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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Lux Æterna, le capharnaüm sensoriel de Gaspar Noé

Synopsis : « Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après Climax sorti en 2018, le cinéaste « sale gosse du cinéma français » Gaspar Noé, nous revient avec un moyen métrage expérimental, intitulé Lux Æterna. Cette création raconte l’histoire de la réalisatrice, Béatrice Dalle, qui tourne un film sur les sorcières dans lequel l’actrice Charlotte Gainsbourg a accepté de jouer. Pendant 5O minutes, on va suivre le tournage de ce film qui va virer au cauchemar avec la pression des producteurs et le chaos ambiant de ce tournage qui va se transformer en un véritable enfer suite à un accident technique. 

Initialement, Lux Æterna est une commande faite à Gaspar Noé par la maison Yves Saint-Laurent, dans le cadre du projet « Self », qui consiste à représenter les dernières collections de la maison de couture dans des œuvres différentes, réalisées par différents artistes, avec pour seuls impératifs que les pièces de ses collections et les modèles de la maison soient présents dans l’œuvre en question. Bien évidemment, connaissant Gaspar Noé, cette commande n’a rien d’un travail ordinaire. Le cinéaste a en effet choisi de se concentrer sur ses deux actrices, à savoir Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg, avec, en figuration, les visages de l’égérie, complétées par des acteurs récurrents de la filmographie de Noé.

Le cinéaste a réalisé cette commande en l’espace de deux mois, juste avant Cannes 2019 pour lequel Noé avait promis que le film serait prêt à temps, et il a tenu parole. Lux Æterna est un moyen métrage qui sert plus de terrain aux expérimentations sensorielles du cinéaste. Un objet cinématographique un peu mineur dans sa filmographie que l’on peut ranger plus dans la catégorie de ses courts métrages, comme Carne, que du côté de ses longs plus aboutis, tel que Climax pour ne citer que son plus récent.

Le cinéaste laisse part à l’improvisation, notamment avec ce dialogue d’ouverture où Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg improvisent une conversation à partir d’une question : « Tu as déjà brulé sur un bûcher ? ». Le but premier du moyen métrage est de montrer que ces deux jeunes femmes, l’une réalisatrice, l’autre actrice, vont vivre un véritable enfer sur ce tournage en feu, telles deux sorcières sur le bûcher. Le cinéaste utilise la technique du split-screen pour expérimenter le champ et le contrechamp sur ce dialogue d’ouverture improvisé, mais aussi sur la déambulation des deux femmes, chacune de leur côtés sur le tournage, quelques minutes avant le début des prises. Noé introduit également le point de vue d’une deuxième caméra, numérique, présente dans la diégèse du métrage, où un personnage suit Béatrice Dallepour garder un œil sur elle, surveillée par les producteurs véreux du projet. Tout cela crée un véritable vacarme bruyant et déroutant, qui rend compte de l’enfer que peut-être un tournage, surtout quand le film échappe à sa cinéaste. Doit-on y voir l’angoisse de Gaspar Noé retranscrite à l’écran ? On est tenté d’y croire.

Après une première partie immersive dans ce tournage fictif, plus vraie que nature et épuisante, le film se transforme en un véritable film d’horreur psychédélique, où le cinéaste laisse exploser sa soif d’expérimentation sensorielle et visuelle à l’écran. Avec des effets stroboscopiques surpuissant à la limite de l’épilepsie (épileptiques, abstenez-vous, c’est fortement déconseillé) et l’utilisation du split-screen, format qui prend tout son sens dans les dernières minutes du métrage, Lux Æterna devient véritablement ce qui s’apparente le plus à un enfer visuel et sonore, aux meilleurs sens du terme. Ce capharnaüm sensoriel laisse éclater sa puissance à l’écran, le film se transforme en pur trip sensoriel dont on ressort fortement épuisé. 

Plus une installation vidéo qui prend toute sa dimension sur un grand écran plus que dans un musée, le nouveau Gaspar Noé est un pur gros trip sensoriel, autant dans ses qualités que ses défauts. Un objet un peu mineur dans la filmographie du cinéaste qui se permet un aparté expérimental de 50 minutes pour expérimenter les limites sensorielles du spectateur dans un objet filmique aussi déroutant que fascinant. 


« Plus un trip expérimental qu’une nouvelle pierre à l’édifice de son œuvre, Lux Æterna est une pure expérience sensorielle qui met à rude épreuve nos sens visuels et sonores. Gaspar Noé laisse éclater sa virtuosité technique pour expérimenter comme rarement dans sa filmographie. »

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