CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Bad Boys For Life, respect et modernité au service d’une suite de rêve


Synopsis : « Les Bad Boys Mike Lowrey et Marcus Burnett se retrouvent pour résoudre une ultime affaire. »


Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Nous sommes le 7 avril 1995 et sort sur les écrans de cinéma américain un buddy movie, le bien nommé Bad Boys. 19 millions de dollars de budget, Michael Bay à la réalisation et un certain Jerry Bruckheimer à la production. Producteur de légende, s’il y a bien un nom qui représente le cinéma d’action américain entre 1980 et le début des années 2000 : c’est lui. De Michael Mann à Michael Bay, en passant par les plus beaux Tony Scott, mais également Gore Verbinski et sa trilogie Pirates des Caraïbes, ainsi que quelques Ridley Scott pour ne citer qu’eux, Jerry Bruckheimer a bercé bon nombre de cinéphiles qui aujourd’hui savent apprécier un film d’action sans le dénigrer, car il serait « un genre qui ne jurerait uniquement que par la mise en scène de fusillades et d’explosions ». Heureusement que non, le cinéma d’action ne se résume pas qu’à ça. Ce n’est pas qu’une bête accumulation de séquences explosives, de combats à mains nues et de fusillades toutes plus impressionnantes les unes que les autres.

Si une saga comme John Wick est aujourd’hui reconnue à juste titre, c’est pour cette même raison. Pour que le plaisir soit présent, il faut que l’action soit au service d’une histoire. Une histoire qui a du sens, sans pour autant se vouloir novatrice ou révolutionnaire. Une histoire qui va suivre un fil logique, dicté par la création d’un univers cinématographique qui va lui-même être dicté par la couleur des personnages principaux. Il faut de bons personnages. Des personnages qui ont du caractère, qui ont quelque chose à raconter et qui, dans l’esprit du spectateur, vont pouvoir être collés à une image. La grande gueule, la gâchette facile, le père de famille, le marrant… Une simple caractéristique, un stéréotype pourrait-on même dire grossièrement, avec laquelle le scénario va jouer afin de rendre ce même personnage empathique, voire sympathique. Créer un attachement, une sympathie, dans le but de rendre l’action plus intense et stressante pour un spectateur qui se sera fondamentalement attaché à ces personnages. Cette recette est celle sur laquelle repose la création d’un genre : le buddy movie.

Deux personnages que tout oppose, vont se retrouver à travailler l’un avec l’autre par défaut, mais vont devenir de plus en plus proche au point de former une famille. Ils se complètent et vont créer des situations alambiquées (donc à tendance humoristique ce qui va faciliter le rapprochement entre les personnages et le spectateur, le rire étant un vecteur communicatif) grâce à ces mêmes différences. Puis il y a des cinéastes comme Michael Bay qui ne se contentent pas de mettre en image les quelques lignes écrites sur papier. Bay use de la mise en scène et d’un sens de la stylisation par le cadre, afin de caractériser et d’héroïser ses personnages. Que l’histoire contée repose sur un enchevêtrement de clichés, importe fondamentalement peu pour lui. Bay est LE cinéaste de la démesure qui n’a honte de rien, bien au contraire. Il assume les clichés, joue avec le kitch et abuse d’effets pour styliser la moindre des situations au point de créer un divertissement qui a conscience de ce qu’il est. De la pure démesure décomplexée et assumée, au point qu’elle en devient jubilatoire.

Telle est la recette d’un film comme Bad Boys 2. Là où Bad Boys premier du nom était à sa manière, une comédie d’action bien plus terre-à-terre et qui s’appesantait sur la création d’un style pour chacun des deux personnages principaux, ainsi que de l’univers dans lequel ils évoluent. Caractérisations qu’a explosées Michael Bay dans un second film « over the top », mais jubilatoire et d’une maîtrise technique aujourd’hui encore difficilement égalable. Il faut ne rien avoir à perdre pour récupérer le flambeau sans pression, c’est ce qu’on fait Adil El Arbi et Bilall Fallah. De la Belgique à Toronto où leur premier long-métrage Gangsta, fût présenté en première internationale au TIFF (festival de Toronto), festival où tout se passe, où des films peuvent voir leur carrière détruites avant même de débuter (Ma Vie avec John F. Donovan ou encore Lucy in the Sky dernièrement pour ne citer qu’eux), mais également où de jeunes cinéastes peuvent être remarqués, notamment par un certain Jerry Bruckheimer. Impressionné par leur première relation, il décide de les rencontrer aux côtés de la tête d’affiche Will Smith pour leur parler d’un certain Bad Boys 3. On en a vu des jeunes cinéastes qui se disaient fans, qui ont voulu se frotter à une licence qui a marqué leur enfance et/ou adolescence, mais qui se sont plantés sous le poids de cette même licence.

