CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

In The Fade réalisé par Fatih Akin [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « La vie de Katja s’effondre lorsque son mari et son fils meurent dans un attentat à la bombe.
Après le deuil et l’injustice, viendra le temps de la vengeance. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position « je m’installe comme à la maison » ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

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In The Fade est un film complexe. Ce n’est pourtant ni son actrice, magnifique Diane Kruger. Ni son propos : les crimes commis par les néo-nazis en Allemagne contre les communautés étrangères, une réalité abominable dans le pays. Si le nouveau film de Fatih Akin est compliqué, c’est parce qu’il contient des fulgurances et des moments d’agacement. Mais lesquels ? Le scénario ? La façon de filmer ? L’interprétation ? Pour envisager sereinement la critique de ce film présenté à Cannes en mai 2017 et reparti avec le prix d’interprétation méritée pour Diane Kruger, il faut reprendre tous les éléments précités. À tel point que le film a divisé la rédaction de CinéCinéphile notamment pour la note et le commentaire à lui attribuer ?

In The Fade a un point très positif : l’interprétation. Que ce soit Diane Kruger, magistrale et impressionnante (nous rappelant, à quel point elle est capable d’alterner, comédie et drame avec une justesse de ton exemplaire). Ou le casting qui l’épaule et joue sa partition au bon moment, sans jamais prendre la lumière de Diane. Les acteurs qui l’entourent sont là pour la soutenir ou l’amener à sortir sa colère, sa haine. Que ce soit Ulrich Tukur (que l’on avait aperçu dans Amen de Costa-Gavras) ou encore Samia Muriel Chancrin, la meilleure amie dépassée par les événements, ils sont parfaits. La palme revenant aux deux avocats : l’accusation représentée par Denis Moschitto en ami fidèle et la défense représentée par Johannes Kirch détestable à souhait.

C’est au niveau de la réalisation et du scénario que par moment In The Fade nous éloigne de la proximité avec son interprète principale. En allemand, le titre original est Aus des Nichts qui peut se traduire par « à partir de rien ». C’est à partir de rien que Katja va devoir se reconstruire puisqu’elle ne peut revoir une dernière fois son fils et son mari tués par l’explosion. Fatih Akin décide de démarrer avec une caméra lumineuse où les visages sont clairs, visibles, dans un blanc cotonneux où pourtant tout le monde se reconnaît distinctement. Puis il enchaîne avec un grain plus appuyé, une image comme salie par l’explosion qui a entraîné la mort. Les personnages sont dès lors filmés dans des tonalités orange ou bleues, mais froides avec un grain très appuyé donnant l’impression d’un premier film où la caméra peine à être maîtrisée. Un film où le flou sur le visage des personnages semble la règle. Puis arrive le procès, pièce maîtresse du film, pour laquelle le blanc immaculé est de rigueur. C’est sans conteste le passage le plus fort du film. Puis la conclusion se présente avec la partie près de la mer en Grèce où tout est plus lumineux marquant la volonté certaine de Katja d’accomplir une destinée, mais laquelle ?

Ainsi, l’image sert et par moment dessert le film. Mais certaines facilités dans le scénario sont également les quelques failles qui éloignent le spectateur par moment. Fatih Akin porte un sujet fort, celui de la vengeance d’une mère et de la justice que l’on cherche parfois à rendre. Après une ouverture impeccable en prison présentant le personnage de Nuri dans ses contradictions au point de mener l’enquête sur des magouilles potentielles et la vengeance d’un mafieux quelconque, les scènes suivant l’explosion sont fortes, mais sont démolies par quelques facilités ou incohérences dans le scénario. La tentative de suicide de Katja semble expédiée et incohérente alors que le verdict devient prévisible au plus le procès avance avec quand même des arguments irrecevables. Et pourtant…

Pourtant, il y a Diane Kruger, cette mère, cette femme, cette amante. Cette personne qui contre vents et marées va lutter pour que la justice soit faite. Une femme qui va penser à l’inconcevable : la mort par suicide pour rejoindre les deux êtres qu’elle aime… puis une femme qui va penser à se venger seule puisque la justice ne fait pas son travail. Le film pose la question réelle du choix entre la rédemption et la volonté d’exercer sa propre justice. Fatih Akin, en posant sa caméra au cœur d’un sujet d’actualité, semble ne pas maîtriser l’étendue de son sujet fort. Il dénonce clairement les actions des néo-nazis en Allemagne et leurs actions contre les étrangers, et tient un sujet fort. Mais il y a aussi un sujet sous-jacent que le réalisateur n’arrive pas à dénoncer : celui du doute que l’on instille chez les personnes quand on sait que Nuri était un trafiquant de drogues… il passe à côté d’un sujet sur la manipulation par la police et les médias qui aurait aussi été intéressant. Cette manipulation aurait également servi le propos du verdict au point de mieux comprendre pourquoi Katja n’a pas fini son combat. Mais le réalisateur semble par moment s’être empêtré dans quelques facilités pour que son scénario suive un but défini dès le début : la vengeance d’une femme face aux coupables présumés.

In The Fade est un film sur la vengeance et également le portrait de notre société axée sur la peur de l’étranger. La peur de l’autre au point de vouloir l’éliminer. Un sujet qui prend une tournure forte, car situé en Allemagne, là où les vagues migratoires sont nécessaires pour contrebalancer une population vieillissante. Un pays qui a accueilli les migrants de Syrie avec une grande humanité, mais aujourd’hui, celle-ci est remise en question par les extrémistes de tout poil qui montent dans toute l’Europe et surtout en Allemagne (les liens entre les néo-nazis Allemands et Aube dorée montrent qu’une pieuvre de l’extrémisme existe bel et bien avec des ramifications dans toute l’Europe). In The Fade est un état des lieux, une photographie de l’Allemagne actuelle qui bien que coupée de ses démons, va devoir les affronter une nouvelle fois pour que les néo-nazis soient expulsés du pays.

En résumé, le nouveau film de Fatih Akin offre à la fois le portrait d’une mère dévastée qui va découvrir en elle une force insoupçonnée pour venger la mort de son fils et de son mari et celui d’un pays qui doit faire face aux dangers de la peur de l’autre. In The Fade pose les bases d’une histoire forte portée avec maestria par un casting entourant Diane Kruger impériale. Mais les facilités du scénario et quelques choix de lumière, d’images et de photographie rendent certains passages froids et cliniques au point de nous détacher de l’histoire. Le réalisateur nous transforme en de simples spectateurs éloignés et non plus accompagnant Katja. In The Fade porte à la fois ses forces et ses faiblesses, mais il laisse dans le cœur une image pour longtemps indélébile : celle du cri et des larmes de Diane Kruger lors du verdict. Elle est la raison suffisante pour vous pousser à découvrir ce film en salles.

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Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

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