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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Ema, comme un pantin désarticulé

Synopsis : « Ema, jeune danseuse mariée à un chorégraphe de renom, est hantée par les conséquences d’une adoption qui a mal tourné. Elle décide de transformer sa vie. »

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Réalisateur chilien reconnu pour avoir mis en scène des films tels que No, El Club, ainsi que les films basés sur des personnalités ayant réellement existé que sont Neruda et Jackie, Pablo Larrain est ce que l’on pourrait appeler un poète du cinéma. Si ses productions chiliennes nous avaient grandement touchées de par une direction d’acteur transmettant une sincérité et qui donnait de l’ampleur à des personnages déjà beaux et intéressants, ce n’était pas le cas de sa dernière production en date. Intéressante dans le fond, cherchant à ne pas céder aux facilités du biopic classique qui relate une vie entière, mais simplement un moment bien précis, superbement porté par Natalie Portman, mais qui se prenait les pieds en allant pas au bout des choses. Un film où le format d’image ainsi que la narration, donnent l’impression d’avoir été choisie dans le but de créer une oeuvre anti-académique, mais simplement pour dire que ce Jackie n’est pas qu’un simple biopic dans ses choix narratifs et esthétiques. L’impression d’une tentative, échouée, malheureusement veine, même si pas complètement ratée. Retour aux sources pour le metteur en scène avec Ema, une production chilienne, tournée au Chili en espagnole.

Après une tournée dans quelques festival dont Venise, puis des sorties dans quelques salles de cinéma à travers le monde, c’est la plateforme de visionnement en ligne Mubi qui a fait l’acquisition des droits de diffusion du film Ema. Une nouvelle sortie directement en vidéo à la demande pour les spectateurs américains notamment. De quoi permettre à ces mêmes spectateurs de regarder le film une première fois… puis une seconde. S’il n’a fondamentalement rien de complexe ou de difficile à comprendre, poussant la nécessité du second visionnage, Ema est un film dont on sort interrogatif. Après Neruda et Jackie, Pablo Larrain propose aux spectateurs une incursion dans la vie d’une danseuse au tempérament brûlant. Oeuvre sur la transmission et les impacts causés par les choix face à des dilemmes qui nous effraie comme la parentalité, le cinéaste exploite ces thématiques par le prisme d’un personnage haut en couleur. Ema, danseuse de profession, oppressé par son couple, rongé par le besoin de liberté et d’expression. L’image même de l’artiste anarchiste qui danse sur une table lors d’une rencontre afin de séduire la personne en face d’elle et lui démontrer qu’elle n’est pas qu’un corps séduisant, elle a également du tempérament. Par tous les moyens possibles, le cinéaste Pablo Larrain cherche à permettre à son personnages de s’exprimer.

Laisser exprimer ce feu ardent qui sommeil en elle, et dont elle ressent le besoin vital de laisser sortir. S’émanciper de son maris, metteur en scène adepte de l’expérimental et du contemporain. Des moments de séduction avec les deux genres, des chorégraphies de plus en plus lascives, mais également en lui attribuant la caractéristique d’être pyromane. Si le script relate une certaine cohérence dans la manière de développer le besoin d’émancipation du personnage, la manière de faire tend plus à faire sourire, qu’à émouvoir son auditoire. Si la danse est un procédé d’exutoire intéressant, c’est par un choix de réalisation particulier qu’il peut le devenir et venir brusquer le spectateur. S’il est formellement beau grâce et très agréable à l’œil si on aime les couleurs chaudes et clinquantes (utilisation du bleu, du vert, du violet… tant dans les couleurs des décors que dans les éclairages extra-diégétiques pour mettre en valeur les corps), avoir des plans symétriques, propres, bien composés et cadrés, mais également fixes occultent complètement la transmission d’émotions. Beau, mais lent et aucunement significatif. La mise en scène extrêmement statique renforce cette impression de lenteur proposé par un film qui a quelque chose à raconter, mais ne le fait pas correctement pour impliquer le spectateur.

Ça manque de cohérence entre le propos, entre le caractère des personnages présentés, et les choix artistiques de mise en scène et de réalisation. Le tempérament du personnage principal, mais également de son compagnon (remarquablement interprété par un Gaël Garcia Bernal qui vole chaque scène et qui est bien le seul à avoir une scène qui a un réel impact grâce à une incarnation qui n’est pas statique), n’atteignent pas un spectateur qui ne reste que simple spectateur. Aucunement impacté, seul dans son canapé face à une oeuvre qui ne va pas au bout des choses et ne semble pas s’assumer. La stylisation d’un acte par les couleurs, plus que par une composition de cadre significative, une mise en scène impactante ou encore un mouvement de caméra audacieux et qui transmet cette énergie, positive comme négative. Aussi perfectible soit-il, Climax de Gaspar Noé proposait dans sa première heure l’exacte même proposition avec plus de personnages et de traits de caractères. Le tout dans un huis clos, mais avec une proposition cinématographique plus audacieuse, impacte et surtout cohérente avec ce que le cinéaste cherchait à raconter, à éveiller chez le spectateur. S’il n’est pas désagréable à regarder, Ema n’éveille malheureusement que l’ennui chez le spectateur qui assiste sans être touché outre-mesure.


Disponible exclusivement en vidéo à la demande sur Mubi

« Le feu qui brûle en une artiste insatisfaite et incontrôlable. Proposition intéressante, superbement interprétée, mais qui manque d’impact et de cohérence artistique pour transporter le spectateur. »


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