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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Chien de Garde réalisé par Sophie Dupuis [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « Vivant dans un appartement exigu avec sa copine, sa mère et son frère Vincent, JP se sent oppressé par toutes le responsabilités qui pèsent sur lui. Entre être présent pour sa mère Joe, être un petit ami dévoué, travailler comme collecteur dans le quartier, rester actif dans le cartel de drogue de son oncle, JP doit avant tout s’occuper de son frère, un être impulsif, instable et agressif. Bien qu’il aime profondément son frère, JP ne sait pas combien de temps et combien d’ennuis il pourra encore endurer pour Vincent. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

S’il nous a dernièrement laissé de marbre avec le dernier film en date réalisé par Bernard Emond, Pour Vivre Ici, le cinéma québécois ne se repose pas et nous revient à peine deux semaines plus tard avec un premier film. Premier film qui a piqué notre curiosité, comme toute première réalisation qui se respecte. Le premier passage derrière la caméra est un moment important, car si majoritairement les films possèdent tout autant de qualités que de défauts, ils sont formateurs et donnent une tonalité qui devrait résonner au sein des productions qui pourraient suivre. Si elle a déjà fait ses preuves au travers de quatre courts-métrages de fiction et d’un documentaire, Chien de Garde signe pour Sophie Dupuis son passage au long-métrage. Un format différent de ce qu’elle a pratiqué jusqu’ici, mais qui ne lui a pas fait perdre sa ferveur et son amour pour ses personnages.

Présenté en clôture du festival montréalais, les Rendez-vous Québec Cinéma, Sophie Dupuis annonçait la couleur en introduction du film déclarant aimer passionnément les deux personnages principaux de son film. Des personnages qu’elle a écrit, développés et auxquels elle s’est attaché durant la pré-production, la production… On sentait dans sa voix et au travers des mots employés une sincérité et émotivité envers ces mêmes personnages. Émotions sincères puisque transmises avec intensité aux spectateurs par le biais du long-métrage. Il est souvent dit, qu’un film émotionnellement fort, humain et authentique ne peut être créé que s’il y a cette même authenticité et communion entre les membres qui composent l’équipe du film. Une communion et sincérité humaine communicative qui transparaît à l’image. Si Chien de Garde est un film dont le qualificatif premier serait intense, c’est en partie grâce à cette cohésion entre les membres de l’équipe. Sophie Dupuis a su capter par la mise en scène de simples, mais nécessaires à l’histoire, moments de vies qui donnent immédiatement un ton au film. Capter quelque chose qui n’est pas physiquement présent à l’image et bien de l’ordre de l’invisible. Quelque chose d’aussi fort, voire plus fort pour le spectateur et l’acteur-rice, qui va permettre à tout à chacun de s’attacher aux personnages, et ce, malgré des caractères disparates.

Véritable film de personnages, Chien de Garde n’est pas un long métrage reposant sur un scénario qui a un début et une fin. Vincent, JP et tous les autres personnages vivent en dehors du cadre délimité par la focale de la caméra. Ils ont une vie déjà établie et perdureront dans le temps au-delà de la frontière établie par ce qui est montré à l’image. Dès son premier plan, Sophie Dupuis met le spectateur face à deux personnages qui agissent, ont du caractère et un vécu. La metteuse en scène filme ce qui serait le moment de vie, la passade qui va faire basculer la vie de chacun des membres de cette famille agitée. Des personnages que le spectateur va apprendre à connaître et auquel il va s’attacher, découvrant leurs forces, leurs faiblesses et leurs failles respectives. Ils sont tous et toutes aussi humains que celui ou celle qui regarde le film. Filmé majoritairement en caméra portée, Sophie Dupuis (réalisatrice) et Mathieu Laverdière (chef opérateur) donnent aux spectateurs-ices la sensation d’être avec les personnages et de les suivre dans leur quotidien, aussi bien au travail qu’à la maison. Les cadres sont serrés sur les personnages (les décors étroits et essentiellement en intérieurs), la caméra suit l’action tant bien que mal, ce qui est un mal pour un bien développant la sensation d’immersion et faisant grandir l’impression de vie en dehors du cadre, l’impression que ce sont bien plus que de simples personnages.

Accablée par la peur, le doute et l’interrogation tour après tour, cette famille dont le milieu de vie tend vers le misérabilisme possède en son sein un lien fraternel qu’ils vont devoir réduire afin de ne pas mourir. Chien de Garde est un film intense, un drame d’une puissance inouïe grâce à une palette de personnages (cinq au total) aux caractères diversifiés, mais jamais effacés. Des personnages remarquablement écrits, qui ont du vécu, des failles et traumatismes qui leur donnent du corps et une richesse émotionnelle incroyable au film. Remarquablement écrit, Sophie Dupuis ne cherche pas à justifier ou à développer chaque élément utilisé pour caractériser ses personnages ou faire avancer le récit, mais laisse jouer le hors champ donnant l’impression au film de n’être que la captation par la vidéo d’une séquence de la vie des membres de cette famille. C’est fort, ponctué par quelques défauts (cadrage pas toujours optimal, photographie qui pousse un peu trop le naturalisme par moments, quelques légers ventres mous…), mais sur lesquels on ne se focalise pas, préférant penser avant tout à ces personnages, incarnés avec force, fougue, tendresse et fragilité par Théodore Pellerin, Jean-Simon Leduc et Maude Guérin qui portent bras tendu une première réalisation impressionnante.

« Un film intense, un drame d’une puissance inouïe grâce à une palette de personnages (cinq au total) aux caractères diversifiés, mais jamais effacés. »


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