Du haut de leurs 31 et 33 ans, respectivement, Adil El Arbi et Bilall Fallah possèdent ce grain de folie, cette intelligence, cette insouciance et surtout la dose de talent dont avait besoin une licence telle que Bad Boys. Une fougue et une énergie mises au service d’une licence dont ils ont compris les codes et dont ils respectent les personnages, ainsi que le cinéaste qui les as précédemment mis en scène. Derrière la fausse bonne idée d’un troisième épisode, se cache finalement la suite inespérée. Une suite qui renoue finalement avec le cinéma d’action des années 90 et les meilleures productions Jerry Brukheimer. Ce cinéma qui met l’action au service d’une histoire et non l’histoire au service de l’action comme simple prétexte. Chris BremnerPeter Craig et Joe Carnahan signent, pour ce Bad Boys For Life, un scénario aussi malin que fondamentalement classique. Si classique dans sa structure narrative et dans sa manière d’amener les situations qu’il est d’un respect incroyable vis-à-vis de la caractérisation des personnages créés par George Gallo pour Bad Boys premier du nom. Ce film n’est pas non plus une redite du deuxième opus, mais il prolonge l’état d’esprit des personnages afin d’amener leurs pensées et envies vers quelque chose de nouveau.

Si le second film faisait l’emphase sur Marcus Burnett et son envie de prendre sa retraite, c’est ici Mike Lowrey qui est au centre de l’intrigue. Un personnage tourmenté, interprété par Will Smith, qui va devoir affronter l’image qu’il s’est créée et donc se remettre en question. Michael Lowery face à Mike la gâchette. Une idée scénaristique peu révolutionnaire, mais qui prend tout son sens dans le cadre d’une licence qui se voit renaître 17 ans après le précédent film. Une double lecture évidente, mais extrêmement touchante pour celui ou celle qui aura découvert et se sera pris d’affection pour ces mauvais garçons il y a 25 ou 17 ans. Bad Boys For Life est un de ces films d’action qui nous surprennent grâce à un scénario finement élaboré, malin dans sa manière de jouer avec les envies des fans. Avancer, nous en dévoiler encore plus sur ces personnages que l’on aime et plonger dans quelque chose de plus dramatique et intense, sans pour autant laisser pour compte cet esprit cool et décomplexé, essence même de la licence Bad Boys. Si les scénaristes ont su trouver l’angle parfait afin de développer ce qui avait été mis en place dans les premiers films, les réalisateurs ont de leur côté, su à merveille, lier modernité et nostalgie.

Adil et Bilall citent à de nombreuses reprise les plans iconiques des premiers films, s’approprient ce style si particulier mis en place par Michael Bay et son équipe, sans jamais le singer. Une colorimétrie pop et vive avec un ciel de Miami à la prédominance bleu ou orange. Un cadrage qui cherche à styliser chacune des situations (action, émotion…) et une forte utilisation d’effets de style (ralentis, montage qui se veut un peu plus frénétique…) afin de jouer avec le too much qui fait partie de l’âme d’une licence comme Bad Boys. Si la mise en scène se veut extrêmement percutante et réactive à l’image de la répartie jubilatoire dont font toujours preuve les personnages, la réalisation se veut bien plus sage. Chercher l’épure, chercher la lisibilité d’action et le plaisir de l’intensité trouvée dans une belle chorégraphie et non un découpage sec et intense, même si superbement maîtrisé. N’est pas Michael Bay qui veut et les réalisateurs belges l’ont bien saisi. Honorer son travail, l’univers et les personnages développés par son style visuel (toujours héroïser ou chercher le ressort comique par la mise en scène et le cadrage), mais à leur manière. Une réalisation superbe, qui ne tombe jamais dans la frénésie du sur-découpage par l’angle de trop. Les angles sont justifiés par la mise en scène et la volonté d’avoir une action lisible et limpide en toutes circonstances. Un réel coup de génie pour deux jeunes cinéastes qui n’avaient jusque-là, pas eu dans les mains d’aussi grandes responsabilités.

Si on avait tout pour s’attendre à une suite mise en production pour réaliser un bon score au box-office et surfer sur la vague non créative propre au business hollywoodien moderne, Bad Boys For Life nous a littéralement bluffé. Suite logique dans son déroulé narratif et émotionnel, dont le scénario exploite avec un respect incroyable ces personnages qui collent à la peau de leurs acteurs respectifs : Will SmithMartin Lawrence et Joe Pantoliano semblent ne jamais avoir quitté les costumes de leurs personnages. Ils sont bons, convaincants, communicatifs dans leurs émotions (tant sur le plan dramatique que dans l’humour), car ils paraissent sincères. Une sincérité et un respect que l’on retrouve dans la manière dont les jeunes prodiges Adil El Arbi et Bilal Fallah filment ces personnages. Les réalisateurs cherchent juste à amplifier ce qu’ils ressentent au moment en question et, ne cherchent à aucun moment à les tourner en ridicule ou à proposer un film fade et insipide. Et cette conclusion vaut également pour les personnages secondaires. Sans doute sont-ils de simples faire-valoir, mais jamais ils ne sont surexploités ou tournés en dérision pour créer des ressorts comiques lourds et inutiles. Une mise en scène percutante, une direction de la photographie absolument superbe et une stylisation de chaque instant que ne renierait aucunement Michael BayBad Boys For Life est LA grande et très belle surprise de ce début d’année 2020. Un film d’action aussi spectaculaire que jubilatoire qui met son action au service d’une histoire bien écrite et de personnages dont les liens n’auront jamais été aussi soudés.


« D’une réalisation stylisée que généreuse à une mise en scène percutante en passant par un scénario malin et respectueux de la licence, Bad Boys For Life est un vibrant coup de cœur. »

Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.

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