les projets qui lui, ou plutôt, leurs font envie.

Avec Rakka, Oats Studios dévoilent un premier court-métrage aussi ambitieux qu’expérimental. Un court-métrage qui condense tout ce qui faisait le charme d’un film réalisé par Neill Blomkamp. Tant dans la direction artistique, que dans la mise en scène ou encore l’écriture. Si l’on retrouve des éléments propres aux films Elysium et Chappie dans quelques effets de styles (utilisation de ralenti…), c’est avant tout District 9 que l’on retrouve avec plaisir au travers de ce Rakka. Neill Blomkamp prend le pendant de District 9 et cherche cette fois à humaniser la race humaine. Ravagés par une une race alien qui cherchent à prendre le contrôle de la Terre dans son entièreté, les humains vont devoir puiser au fond d’eux même la force de combattre et de survivre. Co-écrit par Neill Blomkamp et Thomas Sweterlitsch, Rakka repousse les limites de la dystopie pour mettre l’être humain face à ce qu’il y a de pire. À savoir lui-même et sa faculté à garder le mental pour faire face à n’importe quoi. Sombre, violent et viscéral grâce à un montage qui ne cherche pas à créer de fil rouge narratif, mais à poser les bases d’un univers, Rakka ne perd jamais en tension. Bien au contraire, plus le film avance, plus il gagne en force, en dureté. Gérés par l’équipe de VFX de Oats Studios, les effets spéciaux sont superbes et renforcent l’immersion du spectateur. Un travail impressionnant sur les textures donnant aux extraterrestres une rugosité, un réalisme incroyable. Sans omettre l’empathie que tente encore et toujours de créer Neill Blomkamp par sa mise en scène, envers ces extraterrestres même s’ils sont présentés telles de véritables créatures sanguinaires prêtes à tout pour arriver à leurs fins. Un Neill Blomkamp inspiré, allant jusqu’à donner à des effets de styles visuels (regards caméra, zoom compensé…) une signification particulière dans le scénario.

Et si Oats Studios était la meilleure idée que puisse avoir Neill Blomkamp pour mettre sur pied les projets de ses rêves. Des projets si ambitieux, si originaux, qu’ils n’auraient très certainement pas été validés en l’état par des producteurs et maisons de production. Même si l’objectif est d’atteindre le grand écran, telle la cerise sur le gâteau, la liberté offerte par le streaming et internet est pour le moment ce qui est arrivé de mieux au cinéaste sud-africain. Il délivre avec l’équipe de Oats Studios un premier court-métrage ambitieux et de grande qualité, tant technique que scénaristique (le scénario n’a ici pas été analysé en long, en large et en travers pour vous laisser découvrir les quelques belles idées dont regorge ce film de courte durée). Neill Blomkamp peut faire ce qu’il veut et réaliser le cinéma d’anticipation auteuriste qu’il souhaite par le biais de Oats Studios. Dynamique, organique et viscéral, Rakka nous le prouve et nous donne qu’une envie : découvrir le Volume 2. »


Nous sommes aujourd’hui le 05 avril 2019, presque vingt deux mois après la parution de cet article qui nous avait tenu, et nous tient toujours particulièrement, à cœur. En un an il c’est passé des choses. Les sociétés évoluent et le business du cinéma emprunte consciemment un chemin qui sera décisif. Ce chemin, comme vous pouvez vous en douté, n’est pas celui des salles de cinéma, mais bel et bien celui de la VoD et du Streaming. A l’image de la VR et de ce marché qui a ses détracteurs, mais qui semble bel et bien se développer au fur et à mesure de l’avancée des années, la consommation de vidéos en tous genres dont de courts et longs métrages, ne cesse de progresser. 4,05 milliards d’internautes recensés en 2017, soit une progression de 10% par rapport aux chiffres de l’année 2016. Les compteurs s’affolent et la propagation de l’utilisation dans la vie quotidienne de l’internet facilite le visionnage de vidéos. Télévisions, ordinateurs, tablettes et smartphones partagent notre vie et nous ne pouvons nous en passer. Une fois la journée de travail terminée, la facilité pour tout à chacun est d’allumer n’importe quel appareil afin d’enclencher la lecture d’un film ou de l’épisode d’une série via n’importe quelle plateforme : Amazon Prime, bientôt Apple ou encore Facebook, mais surtout Netflix aujourd’hui. Il en existe bien d’autres, mais celle qui est à la tête du marché et dont on ne parle sans cesse est bel et bien Netflix.

