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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

La Cravate ou le costume du pouvoir politique


Synopsis : « Bastien a vingt ans et milite depuis cinq ans dans le principal parti d’extrême-droite. Quand débute la campagne présidentielle, il est invité par son supérieur à s’engager davantage. Initié à l’art d’endosser le costume des politiciens, il se prend à rêver d’une carrière, mais de vieux démons resurgissent… »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après La Sociologue et l’ourson en 2016, le duo de cinéastes Mathias Théry – Étienne Chaillou font leur retour avec La Cravate, projet de cinéma documentaire toujours aussi politique. Après avoir décortiqué le projet de loi du Mariage pour tous avec leur précédent long-métrage, c’est au cœur de la campagne présidentielle du Front National que les cinéastes ont choisi d’immiscer leur caméra en suivant de très près le jeune Bastien, militant de vingt ans qui tente de se faire une place en endossant le costume de politicien. D’abord initié comme un projet de documentaire ayant pour but de suivre un jeune militant et son idéologie au sein d’un parti, La Cravate devient très vite un récit intérieur, presque romanesque, où Bastien se retrouve confronté aux démons de son passé, à son propre reflet et à celui de ses idées. 

Ce qui frappe avant tout dans La Cravate, c’est son dispositif de mise en scène qui en fait un film sur la parole où les mots ont une résonnance avec les images. Dans la pénombre d’une pièce obscure, Bastien est assis dans un fauteuil, légèrement éclairé, filmé en train de lire le scénario du film, écrit comme un roman, lu par l’un des deux cinéastes en voix off. Cette voix off, omniprésente, commente les images de cette campagne, sans jugement envers son protagoniste, tout en orientant le spectateur vers un point de vue, tout en le laissant juge de sa propre opinion. La Cravate donne à voir comment un jeune homme de vingt ans, politiquement ambitieux, devient le rouage d’une mécanique, celle d’une machine politique qui enrôle dans ses rangs des êtres fragiles, rejetés par une société dans laquelle le jeune militant ne trouve pas sa place, dans ce qu’il nomme une société bien-pensante. Les cinéastes filment l’ascension politique d’un militant qui après avoir débuté dans le tractage se retrouve à côtoyer les grandes figures médiatiques et politiques du parti d’extrême-droite. 

Véritable immersion dans les coulisses du parti politique, La Cravate devient un film sur le pouvoir du costume, sur le pouvoir que confère de porter la cravate. À partir d’une ascension, les cinéastes nous racontent l’histoire d’une chute, la désillusion d’un jeune homme qui rêve d’une carrière politique. Au fur à mesure de ce récit que lit Bastien, en montage alterné avec les images de la campagne, il y a une remise en question qui s’opère à travers le protagoniste, une prise de conscience sur sa propre idéologie par le pouvoir de la parole et la puissance des mots. La Cravate est un film très écrit, où Mathias Théry et Étienne Chaillou use de l’intelligence du montage et de l’écriture pour amener le spectateur à une réflexion sur le fondement même d’une idée, sur la manière par laquelle un parti politique parvient à la semer dans la tête d’un citoyen, notamment à travers la propagande des médias. 

Pousser le spectateur à se remettre en question en décimant des pistes de réflexion, par  la science du montage et de la parole, sans jamais juger les idées de son protagoniste, ni imposer un point de vue au spectateur. C’est là, la signature de ce qui s’apparente à un cinéma militant et politique d’une grande intelligence et d’une grande finesse dans son écriture et dans sa forme plastique, débordant d’originalité. La Cravate est un film qui risque de passer inaperçu dans le paysage cinématographique actuel par son manque de distribution (ERRATUM : parterre de 50 écrans annoncé, ce qui est loin d’être insignifiant pour un film indépendant). Le film réalisé par Mathias Théry et Étienne Chaillou mérite qu’on lui donne sa chance pour son écriture admirable et la force avec laquelle le duo de cinéastes parvient à filmer la parole et sa rhétorique d’une main de maître. 


« La Cravate est un récit politique d’une grande intelligence. Une véritable immersion dans les rouages d’une machine politique aussi redoutable qu’implacable. Du cinéma politique et militant de grande qualité. » 


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2 Commentaires

  1. sibourd 2020-01-22

    Cher Gaël,

    Vous affirmez une chose fausse dans votre article : « La Cravate est un film qui risque de passer inaperçu dans le paysage cinématographique actuel par son manque de distribution. »

    Oui, c’est faux, le film sortira sur une cinquantaine de villes en France le 5 février, ce qui est une grosse distribution pour un film indépendant. Et nous prévoyons une programmation minimale de 500 copies…

    Si vous pouvez modifier cette information, nous en serions ravis ! Bien cordialement, Patrick SIBOURD

    • Manu le Suricate 2020-01-30

      Bonjour,
      La reformulation sera faite mais notre critique voulait souligner le risque que la cravate passe inaperçu par rapport au flot des sorties quotidiennes. Le jour de la sortie en salles de la cravate, 17 autres films seront présentés en même temps dont des grosses productions. Comme vous avez ou le lire, l’article mentionne le fait que le documentaire est nécessaire et utile mais que le risque est qu’il passe inaperçu.

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