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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Mad Dog Labine, quand la réalité rejoint la fiction pour mieux nous surprendre



Synopsis : « C’est l’automne dans un village isolé de la région du Pontiac, et les hommes partent tous à la chasse à l’orignal. Les filles, quant à elles, tuent le temps en attendant leur retour. C’est le cas de Lindsay, blondinette indisciplinée, et de son amie Justine, qui vend des barres de chocolat pour se payer un voyage au Guatemala. Avec la complicité de la vendeuse du dépanneur, une jeune femme tannée de sa job et de toute, les gamines se procurent un billet de loterie. Qu’elle n’est pas leur surprise de découvrir qu’il est porteur d’un gain de 10 000 dollars. Amplement de quoi pimenter la monotonie de leur quotidien. Il ne reste plus à nos deux rêveuses qu’à trouver un adulte qui voudra bien encaisser l’argent pour elles. »



Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Il faut laisser la place aux jeunes. Si l’on entend très souvent cette phrase dans le monde du travail, ainsi que dans la vie privée, il est certain que tous ne l’entendent pas de la même manière. Positive pour certains, elle s’avère également extrêmement négative pour d’autres. Néanmoins, elle peut s’avérer bien plus positive et intéressante si on en enlève l’obligation, afin de la remplacer par la possibilité de. Laissons les jeunes s’exprimer. Dans le monde du cinéma, découvrir un premier long-métrage est synonyme de découverte. Positive comme négative, mais une expérience jamais totalement négative que ce soit pour la personne à la base de la création comme pour celui ou celle qui la découvre. Du côté du Québec réside une jeunesse qui ne demande qu’à créer et qui sait se faire entendre. Qu’ils aient 200 ou 200 000 dollars de budgets, ils vont au bout de leurs démarches respectives et sortent des longs-métrages créatifs et intéressants, sans être tous complètement originaux. On en a déjà chroniqué plusieurs (lire nos articles sur les films La Grande Noirceur, L’Amour, Genèse, Sashinka…) et celui qui nous intéresse aujourd’hui fait pleinement partie de cette catégorie, tout en ajoutant qu’il est quant à lui réellement original.

Jeunes diplômés de l’Université Concordia à Montréal au Québec, Jonathan Beaulieu-Cyr et Renaud Lessard connaissent le cinéma. Ont-ils déjà pratiqué ? Ont-ils réalisés en amonts quelques courts-métrages ne serait-ce que dans le cadre de leurs études ? Très certainement (et vous trouverez aisément la réponse sur internet), mais on s’en moque, car la réelle certitude réside dans le fait qu’ils démontrent de par ce premier long-métrage qu’ils connaissent le cinéma, ainsi que les rouages de la compréhension d’un film en tant que spectateur. Films DE Fiction ; Films Documentaire ; Installation Muséale… chaque œuvre créée se voit aujourd’hui enfermée dans un carcan bien établi et représentatif pour le spectateur. Grâce à une culture forgée au fur et à mesure de visionnages qui lui permettent de cataloguer avec logique, le spectateur est aujourd’hui capable de savoir en une fraction de seconde s’il s’agit d’un documentaire ou d’un film de fiction. La texture de l’image, un procédé de mise en scène, un procédé narratif… nombreux sont les indices qui vont le guider sur cette voie. Mais si on les mélangeait, si on prenait un procédé de mise en scène propre au film de documentaire dans le cadre de la réalisation d’un film de fiction. Comment réagirait le spectateur et quelles questions se poserait-il ? Telle est la démarche du duo de réalisateurs à la tête du film Mad Dog Labine, telle elle semble l’être d’après mon ressenti en tant que spectateur.

Mad Dog Labine raconte l’amitié entre deux jeunes femmes (excellentes et surprenantes Ève-Marie Martin et Zoé Audet )que tout semble opposer. Elles sont jeunes, mais n’ont pas la même perception de la vie et n’ont fondamentalement, et au moment précis dans lequel s’inscrit le récit, pas les mêmes envies pour le futur. Proche comme lointain. Est-ce un documentaire ou est-ce une fiction ? Si l’on ne répondra pas directement à cette question afin de vous laisser vous forger votre propre opinion lors d’un visionnement que l’on encourage, l’on dira simplement qu’il en résulte une œuvre inclassable, originale, quelque peu rebelle et créative. Réelle pongée dans la ville de Pontiac en Outaouais, Mad Dog Labine met en avant la culture et la ruralité de cette ville. Comment y vivent les habitants, jeunes et moins jeunes ? Quelles sont leurs occupations et surtout, veulent-ils un jour ou l’autre, tout quitter afin de voguer vers la grande ville ? Émancipation et confrontation afin de prendre conscience de ce que l’on veut vraiment, par le prisme du regard d’une jeune femme caractérielle, car évidemment à la recherche de quelque chose. Ce que l’on nomme plus communément l’adolescence. Si son histoire ne bouscule pas, car assez simple et sommaire (ce qui n’est en l’occurrence pas péjoratif) tant dans ce qu’elle raconte que dans ses différents rouages qui permettent aux personnages d’évoluer, c’est le dispositif utilisé, ainsi que les différents procédés de mise en scène et narratif, empruntés directement au documentaire, qui vont permettre au spectateur de s’immerger pleinement dans la ville de Pontiac aux côtés des personnages. Ils interpellent le spectateur, le pousse à se poser des questions et l’amène de la plus logique des manière à se plonger au sein de l’histoire aux côtés des personnages.

Des personnages peu attachants et assez antipathiques au premier abord (qu’ils soient principaux ou secondaires), car dotés de forts caractères. Mais ce sont des personnages qui ont de la gueule, qui ont réelle force de caractère. Une force de caractère qui va faire en sorte qu’au fur et à mesure de l’avancée du récit, le spectateur va s’attacher à elles et ce qui était du mépris va se transformer en une réelle tendresse. Des personnages dont on pense qu’il serait difficile de les écrire, ramenant évidemment à la fameuse question : est-ce de la fiction ou du documentaire ? Ils sont authentiques et mis en scène/filmés avec une réelle sincérité de la part des réalisateurs. Ils aiment leurs personnages, ils aiment cette ville de Pontiac, troisième personnage qui compléter et fermer ce trio. Authentique est l’adjectif qui représente au mieux ce Mad Dog Labine. Une oeuvre créative et originale qui ose le mélange des genres afin de surprendre et déboussoler le spectateur. Le heurter et le marquer, sans pour autant faire dans le trash ou la provocation gratuite, bien au contraire. C’est fait avec intelligence et avec une réelle connaissance du médium qu’est le cinéma afin d’employer les bonnes techniques (prendre les codes du documentaire pour réaliser une fiction) afin que ça fonctionne. Ce qui demande une réelle belle mise en scène, faite avec sincérité et bienveillance envers les personnages. Et si le film est aussi bon, c’est qu’il y a une belle part de talent et de réussite là-dedans !


« Prendre les codes du documentaire pour réaliser une fiction troublante, immersive et très touchante. Y’a du Harmony Korine dans cette belle oeuvre québécoise. »


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