CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

J’irai Mourir dans les Carpates, déclaration d’amour au cinéma


Synopsis : « L’histoire commence par un banal accident de voiture sur une route montagneuse des Carpates. La voiture d’Antoine de Maximy, le présentateur de la série « J’irai dormir chez vous » a été emportée dans une rivière et son corps n’a pas été retrouvé. Le matériel et les images du globe-squatteur sont rapatriés à Paris. Agnès, la monteuse de la série, décide de terminer ce dernier épisode. Après avoir visionné les images elle s’attaque au montage du film. Mais des détails attirent l’attention d’Agnès. Petit à petit le doute s’insinue. L’histoire n’est peut-être pas aussi simple… »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Sorte de Tintin à caméras et globe-trotter culotté, Antoine de Maximy se lance dans la réalisation de son premier film de fiction. Réputé pour ses documentaires et notamment sa fameuse série télévisée J’irai dormir chez vous, Antoine de Maximy décide de pousser plus loin le concept de son émission, pour une histoire au postulat de départ loufoque et drôle : « et si un jour, ça dérapait vraiment… »

Pour financer ce premier film de fiction, le documentariste s’est entouré de deux producteurs reconnus : Julie Gayet et Yves Darondeau. Malgré leur présence, le financement ne s’est pas fait aussi facilement. Aussi pour réussir à mettre en place son projet, le réalisateur a fait appel à un financement participatif. 6730 personnes, potentiels spectateurs, ont contribués financièrement à cette histoire incroyable où Antoine de Maximy s’amuse de la mythologie autour des Carpates et du comte Vlad III Tepes, aussi connu sous le nom : comte Dracula. Une inspiration, pour mieux nous berner.

Le scénario entraîne le spectateur vers une piste inattendue : celle des petits villages isolés où vivent des gueules de cinéma comme il en existe peu. Pour la première fois, le documentariste décide de faire appel à des acteurs du théâtre roumain et non les simples quidams rencontrés et croisés par hasard sur la route. En clair, tout ce qui fait habituellement le sel de sa série J’irai dormir chez vous, Antoine de Maximy le transforme tout en conservant cette fraîcheur essentielle pour nous faire croire à ses (més)aventures. Et ça fonctionne, car les acteurs sont tout aussi crédibles que les habitants du cru. Ils permettent à la mécanique de se mettre en place.

J’irai mourir dans les Carpates se base sur ce qui fait le sel de l’émission : des situations loufoques par des rencontres improbables. Une messe noire dans un cimetière hanté par des vampires, une tenancière d’hôtel obnubilée par la caméra et son potentiel d’actrice coquine, ou encore une fête du village déprimante car la réalité du grand capitalisme saute aux yeux. Dans ce film, Antoine de Maximy épaulé par Thomas Pujol dans l’écriture, dénonce le tourisme de grande échelle qui commence à envahir les petits villages roumains. Vendre ses terres auprès de promoteurs intéressés uniquement par le profit au détriment du local pour amener les capitaux étrangers.

Tourné avant le coronavirus, le film a désormais valeur de témoignage d’un monde qui change sous le coup de l’argent-roi… mais il n’est pas uniquement un état des lieux d’une Europe des campagnes reculées. Ce premier film est surtout une déclaration d’amour au métier de monteur. Ces personnes de l’ombre qui regarde toutes les images, choisissent le meilleur pour proposer une vérité aux spectateurs et téléspectateurs.

Incarnée par Alice Pol, cette monteuse va vouloir monter jusqu’au bout la dernière aventure du globe-trotter culotté. Plus forte encore que l’enquêteur sur le coup, lunaire et très drôle Max Boublil, elle est Agnès, celle qui veut offrir un dernier hommage à son infatigable voyageur amoureux des rencontres. En plus, comme il manque deux cassettes vidéos, elle va vouloir tout regarder, proposer un montage et chercher la petite trace, la petite preuve qu’Antoine de Maximy est bien en vie.

Pour mieux intégrer le spectateur, elle explique sa méthode de travail auprès d’un stagiaire plus rigolo que passionné. Et dans le même temps, elle offre une leçon essentielle : bien regarder, chercher le moindre petit détail, regarder à l’extérieur du cadre fixé par l’objectif des trois caméras pour découvrir la vérité. Alors elle revient en arrière dans les images du voyageur, elle avance rapidement, zoome et dézoome pour finalement montrer comment on réalise une histoire, comment on peut modifier et faire parler des images pour révéler la vérité ou plutôt une vérité. Investie, Alice Pol est admirable dans ce rôle de monteuse où elle disparaît complètement derrière cette interprétation pour devenir LA technicienne de l’image, et finalement la magicienne de l’aventure vécue par Antoine de Maximy.

Drôle de bout en bout, sérieux par moment, surprenant dans ses choix de rencontres, J’irai mourir dans les Carpates n’ennuie jamais grâce à son sens du rythme, aux coupures entre le montage et les interrogations d’Agnès, les rencontres atypiques et truculentes font de cette histoire, un véritable moment de cinéma. Si l’on pense aux épisode sur le petit écran, J’irai mourir dans les Carpates ne souffre pas de son passage sur le grand. Au contraire, cette aventure « bigger than life » est faite pour un premier visionnage en salle de cinéma. Le film propose sur grand écran de bien comprendre ce travail sur l’image, nécessaire à la compréhension de l’énigme cachée dans le film toujours à la frontière entre la fiction et le documentaire.

Et Dracula au fait ? Une messe noire avec des vampires vous apportera la vérité sur la légende et le mythe pour comprendre que si Antoine de Maximy manipule l’image, il sait aussi manipuler l’intrigue. Car au final, son premier film de fiction est un bel exercice de manipulation où l’angoisse de la disparition du héros principal gagne le téléspectateur jusqu’au bout… pour finalement comprendre que c’est ailleurs qu’il fallait regarder pour trouver la clé du mystère des Carpates. Un tour de passe-passe génial pour faire du film, un pur moment de cinéma.


« Investie, Alice Pol est admirable dans ce rôle de monteuse où elle disparaît complètement derrière cette interprétation pour devenir LA technicienne de l’image. Finalement la magicienne de l’aventure vécue par Antoine de Maximy. »

Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén