Synopsis : “L’histoire d’un couple dans un Los Angeles contemporain, en prise avec la culture des rencontres en ligne et les réseaux sociaux.”
Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…
Si pour le grand public, l’image du cinéma américain est celle d’un cinéma qui met en avant le spectaculaire et l’entertainement au détriment de l’émotion et de la créativité, il n’est néanmoins pas que ça. Fort heureusement, et à l’image du cinéma français aujourd’hui avec son lot de comédies populaires à succès, il subsiste un cinéma indépendant américain qui regorge de belles petites trouvailles et d’auteurs qui ne demandent qu’à développer et montrer leurs œuvres cinématographiques. Ceux que l’on nomme plus couramment les films Sundance, à savoir des productions américaines indépendantes qui se ressemblent sur le fond ou la forme et que généralement on ne voit jamais dans les salles françaises et qui n’ont droit qu’à de simples sorties limitées en Amérique du Nord. Le réalisateur David Gordon Green faisait partie de cette catégorie, jusqu’en 2017 (2018 pour la France), année de sortie de sa première grande production internationale: Stronger. Et avant que ne sorte à la fin de l’année 2018 un certain Halloween produit et supervisé par Jason Blum, ainsi que monsieur John Carpenter. Drake Doremus n’est de son côté toujours pas sorti de cette catégorie et reste encore et toujours un réalisateur typé Sundance. Aussi beaux soient-ils, ses films ont une visibilité limitée et peines à trouver leurs publics. Après Equals en 2015, c’est aujourd’hui le tour du film Newness de sortir en exclusivité sur la plate-forme de streaming Netflix, sans passer par la case cinéma.
S’il est typé Sundance sur bien des aspects (prône l’émotion au détriment de l’action, utilisation de caméra portée, budget assez réduit, mais suffisant…), Drake Doremus est cependant un réalisateur dont on reconnait les films parmi cent. Il suffit de lire le synopsis ou de voir un enchaînement de plans pour comprendre que l’on fait face à une de ses œuvres. Drake Doremus est un auteur romantique et dont la volonté première est de raconter l’amour sous tous ces aspects. Ses films se ressemblent. Les histoires de ces derniers sont extrêmement proches, tournant toujours autour de l’histoire entre deux personnages en aucun cas singuliers. Des personnages qui ne sont en rien spécifiques, qui ne sont pas extravagants ou extraordinaires, mais tout à fait à l’image de ce que pourrait être le spectateur ou la spectatrice. Une volonté bien spécifique permettant à ce dernier pu cette dernière de se laisser plus facilement imprégner par l’émotion et d’en venir à réfléchir sur sa propre vie.
Si Equals a, à sa sortie fait office d’OFNI dans la filmographie du cinéaste grâce à son contexte futuriste, pour ne pas dire dystopique, Newness revient à un contexte réaliste tout en conservant quelques aspects qui faisaient la force de ce dernier. S’il traite dans le fond que de l’amour entre un jeune homme et une jeune femme, Newness est en réalité une analyse passive de cette nouvelle génération de jeunes adultes qui ont accepté et appris à se servir des nouvelles technologies. En l’occurrence, des applications et services de rencontres. Sujet déjà traité de manière plus acerbe, par la série de Charlie Brooker, Black Mirror. Contrairement à cette dernière, dont l’objectif est la mise en garde, Drake Doremus se sert de la technologie en question pour réaliser un constat qui mettra en exergue les bons et mauvais aspects de la technologie sur la vie de ceux qui s’en servent au quotidien. Qu’est-ce qu’engendre l’addiction à ces services ? Comment ces services sont bénéfiques à des personnes qui ont besoin d’affection ? Il y a du pour et du contre au travers de chacune des questions pouvant être abordées par le prisme du scénario du film. Un scénario qui ne surprend pas, mais suffisant afin que le spectateur se laisse transporter par ce que vont vivre et traverser les deux protagonistes, avant de lui même s’identifier à la façon d’agir de ces derniers. Drake Doremus a, encore et toujours, la force de conter de belles histoires sans jamais tomber dans le grossier, le vulgaire ou le pathos. Une histoire d’amour aussi belle que sensible ou sensuelle, incarnée avec force par deux jeunes acteurs qui jonglent habilement entre l’intériorisation et l’extériorisation des émotions qui traversent leur personnage respectif. Deux acteurs (Nicholas Hoult et Laia Costa pour les citer) dont les profils, tant artistiques que physiques (suffisamment charismatiques, physiquement très beaux…), correspondent pleinement à ceux déjà exploités par le cinéaste au travers de ses précédentes œuvres. En ce sens, le couple formé par Nicholas Hoult et Laia Costa, rappelle avec aisance le couple formé par Anton Yelchin et Felicity Jones, deux anciennes muses de Drake Doremus.
C’est cette sincérité, cette authenticité dans la manière de raconter une histoire d’amour nuancée même si fondamentalement lumineuse à l’image de la photographie du chef opérateur Sean Stiegemeier, et cette simplicité semblant naturelle dans la manière de mettre en scène et de filmer les personnages, qui font des films de Drake Doremus de beaux films. Une simplicité qui semble être, mais qui n’est fondamentalement pas. Le réalisateur joue avec ses personnages, les rapproche et les éloigne par un simple enchaînement entre gros plans et plans larges. Ils les oppressent dans un coin du cadre avec une amorce accrue pour exprimer leurs incertitudes avant de les libérer avec un contre champ ou un plan suivant similaire, mais plus aéré. Les plans larges sont mineurs, il aime filmer de près ses acteurs afin de laisser leurs émotions s’exprimer et atteindre le spectateur. Des plans toujours superbes et touchants, car expressifs, même si jamais éblouissants (ce qui n’est pas la volonté première ou l’envie recherchée). Même s’il paraît simple, autant dans le fond que dans la forme, Newness est à l’image des précédents films du cinéaste américain, à savoir une romance nuancée, belle et sensible incarnée par de jeunes acteurs charismatiques et formellement aussi pensée que maîtrisée. Une colorimétrie bleutée, légère et agréable à l’œil, mais pouvant être plus forte dans ses teintes à l’image de la relation entre les deux personnages principaux. À ça on ajoutera un montage sonore intéressant, misant avant tout sur les bruitages et cherchant les silences pour accentuer cette impression de légèreté et de douceur. Un film presque conceptuel, mais cohérent dans tout ce qu’il entreprend, lui permettant d’affecter le spectateur ou la spectatrice qui se laissera emporter par ce tourbillon d’émotions.
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