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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

La Nuit a dévoré le Monde réalisé par Dominique Rocher [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : «En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ?»

 Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

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Depuis quelques temps, le cinéma de genre fait un bond en France, suite au succès critique de films comme Grave de Julia Ducournau ou encore plus récemment Revenge de Coralie Fargeat. Un cinéma de genre qui met en avant de nouvelles visions d’auteurs mais aussi un discours politique, dans la grande tradition des ambitions engagées d’auteurs dans le genre. Présenté hors-compétition lors de la dernière édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, le premier long-métrage de Dominique Rocher s’attaque au genre du film de Zombies à la française, exercice déjà tenté par quelques cinéastes, ce qui a donné du mauvais comme du bon, avec des films comme La Horde pour n’en citer qu’un. Adaptation du roman de Pit Agarmen, La Nuit a dévoré le Monde raconte l’histoire de Sam (interprété par Anders Danielsen Lie), un jeune musicien solitaire qui, après une fête dans un appartement la veille, se réveille dans un Paris déserté de toute présence humaines, la population étant devenu des zombies errant dans la ville. Piégé dans l’appartement et dans l’immeuble dans lequel il s’est réveillé, Sam va devoir tenter d’organiser sa survie, se retrouvant littéralement seul au monde avec sa propre existence.

Pour ce premier long-métrage fantastique, Dominique Rocher évite totalement les carcans du film de zombies sanguinolent, le trash et le gore, pour se concentrer sur l’isolation de son personnage et sa survie. Le film se transforme en véritable manuel de survie en cas d’apocalypse zombies, où le lieu de l’appartement, les objets et leur utilité prend des fonctions toutes autres dans le but de la survie, avec une certaine inventivité propre au premier film du cinéaste. De la même manière que Francis Lawrence avec I Am Legend ou encore Robert Zemeckis avec Seul au Monde, Dominique Rocher construit le quotidien de son personnage en filmant, dans un plan-séquence qui n’est pas sans rappeler le Shining de Stanley Kubrick, son personnage en train de faire son sport du matin dans l’appartement, de réaliser ses compositions musicales en solitaire avec des objets du quotidien, ou encore d’avoir une discussion avec son seul compagnon Alfred, un zombie enfermé dans une cage d’ascenseur interprété par un Denis Lavant qui livre une performance corporelle hallucinante. On s’attache progressivement à Sam dont l’on suit la survie, le quotidien, mais aussi au fur à mesure du film, en jouant sur la lenteur et la perte de repère temporel, sur la descente progressive dans la folie et la perte d’humanité de son personnage.

Avant d’être un petit film de zombies à la française, La Nuit a dévoré le Monde est aussi un film profond et puissant sur la solitude de l’homme, sur les marginaux de notre société que représente le personnages principal qu’est Sam, ainsi que zombie avec lequel le personnage partage son quotidien. Dans la grande tradition du film de Zombies à la George Romero, Dominique Rocher évoque sous la forme du film de genre des thématiques politiques actuelles, notamment sur l’individualisme dans notre société, sur l’immigration en choisissant de s’intéresser à des personnages étrangers, ou encore l’apocalypse qui devient aussi la métaphore des récents attentats ayant eu lieu à Paris. Sam est clairement représenté comme un étranger au début du film, seul au milieu de la fête dans l’appartement avant de se retrouvé complètement seul, ce qui au début du film paraît presque comme une situation idéale pour le personnage qui continue de vivre au milieu de l’apocalypse.

Sur la durée, le cinéaste interroge la capacité de l’être humain à être isolé de la société, à se retrouver seul dans sa propre solitude, cette apocalypse zombiesque prenant la forme d’une plongée dans la psyché de Sam, personnage en marge de la société qui s’enferme dans son appartement, avec ses vivres et son quotidien parfaitement huilé, vivant dans l’illusion de pouvoir survivre à ce qui se passe dehors, cette société qui se dévore de l’intérieur, où la population se marche les uns et sur les autres, à l’image de cette scène magnifique où Sam joue de la batterie à la fenêtre de son appartement devant une horde de zombies qui forme une masse vivante qui tente d’atteindre le personnage à sa fenêtre. Une scène qui par sa symbolique en dit long sur l’aspect politique de cette première œuvre. Si le scénario est inventif et d’une grande intelligence, le film doit énormément à son acteur Anders Danielsen Lie, qui occupe le cadre à 90 %, dont la subtilité du jeu, d’une justesse dans ses émotions, épouse l’écriture du scénario pratiquement comme un personnage muet dont le corps devient le vecteur de la solitude et de la lente descente aux enfers de son personnage. Le défaut franchement minime que l’on pourrait reprocher à Dominique Rocher serait de ne pas réinventer le genre, aussi original soit son film dans sa forme et son fond parmi le paysage du cinéma français, de ne pas se détacher suffisamment de ses références, mais ce serait vraiment reprocher au cinéaste les défauts récurrents d’un premier film.

Avec le premier long-métrage, La Nuit a dévoré le Monde, Dominique Rocher signe une fable existentielle sur la solitude de l’homme, sur l’individualisme de notre société, sans oublier de faire un film de genre français maitrisé et inventif dans ses codes, porté par l’excellente interprétation de son acteur Anders Danielsen Lie, qui crève littéralement l’écran par sa présence. Un premier film magistral.

Ce film est interdit aux moins de 12 ans. 

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