Netflix c’était au 18 janvier 2019 : plus de 139,26 millions d’abonnés dans le monde dont plus de 5 millions d’abonnés en France, plus de 10 milliards de chiffre d’affaire en 2017 et une capitalisation boursière qui a dépassée les 100 milliards de dollars (chiffre multiplié par 20 en l’espace de 5 ans). C’est juste phénoménal et ce n’est pas pour rien qu’il peuvent s’octroyer un large panel de productions originales et offrir à des cinéastes des opportunités qu’ils n’auraient pas ailleurs. Que les productions soient bonnes ou non, ils ont les moyens. Pas sûr qu’un autre studio aurait permis à Martin Scorsese de faire culminer le budget de son film The Irishman à près de 190 millions de dollars. Si le plus grand et classieux festival de cinéma au monde (Festival de Cannes NDLR), cherche à démontrer avec force au public qu’ils préfèrent tourner le tourner le dos à la plateforme Netflix, privilégiant la salle obscure publique à la salle obscure privée, la montée en puissance de cette dernière pourrait bien jouer un mauvais tour au festival. Le business de la production et de la distribution de films en salles est de plus en plus difficile (il faut avoir des certitudes de réussite pour faire du bénéfice et donc produire d’autres films) alors que celui du streaming est fleurissant. Vous êtes intelligent et vous avez certainement fait le rapprochement avec le sujet initial, à savoir : OATS Studios.

Au début de l’année 2017, le cinéaste Neill Blomkamp et son frère Mike Blomkamp ont tentés un pari. Celui de fonder un studio indépendant qui permettra à un panel d’artistes de mettre à profit leurs talents afin de créer une entité à part entière. Une communion créative qui a sa propre identité et qui se nomme OATS Studios. Un pari risqué qui c’est finalement avéré être payant. Deux ans après le lancement, OATS Studios c’est : 454.000 abonnés sur YouTube, 62.368 j’aime sur Facebook (contre 58906 j’aime en avril 2018), 35.700 abonnés sur Instagram (contre 23.900 abonnés en avril 2018), 32.300 followers sur Twitter (contre 22.100 followers en avril 2018). De beaux, chiffres, notamment si on se penche plus en détails sur la chaîne YouTube et le nombre de vues par vidéo. Une moyenne à plus de 200.000 vues avec 9.6, 2.8 et 2.2 millions de visionnages (contre 5.7, 2.2 et 1.8 millions en avril 2018) respectifs pour les courts-métrages principaux qui forment le Volume 1 de OATS Studios. On note une certaine baisse, mais elle n’a pas été définitive puisque les épisodes 2 et 3 de la série ADAM ont quant à eux par la suite attirés plus de 7.5 et 4.6 millions (contre 2.7 et 1.4 millions en avril 2018) d’internautes. C’est plus que conséquent, preuve en est que le bouche à oreille a été d’envergure et les résultats immédiats (6 mois entre la sortie de la première vidéo et l’épisode 3 de ADAM, dernière vidéo à cette date).

