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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Joueurs réalisé par Marie Monge [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : “Lorsqu’Ella rencontre Abel, sa vie bascule.
Dans le sillage de cet amant insaisissable, la jeune fille va découvrir le Paris cosmopolite et souterrain des cercles de jeux, où adrénaline et argent règnent.
D’abord un pari, leur histoire se transforme en une passion dévorante.”

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Un premier film représente toujours une étape importante dans la filmographie d’un(e) cinéaste. Le premier film représente l’œuvre qui va définir la patte, la personnalité de ce dernier. Rares sont les premiers films à faire preuve de la maitrise totale de son cinéaste, hormis quelques exceptions, notamment le récent Grave de Julia Ducournau. Dans ce premier film, la réalisatrice faisait son entrée avec un pur film de genre aux influences « Cronenbergiennes » fortes, tout en parvenant à se détacher de ses pairs pour instaurer à travers ce premier long-métrage la personnalité et le style fort, identifiable de sa cinéaste.

« Les intentions de son auteur font de Joueurs un pur film de genre stylisé […] »


Marie Monge fait partie de ces cinéastes qui débarquent sur le devant de la scène avec une certaine ambition : celle de proposer une œuvre soignée sur tous les tableaux, autant dans l’écriture que dans l’esthétique. Joueurs raconte la romance de Abel (Tahar Rahim) et Ella (Stacy Martin). Jeune serveuse le jour, Ella rencontre Abel lorsqu’elle l’embauche pour un essai dans le restaurant de son père. Une fois la nuit tombée, Abel emmène Ella dans un Paris nocturne dont la dimension semble presque parallèle et invisible le jour. Un Paris que Marie Monge voulait filmer comme cela avait été rarement fait. Un Paris qui se passe dans les boulevards de la ville, dans les casinos souterrains où tout le monde vient jouer pour s’amuser, pour l’amour du jeu, parfois jusqu’à jouer leurs vies au point que cela devienne dangereux. Un Paris nocturne électrisant aux allures de polar noir à la Michael Mann. L’une des grandes qualités, si ce n’est la meilleure du film, c’est l’esthétique qu’insuffle la cinéaste à sa ville qui ne dort jamais. Plus particulièrement le travail sublime sur la lumière de son chef opérateur Paul Guilhaume. La cinéaste et son directeur de la photographie ont eu recours à l’usage de néons, remplacé le sodium donnant la couleur orangée aux lampadaires par du cyan afin de donner une couleur bleutée aux éclairages. Une lumière bleue nocturne qui sublime les visages de ces personnages dans la pénombre, donnant aux environnements une véritable identité visuelle qui devient un pur plaisir pour les yeux. Les intentions de son auteur font de Joueurs un pur film de genre stylisé dont l’esthétique épouse l’alchimie que filme la cinéaste entre ses deux acteurs.

La première partie du long-métrage se concentre à cultiver cette alchimie entre les deux comédiens qui font littéralement corps avec leurs personnages. Il y a quelque chose de très charnel dans cette romance qui devient un jeu, à la fois des corps mais aussi sur les tables des casinos. Plus le jeu devient dangereux, plus la romance devient sulfureuse jusqu’à la descente aux enfers du couple, où la deuxième partie marque une rupture avec la première, un revirement vers le film noir pur et dur, violent et viscéral. Un changement de registre assez brutal qui donne une dimension presque schizophrénique à ce premier film. Joueurs est à la fois une romance, un film social où les séquences de jour nous montre une dimension de Paris peu connue qui se déroule dans les cafés turcs, avant de devenir un polar stylisé sombre et violent qui n’est pas sans rappeler le cinéma américain de Michael Mann. Joueurs est donc beaucoup de choses à la fois : deux premiers films en un, un reproche récurrent aux premiers films.

Étrangement, l’autre défaut de ce premier film réside dans son sujet principal, la table de poker, qui n’est qu’un prétexte servant de métaphore à la romance entre les deux personnages. Les meilleures scènes du film Joueurs sont celles où la cinéaste filme l’alchimie sulfureuse entre ses protagonistes, dans les rues nocturnes sublimées par la lumière de Paul Guilhaume. Mais Marie Monge peine à convaincre lorsqu’il s’agit de filmer une table de jeu, usant d’un montage cuté pour rythmer des parties alternant avec l’évolution de la relation d’Abel et Ella, qui si elle ne manque pas d’insuffler du rythme aux images, oublie de rendre lisible et compréhensible les règles du jeu pour peu qu’on ne soit pas familier des casinos. Si Joueurs souffre par moment de ses ambitions de premier film, Marie Monge voulant à la fois faire une romance, un film social et un polar noir stylisé, il n’en reste pas moins un premier film réussi, nous invitant à suivre de près la filmographie de sa cinéaste.


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