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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Beautiful Boy réalisé par Félix van Groeningen [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : « Pour David Sheff, la vie de son fils, Nicolas, un jeune homme billant, sportif, à l’esprit vif et cultivé, était déjà toute tracée : à ses 18 ans, Nic était promis à une prestigieuse carrière universitaire.
Mais le monde de David s’effondre lorsqu’il réalise que Nic a commencé à toucher à la drogue en secret dès ses 12 ans. De consommateur occasionnel, Nic est devenu accro à la méthamphétamine et plus rien ne semble possible pour le sortir de sa dépendance.
Réalisant que son fils et devenu avec le temps un parfait étranger, David décide de tout faire pour le sauver. Se confrontant à ses propres limites mais aussi celles de sa famille. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Il en a fait du chemin le réalisateur originaire de la Belgique. Quel beau parcours pour celui que l’on a découvert avec le long-métrage La Merditude des Choses avant de s’affirmer avec le somptueux The Broken Circle Breakdown aussi nommé Alabama Monroe. Pour la première fois, Félix van Groeningen sort de sa Belgique natale. Il signe en 2018 sa première production américaine intitulée Beautiful Boy. Un titre qui veut tout dire, un titre à l’image du cinéma qui aime et que l’on aime lorsqu’il est signé Félix van Groeningen. Que ce soit dans La Merditude des Choses, Alabama Monroe ou encore Belgica, le point d’orgue du cinéaste résidait en la création d’une cohésion entre les différents personnages principaux. Il n’y a pas une tête d’affiche dans le cinéma du réalisateur belge, il y a un groupe de personnages. Qu’ils soient en couple, amis ou de la même famille, cet attrait pour l’amour sous toutes ses formes est quelque chose qui a donné naissance à un cinéaste à part entière et à une filmographie extrêmement intéressante. Il trouve en la question de l’amour, une richesse foisonnante qui lui permet de créer des personnages et des histoires au travers desquels il puisse s’exprimer en tant que metteur en scène. Est-ce une nouvelle fois le cas ? Beautiful Boy est-il aussi beau et bouleversant que les premiers retours nous le disaient, suite à sa projection au Toronto International Film Festival ?

Beautiful Boy raconte l’histoire d’amour entre un père et son jeune fils de 18 ans. L’amour d’un père qui a toujours cherché à être le plus attentif pour un fils tombé dès le plus jeune âge dans l’enfer de la drogue. Une fois n’est pas coutume, le cinéaste flamand explore les abysses d’un amour aussi profond et puissant que dévastateur. Au-delà de la simplicité des rudiments de son histoire, Beautiful Boy est un film qui va explorer et décrypter cet amour dans les moindres détails. Félix van Groeningen ne s’accommode pas des détails. Il va donner un peu de consistance à ses personnages lors de très courtes séquences où on les verra étudier ou au travail. Des plans ou courtes séquences qui ne sont là que pour enrichir les personnages et permettre de relâcher la tension. Elles sont courtes et anodines, mais finalement essentielles, car sans elles le film ne serait qu’une accumulation des moments qui ont défini la relation entre David (le père interprété par Steve Carrel) et Nicolas (le fils interprété par Timothée Chalamet). Reposant sur une structure narrative qui va brasser 10 ans d’une vie, le scénario va jongler entre les époques afin de mieux faire comprendre aux spectateurs les tenants et aboutissants de cette relation. Créer une complicité, montrer comment et quand le fils a sombré dans la drogue, tout en optant pour un point de vue bien spécifique. Celui du père. S’il l’un des deux n’est à l’image pas plus importante que l’autre, c’est fondamentalement le père, les émotions et réactions réalisées par ce dernier qui vont dicter le ton du moment. C’est son ressenti qui va influer sur le ressenti du spectateur et non celui du fils. Dans Beautiful Boy c’est celui qui dicte les mots qui va bouleverser et non celui qui les reçoit.

Félix van Groeningen soigne son film, lui inculque une douceur véritable. Une mise en scène au cordeau avec des déplacements toujours à la limite de la nonchalance. Un cadrage qui ne cherche l’oppression qu’à de rares moments et va avant tout chercher à aérer les plans, inculquer du souffle et une ouverture par de grands espaces ouverts (intérieurs comme extérieurs). Un éclairage tamisé, encore et toujours extrêmement doux en corrélation avec le boisé du décor principal qu’est la maison du père. Et une recherche des silences, de longs et beaux silences qui disent énormément. Beautiful Boy est un film d’une élégance et d’une douceur incroyable, à l’image de l’amour que porte ce père à son fils. Une atmosphère crée par une maîtrise et un travail pointilleux côté technique (notamment la mise en scène et disposition des éclairages afin d’avoir quelque chose de tamisé, lumineux ou contrasté). C’est visuellement un véritable régal, une douceur tendre et touchante, mais c’est cette même superbe maîtrise qui va amputer le film. Une maîtrise formelle qui va l’enfermer dans un carcan et ne jamais perdre à l’émotion d’être encore plus forte. C’est beau, c’est touchant grâce à cette mise en scène au cordeau qui ne sombre à aucun moment dans le pathos ou le larmoyant, mais à aucun moment bouleversant ou viscéral. Jamais le film n’atteint le sommet d’un drame qui vous prend aux tripes et vous retourne intérieurement tel que Alabama Monroe avait pu le faire. Il lui manque cette rage, ce feu intérieur parce que c’est avant tout un film bienveillant qui conte l’histoire d’une belle personne.

Interprété par Steve Carell, c’est le père du père qui va inculquer cette douceur au film dans sa globalité. Un père ordinaire, qui veut le meilleur pour son fils. Un Steve Carell d’une justesse royale sur chacun des plans et dont l’écriture est absolument prodigieuse. Les choix opérés par le personnage sont aussi beaux, que forts et nécessaires afin de donner au personnage une force intérieure extraordinaire afin de démontrer l’amour qu’il porte pour son enfant. Mais pas uniquement. Un acteur absolument incroyable, qui rôle après rôle, dévoile une capacité à faire rire, attendrir et émouvoir avec une justesse exemplaire. Si Beautiful Boy est un beau film, c’est grâce à son metteur en scène et à ses techniciens, mais en grande partie grâce à Steve Carell. Beautiful Boy n’est donc pas la pépite du cinéma indépendant américain tel qu’on aurait pu l’imaginer. Il lui manque cette étincelle, ici recouverte par une maîtrise formelle finalement beaucoup trop propre, à laquelle il manque une certaine rage. Un beau film, aussi bien visuellement qu’émotionnellement, dont on retiendra le travail du directeur de la photographie Ruben Impens et du département électrique (ainsi que de la direction artistique), ainsi que la prestation magistrale de Steve Carell.

My Beautiful Boy, au cinéma dès le 06 février 2019 en France

« S’il manque cette rage pour en faire un film bouleversant, elle en demeure une belle oeuvre tant formellement que de par les interprétations de Steve Carell et Timothée Chalamet »



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