Sortir de la sphère hollywoodienne et entrer au sein de ce studio a permis au cinéaste Neill Blomkamp de s’intégrer au sein d’une sphère créatrice où ils ont tout à chacun la possibilité de laisser libre court à leur imagination. Aucunes limites, aucunes barrières, simplement la nécessité d’avoir une cohérence globale au sein de chaque œuvre, ainsi qu’entre toutes les œuvres afin que OATS Studios ait sa propre identité (d’où la présence du réalisateur Neill Blomkamp et du producteur exécutif Mike Blomkamp) et soit reconnu comme tel. Graphistes, technicien.ne.s vfx, cadreu.se.r.s, scénaristes, acteur.rice.s… forment une synergie palpable pour tout spectateur qui regarde attentivement les différents projets vidéos. Une synergie salutaire et identitaire pour le studio qui ne pourra de ce fait que pérenniser dans le futur grâce aux moyens offerts par le streaming et ses différentes plates-formes.

Depuis un an maintenant, l’on sait que les équipes de OATS Studios planchent sur une nouvelle saison, explorant de nouveaux concepts visuels et artistiques. Une période dédiée à la création, mais qui n’a pas permis au studio de faire fleurir de nouveaux courts-métrages expérimentaux. Néanmoins, l’on peut remarquer via la chaîne YouTube que OATS Studios ne dépéris pas pour autant. Le nom OATS Studios est devenu reconnu par les amateurs et les professionnels. Au point que des studios de production et de développement tel que Electronic Arts et BioWare fasse appel à leur talent afin de réaliser un court-métrage développant l’univers de l’une de leur nouvelle création vidéoludique à gros budget. Conviction, c’est une prequel, une histoire de survie et d’action qui se déroule avant les événements relayés durant l’aventure du jeu vidéo Anthem.

Un court-métrage de moins de quatre minutes tournés à Hawaï et reprenant à l’exactitude l’amour du studio pour l’expérimentation. Reprenant les codes de narration de la bande annonce promotionnelle, ils s’en servent afin de raconter une histoire et de mettre en place personnages et événements qui ont une place et un impact durant l’aventure mise en scène dans le jeu. Un storytelling qui use d’une voix over afin de rappeler que le spectateur est ici un joueur et par déduction l’interlocuteur direct, mais qui est avant tout visuel. De la pure mise en scène afin de sortir de chaque plan une symbolique qui va faire avancer l’histoire. Le tout servis par un format cinématographique et un travail sur les effets visuels prodigieux. Les éléments se déchaînent (terre, pluie, vent…), les couleurs sont éclatantes (jaune, vert, rouge, bleu…) et la musique est grandiloquente à souhait. Du spectaculaire avant tout, une pure démonstration technique et visuelle afin d’appâter les joueurs (côté Electronic Arts), mais également de dire : l’on est toujours là (côté OATS Studios).

Si ce n’est pas une expérimentation, tel ce à quoi OATS Studios a pu habituer sa communauté jusqu’ici, Conviction est la démonstration qu’ils ont eu raison de prendre le train en route en misant sur une plateforme de diffusion en ligne telle que YouTube. Avec 3.4 millions de lectures pour Conviction en l’espace d’un mois (sans compter les visionnages sur la chaîne d’Electronic Arts et les autres partages), c’est un succès pour la nouvelle création du studio co-fondé par le cinéaste Neill Blomkamp. Aujourd’hui à l’oeuvre sur la pré-production du projet RoboCop Returns (pour le compte de la MGM et co-écrit par Ed Neumeier et Michael Miner), le cinéaste originaire d’Afrique du Sud n’a qu’une seule idée en tête : faire perdurer l’essence OATS Studios.

L’essence d’un terrain de jeu d’expérimentation pour des techniciens amateurs de science fiction et d’univers fantasques, qui regorgent d’idées créatives dans le but de donner vie à de réels univers en l’espace de quelques minutes. Là où 99% des œuvres cinématographiques actuelles peinent à le faire sur un temps de 120 minutes. La force même de la liberté d’expression, de la liberté de création offerte par les plateformes de streaming tel que YouTube dans le cas présent.


“If awesome opportunities like RoboCop present themselves where the core ideas are not mine or Oats’ ideas, then that’s a really good way to interact with Hollywood and I can keep the more crazy, more personal ideas in the Oats realm.”

Neill Blomkamp, Entertainement Weekly, fév. 2019


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