CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Ma, la vengeance est un plat qui se mange froid… voire congelé !


Synopsis : « Sue Ann, une femme solitaire vit dans une petite ville de l’Ohio. Un jour, Maggie, une adolescente ayant récemment emménagé, lui demande d’acheter de l’alcool pour elle et ses amis ; Sue Ann y voit la possibilité de se faire de nouveaux amis plus jeunes qu’elle. Elle propose aux adolescents de traîner et de boire en sûreté dans le sous-sol aménagé de sa maison. Mais Sue Ann a quelques règles : ne pas blasphémer, l’adolescent qui conduit doit rester sobre, ne jamais monter dans sa maison et l’appeler Ma. Mais l’hospitalité de Ma commence à virer à l’obsession. Le sous-sol qui au début était pour les adolescents l’endroit rêvé pour faire la fête va devenir le pire endroit sur terre. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Le thème de la vengeance a déjà été traité sous différents aspects au cinéma avec plus ou moins de bonheur. Un thème qui offre parfois de grands écarts cinématographiques entre le divertissant Taken et l’épatant Kill Bill, l’éprouvant Irréversible et l’insurpassable Vieux fusil. Tate Taylor, réalisateur américains qui a adapté les romans La couleur des sentiments et La fille du train, propose l’histoire d’une vengeance qui a mûri durant des années.

Le bon point du film est d’avoir fait appel à son amie, Octavia Spencer. Un rôle assez inattendu pour elle, celui de Ma alors qu’elle est généralement cantonné dans des personnages adorables et bienveillants. En interprétant cette aide-vétérinaire affable qui rumine sa vengeance depuis des années, l’actrice joue avec son image. Il faut d’ailleurs le reconnaître, tout le plaisir du film vient de là : voir Octavia Spencer prendre à bras le corps ce rôle de sadique. Cependant, malgré sa composition, le film n’est que plaisant et divertissant malgré quelques petits rebondissements insuffisants pour que l’histoire reste dans les annales.

L’autre originalité du film n’est pas tant la vengeance puisqu’on pourrait même se demander pourquoi Sue Ann a attendu aussi longtemps pour l’exercer. Au contraire, l’originalité du film vient de son scénario écrit à l’origine avec une héroïne qui devait être blanche et âgée. Dans une interview pour la magazine CinemaTeaser, le réalisateur a confié qu’Octavia, son amie avec laquelle ils ont gravi tous les échelons d’Hollywood ensemble, lui exprimait la difficulté de sortir des rôles traditionnels que l’industrie cinématographique voulait bien lui offrir. Cantonnée aux mêmes personnages, elle a lancé un appel au réalisateur qui a vu là, une opportunité de modifier le script. Quand il a décidé de s’associer aux producteurs de Blumhouse, il a vendu le scénario avec Octavia Spencer en tête d’affiche. Bien lui en a pris car elle s’éclate comme une petite folle… bien plus que les jeunes acteurs qui l’entourent. Octavia Spencer en actrice aguerrie, écrase ses jeunes camarades. Ces derniers ont des difficultés à surnager tant les caractéristiques de leurs personnages ne dépassent pas les stéréotypes des jeunes lycéens du campus.

Si le scénario de Scotty Landes est assez basique dans sa construction, Octavia Spencer porte son personnage avec détermination pour permettre à l’histoire de sortir de la simple série B. En prenant à bras le corps le rôle de Sue Ann, l’actrice permet au film de délivrer un message clair : les plus faibles, les minorités, peuvent prendre le pouvoir avec malice et cruauté. Cette même cruauté explique pourquoi Tate Taylor a décidé de s’associer aux studios Blumhouse pour produire son film.

Blumhouse, c’est le studio des films d’horreur hyper rentables produits à petits prix. On se souvient des sagas horrifiques Conjuring, ou de la poupée tordue Annabelle. Mais Blumhouse, c’est aussi la satire sociale avec les deux films de Jordan Peele, Get out et Us. En ce sens, Ma n’est pas à proprement parlé un film d’horreur mais entre dans la critique de la société déguisée comme le fait Jordan Peele. Cependant, là où Jordan Peele amenait de la férocité par une critique acerbe de la communauté blanche américaine exploitant la minorité noire, chez Ma, la critique de la société est minorée. Malgré quelques moments qui feront sursauter, l’histoire se veut critique envers ces lycéens détestables qui maltraitent ceux qui ne rentrent pas dans le rang du sportif, du populaire, de la plus belle fille de la société. Ces plus faibles deviennent alors les souffre-douleur auquel Tate Taylor donne la parole en la personne de Sue Ann dont la “gentillesse” affichée et relative cache des blessures d’adolescence.

Satire réjouissante et véritable plaisir coupable, Ma est un petit film proposant son lot de rebondissements sympathiques. Si les acteurs sont assez transparents (on oubliera très vite le personnage transparent de la mère sur le retour joué par Juliette Lewis), seuls Luke Evans et la jeune Diana Silvers surnagent même si Octavia Spencer phagocyte tous les plans. Elle prend un réel plaisir à jouer ce personnage de malade au point d’être sans conteste, l’unique raison de découvrir ce film en salles… en attendant le prochain projet de Tate Taylor, Eve, film d’action avec Jessica Chastain.


Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement.

« Là où Jordan Peele amenait de la férocité par une critique acerbe de la communauté blanche américaine exploitant la minorité noire, chez Ma, la critique de la société est minorée. »


Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén