CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Ghostland, le cinéaste Pascal Augier hanté par l’œuvre de Mylène Farmer

Synopsis : “Suite au décès de sa tante, Pauline et ses deux filles héritent d’une maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage à la suite de cette nuit cauchemardesque.
Tandis que Beth devient une auteur renommée spécialisée dans la littérature horrifique, Vera s’enlise dans une paranoïa destructrice. Seize ans plus tard, la famille est à nouveau réunie dans la maison que Vera et Pauline n’ont jamais quittée. Des évènements étranges vont alors commencer à se produire…”


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

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Deux retours sont à noter avec Ghostland : celui de Pascal Laugier qui n’avait plus rien mis en scène depuis 2012 et son étrange, mais captivant The Secret avec Jessica Biel. Et celui, bien entendu, puisque l’on a beaucoup plus parlé de ce retour que du film, celui de Mylène Farmer au cinéma. Deuxième film en 24 ans après l’échec de Giorgino en salles, mais malgré tous les clips signés par Boutonnat, Besson (pour qui elle prêta sa voix dans la trilogie Arthur et les Minimoys), Ferrara, Hanss, Dahan, Di Sabatino, Nispel ou encore Laugier justement. Suite à cette rencontre et au clip City of Love, Mylène Farmer a contacté Laugier en lui demandant s’il n’avait pas pour elle : « le rôle d’une folle dans son prochain film ». Cadeau du ciel, il lui offre celui de la mère de Beth et Vera dans un film gore et d’épouvante. Pascal Laugier est quand même le réalisateur de l’éprouvant Martyrs qui avait secoué le monde du cinéma français en 2008.

Ce double retour a un intérêt particulier pour le cinéma en France d’autant qu’il est reparti avec trois prix lors du dernier Festival de Gerardmer : Grand Prix, Prix du Jury et Prix du Jury SyFy. Vous savez que les prix ont parfois peu d’importance et ne veulent rien dire surtout si cela reflète uniquement un désir d’un jury qui parfois peut avoir des goûts totalement opposés à ceux du public. Mais là, le public a également été emballé. Depuis quelques temps, le cinéma d’horreur en France connaît un regain d’intérêt : Grave l’année dernière et La Nuit a dévoré le Monde, la semaine dernière (que l’on vous recommande). Et aussi parce que les USA ont relancé le goût pour le cinéma d’horreur avec des twists épatants et des rebondissements voire des sauts dans votre fauteuil… pour des petits budgets : coucou Blumhouse Productions et M. Night Shyamalan.

Maintenant que le décor est posé, il faut se plonger dans la salle obscure pour suivre cette famille qui vient s’installer seule dans une ferme isolée (comme par hasard) aux USA… écartée du monde et bien entendu, tout peut arriver. D’autant que sévissent dans le paysage deux malades mentaux qui tuent les parents et enferment les enfants pour… autant ne pas en dire davantage. Mais le problème est là : Ghostland ne doit se tenir qu’à son résumé pour le public afin d’éviter que l’on ne divulgache trop l’intrigue. Divulgache ? Oui le film a été tourné au Canada où l’on dit « divulgacher » pour « spoiler »… mais là n’est pas le sujet, si ? Non !

Finalement, Ghostland devient donc un véritable un casse-tête pour le critique, car révéler un élément du film met à mal toute l’entreprise du réalisateur qui a lui-même écrit l’histoire. Casse-tête, car le film joue sur deux temporalités : ce qui s’est passé cette fameuse première nuit quand Pauline a été agressée avec ses filles et ce présent où Beth est devenue une écrivaine à succès alors que sa sœur (tout aussi marquée par le drame) reste emmurée dans la folie de cette nuit dans cette maison avec sa mère Pauline. Il va falloir suivre parce que les deux temporalités vont à un moment se retrouver et il faut reconnaître que c’est surtout le jeu d’Emilia Jones et de Taylor Hickson (qui a été marquée durant le tournage par 70 points de suture suite à une scène où elle traverse un miroir qui était censé être sans risque puisque l’actrice tenait à tourner ses cascades elle-même) qui est impressionnant face à la terreur qui les marquera à tout jamais. Dans le présent, si Crystal Reed trouve là son premier rôle au cinéma après la série Teen Wolf, c’est Anastasia Philips qui tire son épingle du jeu en grande sœur devenue totalement folle. Et bien entendu, il y a Mylène Farmer. Pour celles et ceux qui n’ont jamais vu Giorgino, elle avait déployée une palette de jeu assez intéressante. Mais dans ce film, elle entraîne avec elle toute sa mythologie pour ainsi camper avec passion cette mère courage pour ses filles… et en même temps tout l’univers des clips est présent dans cette maison de poupées.

On énumère, accrochez-vous : on pense forcément à City of Love que Pascal Laugier a mis en scène puisque le décor du film n’est pas sans rappeler celui du clip (maison isolée et abandonnée sous cet orage électrique en pleine nuit comme la première que passent Pauline et ses filles dans la maison dont elles héritent. Mais également ce monde de poupée de Plus grandir où plane la mort dans ce cimetière que traverse Mylène Farmer avec un landau. Qui s’y cache ? Une enfant qui n’est autre qu’une poupée… poupées présentes dans le film dont une ressemble étrangement à la chanteuse rousse. Oh mais là aussi, on se souviendra de Sans contrefaçon sur le jeu du double à la fois des poupées, mais aussi des filles de Pauline. Comment ne pas penser à ces deux sœurs unies de L’Âme-Stram-Gram quand les filles tentent de fuir la maison pour essayer de prouver qu’elles peuvent mettre K.O le sinistre géant. Dans les scènes de combat, on ne peut que se souvenir du ring de boxe représenté dans Je t’aime mélancolie sur lequel Mylène Farmer se débattait pour mettre à terre un homme hargneux.

Un chien maléfique apparaît, tel un loup affamé prêt à se jeter sur Beth, la fille de Mylène comme lorsque cette dernière fuyait dans Tristana afin d’échapper à une mort certaine dans une forêt hostile. Comment ne pas se souvenir du passage à l’âge adulte dans une des premières scènes du film qui rappelle la découverte de la chanteuse, jeune-femme enfant interprétant une comptine : et si Maman avait tort derrière tout ça ? Bien entendu, il faut évoquer un des clips emblématiques de Mylène Farmer : Je te rends ton amour où la chanteuse est attaquée par une force obscure et maléfique dans une église. Comme cette force qui attaque dans cette maison de la tante complètement désertée et comme hantée, tel un sanctuaire religieux…

Vous comprenez aisément que dans un seul film, on retrouve la somme des clips de Mylène Farmer : un gothique flamboyant, le jeu du double, la peur de l’autre, l’horreur et l’enfermement, mais aussi les contes de fées revisités. Des thématiques qui s’adaptent tout à fait à l’univers de Pascal Laugier et renforce le sadisme de certaines scènes ainsi que les moments de malaise créé par l’histoire. En effet, le metteur en scène en profite pour revenir à ses marottes habituelles à savoir la torture et la violence certaine de l’enfermement de jeunes filles qui subissent leur bourreau sans avoir de réelle solution de sortie ou plutôt aucune autre échappatoire que la mort. Et enfin, le temps qui passe ou pas comme Martyrs reprenait cette thématique avec un événement dont sa conclusion arrivait 15 ans après le moment fatidique de l’agression des jeunes filles.

En vous entraînant dans cette comparaison, c’est pour que vous puissiez bien comprendre que le cinéaste trouve en Mylène Farmer une muse qui lui aura permis en un film de mettre en place une nouvelle singularité et de proposer une jonction entre le film de genre français et les productions d’horreur américaines. Mais que vaut le film dans ce cas ? Malgré cette mise en scène parfaite avec des plans symboliques réellement et savamment dosés, une atmosphère terrifiante (le décor de cette maison est impressionnant), on pourra regretter que Pascal Augier n’arrive pas à nous faire croire un instant en cette histoire de sœurs dont l’une a réussi à se sortir du traumatisme de cette nuit d’horreur alors que l’autre est devenue complètement folle. La raison est l’élément non maîtrisé habilement pour le jeu de dupes et de miroirs dans lequel nous entraîne le réalisateur à savoir : la mère ! Oui, le souci vient de la mère ou plutôt pour être précis d’un détail, qui de fait, nous empêche de pleinement accepter ces deux temporalités. Attention, le jeu de Mylène Farmer est juste, il n’y a rien à lui reprocher, bien au contraire : elle est extrêmement convaincante en mère battante. Mais un élément auquel aurait dû prêter plus attention l’équipe maquillage, gâche l’histoire. Au point qu’un sentiment de déception apparaît puisque l’intrigue s’évente trop rapidement et que le final devient prévisible.

En résumé, Pascal Laugier crée une atmosphère malsaine où il prend un plaisir certain à abîmer ses actrices. Mylène Farmer, crédible, tire son épingle du jeu. Cependant malgré certains moments de frousse, l’intrigue s’évente vite, au point que le mystère ne tient pas longtemps. Dommage…

Le film est interdit en salles aux moins de 16 ans.

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