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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Grâce à Dieu, un grand film lumineux sur la Parole



Synopsis : « Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi.
Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Lauréat du Grand prix du jury à la Berlinale 2019, Grâce à Dieu, le nouveau film de François Ozon sort enfin après nombre de polémiques notamment une action en justice engagée pour repousser la sortie en salle de cette histoire tant redoutée par l’Église. Le verdict du procès du Père Preynat n’ayant pas encore été rendu, la présomption d’innocence du prêtre, accusé de pédophilie, a bien failli avoir raison sur le film du cinéaste qui s’inspire de faits réels, reposant sur trois témoignages, ceux d’Alexandre Guérin (Melvil Poupaud), de François Debord (Denis Ménochet) et d’Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud), tous trois victimes d’abus sexuels durant leur enfance dans des camps de scouts dirigés par l’Église. Le film suit le combat de ces trois personnes pour rompre le silence de l’Église face à ce scandale, de la première plainte jusqu’à la mise en examen du Père Preynat en 2016, en passant par le fondement de l’association « La Parole Libérée ». 

Un film tourné dans le plus grand secret car François Ozon a dû mettre en scène les scènes concernant l’Église en Belgique pour ne pas subir la pression du diocèse de Lyon. Un film également plus difficile à financer par rapport à ses précédentes productions, selon les mots du cinéaste lui-même. Un sujet délicat qui suscite la polémique, mais surtout le silence. Un silence au sein de l’Église que François Ozon cherche avant tout à rompre avec Grâce à Dieu. Et quoi de mieux pour le cinéaste que de briser ce silence tabou en faisant un film sur la parole. 

Si Grâce à Dieu est un film dossier dense, rendu lourd par l’épaisseur des événements de cette affaire et âpre par son propos, il est question avant tout d’un film choral dirigé d’une main de maître d’un point de vue cinématographique. François Ozon construit son film selon trois arcs narratifs. Le long-métrage est scindé en trois parties, chacune dédiée au point de vue de l’un des trois protagonistes. La première suit l’histoire d’Alexandre, à l’origine de la première plainte déposée contre le père Preynat. La deuxième suit celle de François, à l’origine du coup médiatique qui a rendu l’affaire publique, ainsi que de la fondation de l’association « La Parole Libérée ». La troisième est quant à elle dédiée au personnage d’Emmanuel, une troisième victime dont le récit se présente comme la concrétisation de l’affaire, le témoignage de ce dernier amenant la mise en examen du Père Preynat. Ces trois histoires se rejoignent, s’entremêlent pour former dans leur ensemble un film dossier, une enquête que le cinéaste rythme comme un thriller d’une redoutable efficacité, sans pour autant en oublier l’aspect humain et les questions éthiques qui se cachent derrière cette affaire.

Grâce à Dieu est avant tout un drame humain où François Ozon filme ses personnages, ces témoignages bien réels, avec une certaine délicatesse. Le cinéaste filme la libération de ses personnages par la parole, une libération par la rupture d’un silence qui a beaucoup trop duré. Le réalisateur questionne l’affaire autant du point de vue des victimes que d’un point de vue sociétal, il livre une analyse pertinente sur le pouvoir politique et social de l’Église sur notre société actuelle, ainsi que le rapport à la foi de ses personnages. Comment continuer à croire en Dieu après avoir subi les failles du système qu’Il représente ? Une question qui résume toute l’intelligence éthique et la grande humanité avec laquelle François Ozon questionne un fait de société qu’il est important de mettre en lumière. Tout en livrant une analyse pertinente d’un fait de société délicat et sur notre rapport à la croyance, François Ozon signe au passage l’un de ses meilleurs films.


« Grâce à Dieu est un grand film lumineux et humain sur la parole, remarquablement bien écrit malgré son âpreté, et magistralement interprétés par un trio d’acteurs formidable. Magistral ! »


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