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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

Au Poste ! réalisé par Quentin Dupieux [Sortie de Séance Cinéma]

Synopsis : “Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect.”

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Après Réalité, le cinéaste Quentin Dupieux revient en France suite à une longue période aux États-Unis durant laquelle le réalisateur a su se forger une véritable patte d’auteur, avec une esthétique reconnaissable de loin par son art de l’absurdité. Quentin Dupieux affirme de lui-même avoir voulu avec Au Poste ! revenir à un cinéma dans sa langue maternelle, un constat qu’il fait suite à sa collaboration avec Alain Chabat et Jonathan Lambert sur son précédent film Réalité. Nous connaissions les situations absurdes que le cinéaste met en scène avec une grande virtuosité dans le quotidien banal de la Californie, décor de ses films tournés en anglais (Rubber, Wrong, Wrong Cops, Réalité). On pouvait craindre que l’art de l’absurdité chère au cinéma de Dupieux ne prenne pas dans le paysage de la comédie française, que l’écart soit trop grand entre les deux langues et l’humour noir du cinéaste. Et il n’en est rien. Quentin Dupieux n’a pas perdu de sa superbe pour crée un comique de l’absurdité au sein de la langue française. Bien au contraire, on ressent le plaisir du cinéaste de vouloir s’épanouir dans la langue de Molière. L’absurdité des situations se retrouve ici dans le dialogue, dans les expressions d’un jargon appartenant au cinéma français et au genre du polar français qui connu sa gloire dans les années 1970.

« En bref, le nouveau film de Quentin Dupieux est brillant, comme toujours. »


Au Poste ! se présente comme un huis-clos de 1h13, se déroulant sous la forme d’un interrogatoire parsemé de flashbacks qui rappellent les séquences de rêves du précédent film écrits et réalisés par Quentin Dupieux, Réalité, où les différents pans de réalité se superposaient les uns aux autres jusqu’à perdre le spectateur qui ne différenciait plus le réel du rêve. Le cinéaste revient à un récit parfaitement huilé, plus écrit, où les va-et-vient entre le passé et le présent au sein du récit sont ficelés de manières retorses et mécaniques, à l’image du récit du suspect. Il est presque question d’un récit dans le récit, où le personnage de Fugain (interprété par Grégoire Ludig) semble avoir conscience par moment d’être dans un film, commentant les flash-backs comme des images de cinéma. Comme dans Réalité, il est question d’un rapport « métaphysique » au cinéma. On pourrait reprocher pourtant au nouveau film du réalisateur de ne pas aller aussi loin que son prédécesseur dans les strates de réalité mais il semble que cela soit dans les intentions de Quentin Dupieux.

Revenir à un cinéma plus simple, aux effets plus minimalistes, où les seuls moments où le cinéaste s’autorise des fulgurances de pure folie sont dans ces souvenirs où les personnages du présent interagissent avec le suspect, Fugain dans son propre souvenir, où l’on retrouve les obsessions de son cinéaste pour ses horloges et ses réveils où les aiguilles tournent sans arrêt dans les souvenirs. On retrouve dans les performances de Benoit Poelvoorde et Grégoire Ludig, la même folie qui habite les personnages du cinéma de Dupieux, à l’image des personnages d’Éric Judor et Alain Chabat. Des personnages pris au milieu de situations plus absurdes les unes que les autres dont l’art du comique fonctionne sur la banalité du quotidien. Le commissaire Buron (interprété par Benoit Poelvoorde) fume une cigarette et voit de la fumée sortir de son corps, chose qui semble tout à fait normal dans l’univers du cinéaste. Un autre membre du commissariat n’a qu’un seul œil, le deuxième étant littéralement flouté. L’humour du cinéaste français fonctionne depuis toujours sur un ressort littéral de la comédie, que ce soit dans les mots ou dans l’absurdité des situations. Et pourtant, même si Au Poste ! semble par moment beaucoup moins fou et à fond dans l’absurdité et l’irréel comme l’est Réalité, le dispositif du nouveau film du cinéaste semble avoir été créé pour y accueillir l’art de son savoir-faire. Le twist final ne manque pas de nous questionner sur la barrière entre ce qui réel et ce qui ne l’est pas au sein de cet interrogatoire.

Si ce retour aux sources pour le cinéaste Quentin Dupieux a beau paraître plus simple et minimaliste que ses précédentes œuvres, Au Poste ! n’en demeure pas moins une comédie noire brillante. Elle ne fait que confirmer une nouvelle fois la maîtrise indéniable de son auteur, à défaut de ne peut-être pas atteindre la virtuosité de son précédent film, Réalité. En bref, le nouveau film de Quentin Dupieux est brillant, comme toujours.


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