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Le Jeune Ahmed, la radicalisation à travers les gestes d’un enfant

Synopsis : « En Belgique, aujourd’hui, le destin du Jeune Ahmed, 13 ans, pris entre les idéaux de pureté de son imam et les appels de la vie. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après La Fille Inconnue en 2016, Les Frères Dardenne sont de retour en compétition au 72èmeFestival de Cannes avec leur douzième film, Le Jeune Ahmed. Pour leur nouveau drame social, les cinéastes s’attaquent à un sujet délicat, celui de la radicalisation chez un adolescent de 13 ans, Ahmed (la révélation Idir Ben Addi), qui se retrouve incarcéré dans un centre de détention pour mineurs après une tentative de meurtre sur sa professeure.

Un sujet de société politique qui a probablement dû émouvoir le jury de cette édition, présidé par le cinéaste Alejandro González Iñárritu, le film étant reparti avec le prix de la mise en scène. Les Frères Dardenne s’empare d’un sujet actuel pour livrer une étude de cas devant leur caméra et leur manière de « filmer le réel ». Avant de filmer la radicalisation, les cinéastes filment le quotidien et les gestes d’un enfant. 

Ce choix de filmer la radicalisation à travers les gestes d’un enfant pourrait paraître misérabiliste à première vue, mais c’est dans cette corruption de l’innocence d’un enfant que le propos prend forme. Cela commence d’abord par des gestes innocents où Ahmed se lave les mains, se purifie la bouche et les narines, fait sa prière et apprend les versets du Coran avec beaucoup de sérieux. Ces gestes montrent d’abord le rapport entre un adolescent et les coutumes de sa religion. Mais très vite, ces gestes deviennent obsessionnels, inquiétants, voire fanatiques. Les cinéastes filment progressivement la montée du fanatisme religieux à travers le corps innocent d’un jeune garçon, jusqu’à la rupture avec la tentative de meurtre qui le conduira à se reconstruire, à réapprendre à vivre les expériences de la vie d’un adolescent, notamment les premiers émois amoureux, toujours à travers les gestes du corps. Les Frères Dardenne n’ont pas perdu de leur superbe lorsqu’il est question de filmer le quotidien, filmant le réel de manière frontale, en privilégiant la prise unique et le quasi plan-séquence à l’épaule afin de saisir une certaine spontanéité à travers les rituels de leur personnage. 

Mais cette façon de faire trouve sa limite lorsque les Dardenne filment les gestes du quotidien pour parler de la radicalisation. Les cinéastes défendent Le Jeune Ahmed en répétant qu’il ne s’agit pas d’un film sur la radicalisation mais d’un film qui raconte avant tout l’histoire d’un enfant. Les Frères Dardenne ne sont pas très à l’aise avec leur sujet et cela se sent lorsque les gestes quotidiens d’un croyant se confondent avec ceux d’un fanatique. Le Jeune Ahmed fait parfois des amalgames, des gros raccourcis, à travers de grosses ficelles scénaristiques pas toujours très subtils. Filmer la radicalisation à travers les gestes d’un enfant est une note d’intention de cinéastes louables mais qui finit par se retourner contre ses auteurs, tant leur dispositif de mise en scène, aussi maîtrisé soit-il, trouve sa limite à travers un sujet de société aussi délicat soit-il. 

« Malgré les quelques maladresses dans le traitement d’un sujet délicat pas toujours assumé, Le Jeune Ahmed reste toutefois un portrait humain touchant qui ne démérite pas son prix de la mise en scène, les Frères Dardenne étant toujours plus inspirés lorsqu’il est question de filmer les gestes du réel. »


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