CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Les Filles du Soleil réalisé par Eva Husson [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « Au Kurdistan, Bahar, commandante du bataillon Les Filles du Soleil, se prépare à libérer sa ville des mains des extrémistes, avec l’espoir de retrouver son fils. Une journaliste française, Mathilde, vient couvrir l’offensive et témoigner de l’histoire de ces guerrières d’exception. Depuis que leur vie a basculé, toutes se battent pour la même cause : la femme, la vie, la liberté. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

En janvier 2016 sortait sur les écrans de cinéma français un teen movie singulier répondant au nom de : Bang Gang. Genre à part depuis les années 80/90, le teen movie possède et repose sur des caractéristiques aujourd’hui éculées et qui se doivent d’évoluer. Oublier l’utopisme et la rêverie de certains, mais plutôt se pencher sur une réalité que l’on mettrait moins aisément en avant. Montrer le drame de certaines générations qui se laissent aller à tous les plaisirs, qui n’ont plus de barrières ou d’interdictions. Avec Bang Gang, Éva Husson frappait du poing sur la table. Un premier long-métrage visuellement lumineux, sensuel et agréable, mais à l’histoire dramatique. Montrer l’adolescence comme peu le font et plus précisément montrer deux jeunes femmes qui découvrent leur vie sexuelle. Un film suffisamment frontal pour heurter et marquer les mémoires sans pour autant tomber dans l’exagération, le vulgaire et l’esthétisation à outrance qui aurait dénaturé le propos. La jeune réalisatrice a marqué les mémoires de critiques cinéma qui attendaient fièrement l’arrivée de son second long-métrage. Une arrivée trop attendue ? Difficile de comprendre l’accueil réservé au film Les Filles du Soleil par la presse lors du Festival de Cannes 2018. Cannes est un festival regardé par le monde entier et qui a la faculté de grandement aider un film s’il est encensé, mais qui peut au contraire les détruire.

Comparé au film The Last Face (Sean Penn, 2015) ou encore au film The Search (Michel Hazanavicius, 2016), Les Filles du Soleil a été fusillé par la critique. Des critiques qui font mal, mais qui semblent unanimes et qui s’accordent sur un point : « Avec Les Filles du Soleil, la réalisatrice Éva Husson passe à côté de son sujet. » Si The Last Face était une romance catastrophique, car bien trop romanesque et bien-pensante sur les ONG, là où The Search était clairement un film de guerre optant pour le point de vue d’un enfant, quel est véritablement le sujet du film Les Filles du Soleil ? Critiquer le film en question en déclarant que la cinéaste passe à côté de son sujet sans pour autant l’écouter ou s’entretenir avec cette dernière afin de comprendre quelle était sa vision initiale relève incontestablement de la connerie et de la facilité. Comme il est courant de le dire : la critique est aisée, l’art est difficile. Les Filles du Soleil est un film de fiction librement inspiré par des faits réels, ainsi que par des personnes ayant réellement existé. Mais il n’en demeure pas moins une fiction. Après avoir clamé la liberté sexuelle des jeunes hommes et femmes (dans ce que ça a de positif comme de négatif), la cinéaste Éva Husson progresse dans cette démarche délivrant un film fait par des femmes sur LA femme.

Par le prisme de deux personnages principaux féminin (incarnées par Golshifteh Farahani et Emmanuelle Bercot), la cinéaste dresse le portrait de la femme qui se libère de ses chaînes. D’un côté l’on retrouve une femme intelligente qui a suivi des études et qui avait toutes les cartes en main pour réussir avant de subir à cause d’une société patriarcale qui n’évolue guère. Une femme qui a subi, mais suffisamment intelligente pour se soulever, prendre les armes et dire non. De l’autre, une femme également intelligente et mère de famille, qui a décidé de mettre en lumière par le photographie ce que réalisent ces femmes qui osent prendre les armes pour combattre au nom de la liberté, de leur liberté. C’est pour cela qu’elles combattent dans le film. Parce qu’elles le veulent, mais également peut-être parce que par la force des choses, elles ont commencées à aimer ça. Inclure cette histoire en Syrie permet d’ancrer cette histoire au sein d’un contexte géo-politique encore plus fort et difficile que si la cinéaste avait choisie d’imaginer une guerre fictive. C’est également pour elle le moyen idéal afin de rendre hommage à ces femmes syriennes qui existent, qui tentent avec fierté de gagner leur liberté et qui combattent armes à la main ou non.

Les Filles du Soleil aurait pu être un film politique, un film sur les conditions de vie des femmes en Syrie. Un film où il va être question des conditions sociales en tant de guerre, de l’impact de la religion, du patriarcat… sauf que c’est un film de fiction et non un reportage. Le parti pris de la cinéaste est de raconter l’histoire d’une femme et se centrer sur cet arc narratif en particulier c’est éviter de perdre son sujet ou de le survoler. Ce que font la majorité des biopics et films qui relatent des faits réels. Des films Wikipédia en somme, ce que n’est pas Les Filles du Soleil grâce à ce parti pris scénaristique. Scénaristique, mais également de mise en scène et de réalisation. Une mise en scène qui va chercher à sublimer ce personnage. A la rendre forte en permanence, tout en n’occultant pas ses moments de fragilité. Des moments qui vont faire d’elle une humaine et non une guerrière dénuée de sentiments. On comprend comment elle en est arrivée à être aussi dure, visage fermé, créant une empathie sur le long terme à l’image de ce que ressent la photographe de guerre interprétée par Emmauelle Bercot. Personnage malheureusement trop en retrait dans la mise en scène qui se concentre essentiellement sur Bahar (interprétée par Golshifteh Farahani). Néanmoins, Éva Husson ne la délaisse pas totalement, mettant ce personnage et sa position de photographe de guerre (donc personne combattante et courageuse, mais humaine) joliment en avant lors de scène plus intimistes de nuit, mais également lors d’un assaut final visuellement saisissant.

Une œuvre captivante d’un bout à l’autre grâce à une réalisation immersive, à hauteur de personnages et majoritairement en mouvement sans pour autant sombrer dans l’oppression par le cadre et la shaky cam incessante. Extrêmement fort et parlant de par sa mise en scène stylisée, éclairé avec subtilité afin de faire apparaître des nuances de couleurs à l’image et son travail visuel de manière plus global au travers de la direction artistique (couleur omniprésente de par de la végétation, de la peinture, des vêtements, la peau…), l’utilisation d’une bande originale romanesque s’avère être l’élément de trop. Notamment lors de l’acte final. Ce n’était pas nécessaire, mais ne gâche en rien un final encore une fois saisissant grâce à un attachement humain réalisé sur le long terme entre les personnages et le spectateur. Un film de guerre réalisé par une femme, produit par une femme avec des femmes et sur des femmes. C’est une première et qu’on le veuille ou non, ce sera marquant et ne semble être que la véritable émergence d’une cinéaste française de talent qui en veut et on ne demande que ça.

Au Cinéma le 21 Novembre 2018 en France


« Injustement fusillé par la critique, Les Filles du Soleil est une œuvre de fiction engagée incarnée par des femmes déterminées à combattre pour se faire respecter et obtenir leur liberté. »


[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=ao_vQHLvkAg[/embedyt]

Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén