CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Gemini Man, une 3D HFR révolutionnaire pour un scénario assez indigeste

Synopsis : « Henry Brogan, un tueur professionnel, est soudainement pris pour cible et poursuivi par un mystérieux et jeune agent qui peut prédire chacun de ses mouvements. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Deux ans après Un jour dans la vie de Billy Lynn (2017), le cinéaste Ang Lee continue son expérimentation de la 3D HFR en s’attaquant à la série B d’action pure avec Gemini Man, une production Jerry Bruckheimer Films qui sent bon le parfum des « productions actionners » des années 1990. Ces productions qui ont fait les heures de gloires de cinéastes tels que Tony Scott ou Michael Bay. Projet de longue date, le scénario de Gemini Man traînait dans les cartons de Jerry Bruckheimer depuis 1997, attendant patiemment une technologie adéquate pour porté à l’écran ce pitch alléchant de double numérique qui n’est pas sans rappeler celui d’un autre film d’action sortie en 1997, un certain Volte/Face du cinéaste Hongkongais John Woo, où il est question de doubles. D’abord passé entre les mains de Tony Scott, c’est le cinéaste Ang Lee qui se voit adapter ce scénario des années 1990, ayant prouvé avec L’Odyssée de Pi (2012) et Un jour dans la vie de Billy Lynn qu’il est l’un des rares cinéastes à maîtriser cette nouvelle technologie.  

Gemini Man donne à voir l’affrontement entre Henry Brogan (Will Smith), un tueur professionnel et son double rajeuni numériquement, Junior (encore Will Smith, mais plus jeune). Une chasse à l’homme entre un tueur et son double qui donne lieu à des scènes d’actions plutôt époustouflantes qui deviennent le terrain des expérimentations visuelles de Ang Lee sur le relief et les 120 images par secondes. Mais qui dit 120/secondes dit scénario assez indigeste. Car oui, si le cinéaste porte le scénario de Gemini Man à l’écran, ce n’est pas probablement pas pour son intrigue prévisible et la richesse de ses dialogues peu inspirés. Tout n’est que prétexte à révolutionner le cinéma d’action en proposant une expérience de cinéma immersive et sensorielle, où les sensations sont dupliquées par la fluidité de la technologie HFR et la 3D relief. Et à ce niveau, Ang Lee prouve une nouvelle fois qu’il est le meilleur. 

Le cinéaste réfléchit sa mise en scène et la composition de ses plans, pensés pour la 3D relief, que ce soit dans l’usage du gros plan pour scruter le détail d’un visage numérique plus vrai que nature dans ses émotions ou pour dupliquer l’adrénaline du spectateur lors d’une poursuite à moto où la fluidité des 120 FPS/sec rend compte de la vitesse, sublimant le corps en action de son acteur dans des ralentis qui nous rappellent les sauts de Tom Cruise à moto dans Mission : Impossible 2 de John Woo (2000). Le cinéaste utilise également le plan subjectif pour renforcer l’immersion et les sensations lorsqu’ Henry Brogan est noyé sous l’eau ou que son double numérique utilise un casque à vision thermique pour chasser sa cible dans le noir. Les décors prennent du relief : ici, une maison devient le terrain d’une chasse à l’homme où Will Smith tire sur son propre reflet dans un miroir. Là, une chute dans un vestige inondé nous fait ressentir un sentiment de noyade avec une eau plus fluide que jamais.

Le cinéaste réfléchit la composition de ses plans pour mettre en scène l’espace comme un terrain d’expérimentation pour l’action. Certains plans marquent la rétine du spectateur, la 3D HFR offrant une nouvelle perspective à des scènes d’actions pensées pour cette technologie. Et c’est peut-être là la limite de Gemini Man : être un film d’action pensé pour être vu dans des conditions technologiques uniques et plutôt rares en France. Tout l’intérêt du film réside dans sa technologie et son format de visionnage indispensable, Gemini Man est le genre d’œuvre qui ne survit pas à son exportation de la salle de cinéma au salon, ou tout simplement de la projection 3D HFR à la projection 2D. En 2D, Gemini Man est une série B actionner certes sympathique, mais digne d’une production Bruckheimer des années 1990 avec son lot de clichés indigestes et vieillots qui va avec. Du héros interprété par Will Smith traqué par sa propre hiérarchie (Ennemi d’État de Tony Scott, avec Will Smith) au méchant caricatural qui ne peut être que joué par Clive Owen (ou Mark Strong, au choix), Gemini Man semble avoir 20 à 30 ans de retard dans son écriture, Ang Lee n’ayant pas pris le temps de dépoussiérer ce scénario de 1997 trouvé dans les cartons, trop préoccupé à révolutionner le genre en innovant et expérimentant la 3D HFR.

Mais difficile de lui en vouloir car, dans son format 3D HFR (que l’on vous recommande chaudement malgré sa maigre distribution en France), Gemini Man reste une expérience de cinéma d’action indispensable et prometteuse pour l’avenir du blockbuster hollywoodien, au lieu d’une série B sympathique mais oubliable dans son format 2D. Deux versions assez différentes d’un seul et même film dans leur visionnage, pour un constat légèrement décevant, là où L’odyssée de Pi, du même cinéaste, restait une fable initiatique somptueuse même sans sa sublime 3D. 

« En 3D HFR, Gemini Man est une expérience de cinéma immersive et sensorielle révolutionnaire. En 2D, le film de Ang Lee n’est plus qu’une série B actionner au scénario indigeste qui perd tout son intérêt expérimental. Un film hybride.  »

Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén