CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Merci pour Tout, sauf pour ce film

Synopsis : « Les sœurs Marianne et Christine Cyr sont en froid depuis un an quand elles apprennent le décès de leur père, un abonné aux affaires croches. Comédie et road movie, Merci pour tout raconte leur périple vers les Iles de la Madeleine où elles vont répandre ses cendres et fuient leurs problèmes personnels… sans réaliser qu’elles les transportent avec elles, au propre comme au figuré. »

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

On n’avait pas pris, ou plutôt, nous n’avions pas eu le temps d’en parler lors de sa sortie dans les salles québécoises à l’automne dernier, mais l’une des belles surprises de cette année 2019 aura été le drame québécois Il Pleuvait des Oiseaux. Basé sur un roman écrit par Jocelyne Saucier, Il Pleuvait des Oiseaux est une œuvre qui brasse un large nombre de sujets avec un amour déconcertant. Un film sur la vieillesse, sur le temps qui passe, mais également sur le fait de profiter de chaque instant de la vie. Un film qui parle de la mort comme d’une fatalité qu’il faut voir comme l’achèvement de quelque chose de beau. Rarement un film qui parle de la mort, aura été aussi positif, aussi feel good, aussi énergique et pétillant. Se servir de l’authenticité et de l’extravagance de ses personnages (trois personnes âgées qui vivent en autarcie au fin fond du boisé), pour bâtir des personnages de fiction qui ont du corps, une âme et une façon de percevoir la vie. De magnifiques personnages qui vont nous donner, à nous simples humains ayant besoin de la civilisation pour vivre, une belle leçon de savoir-vivre. Une leçon de vie doublée d’une leçon historique puisque le film aborde le thème des grands feux survenus en 1916 en Abitibi. Un film humble, humain et touchant, tout en conservant cet aspect feel good jusqu’à sa dernière ligne de dialogue. Louise Archambault nous a surpris, nous a émus aux larmes avec élégance, avant de nous faire déchanter seulement quelques petits mois plus tard.

Moins de quatre mois plus tard, Louise Archambault est de retour avec un nouveau long-métrage. Les deux films ayant été tournés consécutivement suite à un financement tardif pour Il Pleuvait des Oiseaux, les deux films ayant besoin d’être tournés respectivement avant la période hivernale pour l’un et durant la période hivernale pour l’autre. Du drame à la comédie, il n’y a qu’un pas. Malheureusement pour Louise Archambault, cinéaste qui nous semblait si prometteuse, il semble que quelqu’un ait décidé de lui faire une mauvaise surprise en lui attachant les pieds pour qu’elle ne puisse faire ce petit pas. Merci pour Tout nous conte l’histoire de deux sœurs que tout oppose, mais qui vont devoir réapprendre à se supporter et faire un bout de route ensemble par la force des choses. S’il suffisait de lire le titre à voix haute ou de voir son affiche pour comprendre les intentions de la cinéaste avec ce nouveau projet, Merci pour Tout a tout du cas d’école qui prouve que réaliser un « simple » divertissement familial de noël, aussi conventionnel soit-il, n’a rien d’une tâche facile. Une note d’intention extrêmement simple, mais qui ne reflète en rien le problème premier du film. Last Christmas, paru quelques semaines auparavant, était un film de Noël d’une simplicité aberrante. Et ce, à tous les niveaux. Néanmoins subsistait une cohérence artistique qui permettait au spectateur venu voir un film de Noël de passer un bon moment. Un scénario simple, mais aux fondations suffisamment solides pour permettre aux spectateurs de se laisser transporter jusqu’au générique de fin. Merci pour Tout se veut être un film de noël dans le propos puisque prônant la bienveillance et autres valeurs propres aux fêtes de fin d’année (le pardon, la tolérance…), sans jamais réussir à créer la moindre empathie.

Une post-production précipitée pour une sortie le 25 décembre et surfer sur le succès du film Il Pleuvait des Oiseaux ? Une réalisatrice moins appliquée sur ce projet que sur le précédent ? Supputations, suppositions, aucune affirmation. Subsiste un film qui n’a absolument aucune cohérence artistique et qui n’arrive jamais à trouver la bonne rythmique, la bonne tonalité afin de faire rire ou de toucher la corde sensible du spectateur. S’il réside un réel problème scénaristique avec des chutes qui se veulent drôles sans réussir à l’être, celui-ci n’est pas aidé par une trame sonore insipide au possible. Si l’envie de s’éterniser sur les problèmes scénaristiques ne nous manque pas, c’est avant tout ce vide artistique tant sonore que visuel, qui nous laisse pantois. Réaliser un film durant la période des fêtes est l’occasion de mettre en image de beaux décors enneigés, de belles lumières qui vont sublimer les décors et créer une ambiance chaleureuse, familiale, un cocon dans lequel le spectateur aura envie de s’enfermer auprès des personnages. Le Québec ainsi que le Canada, regorgent de lieux somptueux à filmer en hiver pour créer une ambiance froide en extérieur avec de belles perspectives à l’aide des étendues glacées et enneigées, avant de créer un contraste avec des intérieurs chaleureux et cosy. Merci pour Tout ne capte absolument rien de tout ça. Des décors lambda, qui n’inculquent absolument aucune âme ou authenticité à un récit qui pourrait prendre place n’importe où. Artistiquement pauvre, vide, un réel manque d’authenticité et d’âme dans le choix des décors qui ne permettent fondamentalement pas au directeur de la photographie de faire de belles images. À cela on ajoutera une trame sonore inexistante côté créations originales. Quelques musiques accompagnent les personnages au fil de leur aventure. Musiques jetées ici et là pour combler des vides avec des jeux sur l’intra et l’extra diégétique qui ne fonctionnent pas tant le tout semble forcé.

À aucun moment ça ne semble juste et authentique, à l’image du jeu des différents comédiens et comédiennes. Des comédien.ne.s lancé.e.s au cœur de situations invraisemblables dans un film qui fondamentalement se prend beaucoup trop au sérieux pour faire sourire. Robin Aubert, acteur vraiment bon lorsque bien dirigé (Une Colonie NDLR), se retrouve ici piégé avec un personnage ridicule dont on ne sait si on doit si on doit en avoir peur ou rire de lui. Un personnage à l’image du film dans son intégralité. Un film qui ne trouve jamais la bonne tonalité, et ce, pour chacune des séquences. Un film qui manque d’authenticité, de créativité et d’une cohérence artistique pour qu’il en soit ne serait-ce que divertissant. Revoyez Il Pleuvait des Oiseaux, ce n’est pas un film de Noël, mais il demeure un des plus beaux films québécois de cette année 2019.

« Doit-on rire, doit-on pleurer ou doit-on juste rester de marbre ? Trop sérieux pour être drôle, pas assez authentique pour être impactant, en subsiste un divertissement pas divertissant. »


Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén