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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

[Critique Série] True Detective créée par Nic Pizzolatto

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[SPOILERS : cette critique révèlera certains points d’intrigues principaux de la série, sans raconter en détail les péripéties ou la fin]

Pour cette deuxième critique de série tv, on va changer, mais pas trop. L’on reste chez HBO, et dans l’actuel puisque la série date du début d’année, mais, modification de taille, je vais vous parler d’une série que j’ai adoré et qui, malgré une récente polémique, a globalement fédéré autour d’elle, bien que certaines personnes l’ai dénigré et parfois rejetée en bloc. Si vous êtes de ces gens là, j’espère pouvoir vous faire reconsidérer un peu la question. Accrochez-vous, puisque comme le titre de l’article que vous lisez l’indique, on va parler de True Detective.

Commençons par le plus « classique » dans toute critique, casting, réalisation, scénario. Et bien il n’y a pas grand-chose à redire, tant chaque acteur est phénoménal. Que ce soit les seconds rôles, les enquêteurs de 2012, les différentes conquêtes de Hart, ses filles ou même le Yellow King, chacun joue son rôle à la perfection. Et que dire des premiers rôles. Beaucoup parlent encore de la « rédemption » de Matthew McConaughey, ce qui me paraît être bien hors propos tant sa mutation est finie. Habité, le regard vide ou plein de folie, il éclipse tous les autres acteurs, et pourtant Woody Harrelson et Michelle Monaghan ne sont pas en reste tant ils interprètent à merveille leurs rôles respectifs.

Les rôles justement, sont monstrueusement bien écrits. Le travail d’écriture de Nic Pizzolatto, showrunner et unique scénariste des 8 épisodes du show est à tomber par terre, autant au niveau de la narration, que des dialogues, de l’écriture des personnages et de la trame principale. Se rapprochant d’un Seven pour le sadisme et la noirceur de l’œuvre ou d’un Zodiac pour le côté traque étirée et éreintante d’un tueur insaisissable, True Detective fascine par sa capacité à mener à bien son histoire, avec une rigueur narrative et formelle impressionnante, tout en se permettant sans cesse de faire des écarts en ajoutant des sous-intrigues et des ramifications sans jamais perdre son spectateur. Nic Pizzolatto caractérise ses personnages et leur donne un background sans expédier des lignes de dialogues dont on se moque, il passe des scènes (et même un épisode entier) à montrer la nature de ses personnages, d’où ils viennent et pourquoi ils sont arrivés là, et le plus fort, c’est que cela sert toujours le propos et l’intrigue de l’épisode ou de la série en général.

Le propos de True Detective, parlons-en. C’est certainement l’un des plus sombres et des plus pessimistes que l’on ai pu voir depuis des années. La série ratisse large en terme de personnages. En partant de la femme qui tente de tenir le coup et d’élever ses enfants, mais qui doit faire face à divers éléments dramatiques, jusqu’au flic intègre qui trompe sa femme en étant persuadé que cela va aider son mariage, en passant par le grand penseur qui se perd dans son nihilisme extrême, Nic Pizzolatto nous dévoile une humanité à la dérive, qui se permet les pires exactions (le Yellow King et ses disciples) et/ou même les « good guys », ceux qui récoltent les médailles et font la une des journaux, sont des gens emplis de failles, de défauts et de mauvais côtés. Le pire résidant dans le fait que, ces gens sont notre famille, nos amis, nos collègues, nos dirigeants, nos policiers… Ce que montre et dit Nic Pizzolatto, c’est que toute la société est remplie au mieux de personnes qui ont perdu foi en la nature humaine et au pire des sadiques les plus dégoutants de l’univers. Au milieu? Il y a les personnages principaux de True Detective. Mais surtout, à l’inverse de beaucoup de séries, le propos de True Detective est universel. L’action de la série est située en Louisiane, et ce n’est pas un hasard, mais les exactions commises, les défauts de certains personnages, les adultères et autres, se retrouvent partout dans le monde. C’est ce constat qui fait de True Detective une série dénuée d’espoir. Nic Pizzolatto ne dit pas que tout est blanc ou noir, mais là où il y a des qualités, les défauts affluent.

On m’a souvent dit que True Detective était une série prétentieuse. Je ne sais pas dans quel sens l’interpréter, si les gens parlent de Nic Pizzolatto comme un des showrunner les plus vaniteux dont j’ai lu les interviews (bien qu’il soit aussi un des plus talentueux) ou de la série en elle-même? Dans ce cas j’avoue ne pas bien comprendre. Effectivement, le personnage de Rust Cohle peut paraître prétentieux, à balancer des réflexions philosophiques à la pelle, mais cela veut-il dire que la philosophie (et donc les philosophes) est prétentieuse? Sans dire que Rust Cohle est Platon, on ne peut pas (à mon sens) reprocher à une œuvre d’étoffer son propos de base, aborder de nombreux thèmes, et offrir à son spectateur de nombreuses pistes de réflexion. Dans ce cas, Lost est la série la plus prétentieuse du monde, avec ses personnages appelés Locke ou Rousseau. Et même Dora l’Exploratrice, qui essaie d’enseigner l’anglais aux enfants. Je force évidemment le trait, mais le fait est que même si une série mets en scène un personnage prétentieux (et encore) doit-on la qualifier de prétentieuse?

D’autres diront que True Detective se prend pour ce qu’elle n’est pas, en tentant de montrer la nature humaine sous tous ces angles, avec plusieurs time-lines et en permettant aux spectateurs de vivre et de traverser l’enfer sur Terre. Personnellement j’appelle ça de l’ambition, et en plus c’est LA grande force de la série (et de toute œuvre au fond), transcender son propos pour essayer de marquer. Ces mêmes gens (pour la plupart) adulent Game of Thrones, série ambitieuse par excellence, même de mon point de vue de non-fan. La narration participe à cette ambition, on passe par 3 époques, on fait des sauts de 7 ans en un épisode avec une fluidité de dingue. Certains diront que ça n’a rien d’exceptionnel, mais évoluer sur deux voire trois time-lines en même temps est un exploit.

Beaucoup ont comparé True Detective à Breaking Bad, dans son côté parfois absurde (la fin de l’épisode 3) ou dans sa gestion de son grand méchant. Énormément de rapprochements ont été faits entre le Yellow King et Heisenberg, ce qui est à mon sens, une erreur. Si les deux marquent autant, ils ne sont pas pour autant la même figure de personnage. Heisenberg (Walter White) est le personnage principal de Breaking Bad, on le suit et on le voit devenir, qui il est, et s’affirmer au cours des saisons. Le Yellow King est plus une entité, une figure démoniaque (l’utilisation de nombreux symboles religieux dans la série me conforte dans mon utilisation de ce mot), un fantôme, une obsession. C’est (pour moi) clairement un personnage principal, tant son nom est répété, et tant il est le leitmotiv des enquêteurs, mais ce n’est pas un personnage de chair et d’os avant la fin de la série.

On m’a souvent demandé conseil sur la manière de regarder True Detective. Visionnage en mode défonce, les 7 heures de la série d’un coup ou visionnage sur plusieurs jours? Pour avoir essayé les deux techniques, je dois dire qu’elles ont chacun un intérêt. Regarder tous les épisodes à la suite, c’est faire l’expérience de l’enfer, s’enfoncer petit à petit et inexorablement dans la crasse de ce monde, jusqu’à un climax parfait (et je pèse ce mot) dans le dernier épisode. C’est une expérience télévisuelle unique, sachant que True Detective est une série d’anthologie et que son intrigue est close, la saison 2 se situera autre part, sans lien avec la précédente. La regarder sur plusieurs jours, c’est autre chose, une expérience plus posée, avec des respirations et une sensation d’oppression moins présente. Prendre son temps c’est également se permettre de réfléchir, d’établir des hypothèses après chaque épisode, un jeu avec nous-mêmes en quelque sorte afin de constater, avec une vision d’ensemble plus large, vers quoi l’intrigue nous amène. C’est une expérience plus classique, mais tout aussi passionnante. Sachant que la série use peu de cliffhangers, la regarder en plusieurs fois ne procure pas autant d’arrêts cardiaques que 24 Heures Chrono par exemple.

Un mot sur une autre grande qualité du show : le visuel. Je n’ai probablement jamais vu une série aussi bien filmée, et j’en ai vu beaucoup. On pourra reprocher le découpage un peu plan-plan et répétitif des scènes en voiture, dont l’intérêt réside dans les performances des acteurs et l’écriture des dialogues, mais c’est tout. Je ne vais pas vous gâcher la surprise de la fin de l’épisode 4 (je ne vous en dis pas plus), mais il décroche la mâchoire. Globalement, c’est bien filmé, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de dragons que ce n’est pas fou. Cadrages recherchés et inventif, souvent plein de sens, renforçant le propos sans le surligner, découpage fantastique, une photographie à tomber par terre, des plans du sud de la Louisiane renversant, le visuel de True Detective est ultra recherché. Ce qui me fait vraiment très plaisir, l’aspect visuel étant pour moi LE point à ne pas louper. Dotez-vous du meilleur scénario du monde, si vous le filmez et le montez avec les pieds, ça n’intéressera personne. Le scénario de True Detective étant un diamant (un dieu au milieu des insectes pour placer une référence), et son visuel tout aussi puissant, on n’a pas grand-chose à reprocher à la série.

Ce qui fait peur maintenant, c’est l’après. Aucun acteur n’étant encore officialisé, et plusieurs réalisateurs annoncés (là où Cary Joji Fukunaga s’est occupé seul de toute la saison 1), je me demande si la saison 2 va pouvoir faire aussi fort que la première sur tous ces points. Ajoutons à ça l’exhaustivité thématique assez impressionnante de la première saison, et on peut avoir peur que l’exploit ne soit pas réitérer. On sera bien content déjà d’avoir une bonne saison, mais après avoir vu un chef-d’œuvre, la barre de nos attentes est haute.

Si j’ai pu faire légèrement changer d’avis, ou reconsidérer par certains la série True Detective, je suis l’homme le plus heureux du monde. Sinon vous connaissez désormais mon avis sur ce bijou télévisuel, ce voyage au bout de l’enfer, au cœur d’une humanité flirtant avec la folie, au dialogue final déchirant, après lequel on a envie de tout se revoir sans plus attendre.

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2 Commentaires

  1. Clémentine 2015-06-23

    Bonjour,
    Petite question, vous parlez de Dominic Monaghan, mais il ne joue pas dans cette série non..?

    • PaulR 2015-06-24 — Auteur d'un article

      Bonjour, erratum en effet ce n’est pas Dominic Monaghan mais Michelle qui joue dans la série! Merci de me l’avoir signalé, comme quoi même plusieurs relectures ce n’est pas toujours suffisant 😉

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