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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

At Eternity’s Gate, Willem Dafoe plonge dans le monde de Vincent van Gogh

Synopsis : Un voyage dans l’esprit et l’univers d’un homme qui, malgré le scepticisme, le ridicule et la maladie, a créé l’une des œuvres les plus incroyables et admirées au monde. Sans être une biographie officielle, le film s’inspire des lettres de Vincent van Gogh, d’événements de sa vie, de rumeurs et de moments réels ou purement imaginaires. 


En cinéma on parle souvent des auteurs, notamment en France par le biais de la fameuse politique des auteurs. S’il y a quelques années l’auteur, le seul et l’unique d’une œuvre cinématographique était son scénariste, ce terme est aujourd’hui représentatif du réalisateur de l’œuvre. L’auteur d’un film est aujourd’hui devenu son réalisateur, et non pas son scénariste. Un changement majeur, qui a drastiquement accentué la démarcation entre un film dit populaire et un film dit d’auteur. Les deux n’étant pas incompatibles, mais si l’on souhaite catégoriser les choses, il en résulte cette réponse finale. Avoir un véritable auteur en guise de réalisateur, un réalisateur doté d’une vision qu’il inculquera à son œuvre, faisant de cette dernière un objet cinématographique unique en son genre. S’il n’est néanmoins pas toujours facile de retrouver la patte d’un véritable auteur derrière un succès populaire à cause de différentes raisons (projet très ambitieux, le budget prend le pas sur la patte artistique…), il y a des œuvres impopulaires qui dès la première frame de l’œuvre, claque une réelle envie de se démarquer par une envie de créer. Parmi elles, on retrouve At Eternity’s Gate.

Paru le 09 décembre 2018 dans quelques salles canadiennes, dont une dans la ville de Montréal, At Eternity’s Gate est arrivé dans cette période où les œuvres indépendantes américaines et anglaises se sont marchés sur les pieds. The Favourite, A Private War, If Beale Street Could Talk, Mary Queen of Scots et donc At Eternity’s Gate. Un florilège d’œuvres toutes plus intéressantes les unes que les autres, grâce à un sens de la créativité toujours extrêmement pertinent en fonction de l’histoire racontée, qui ont su trouver leurs publics lors de leurs sorties limitées respectives, avant de sombrer lors de leurs sorties nationales. Aucuns véritables succès, mais de beaux succès d’estime pour des œuvres qui se sont montrées consécutivement durant les mois de novembre et décembre 2018. Noël et les vacances approchant, le cinéma populaire a rapidement pris le dessus, poussant les films en question vers des salles plus intimes, moins fréquentées, avant de disparaître définitivement. Néanmoins restent de véritables succès d’estime pour des films qui méritent le visionnement que ce soit en salles ou en streaming. Voir une plateforme de diffusion comme Netflix s’approprier la sortie française du film At Eternity’s Gate a quelque chose de pertinent dans le prolongement du message porté par son réalisateur Julien Schnabel au travers de son long-métrage : faire pérenniser le talent et les œuvres de Vincent van Gogh tout en se servant de techniques modernes.

Artiste contemporain américain qui a étudié aux Beaux-Arts de Houston avant d’être exposé dans les plus grands musées d’art au monde (Metropolitan Museum of Art de New York, Tate Gallery de Londres, Centre George Pompidou de Paris…), Julian Schnabel ne fait pas les choses à moitié lorsqu’il a pour envie de porter à l’image la vie d’un des peintres les plus connus au monde. Voir un artiste contemporain faire du cinéma et mettre en image la vie d’un artiste qu’il estime grandement, c’est voir un artiste essayer de faire prospérer dans le temps l’image et le talent d’un artiste, tout en tentant de faire évoluer son propre médium. Rendre le plus bel hommage au talentueux Vincent van Gogh sans pour autant effacer ses tourments et moments de pure folie. C’est cette folie qui a rongé l’artiste peintre qui va le conduire à réaliser ses plus belles œuvres. Une folie nécessaire à l’histoire et ici montrée avec bienveillance et justesse de la part du réalisateur. Ou comment faire de la folie, une non-compréhension et déduction logique, un rejet de la part des autres. Julian Schnabel nous dévoile un Vincent van Gogh apeuré, car rejeté et incompris. Un artiste dont le mal-être provient simplement du regard des autres. Un regard pouvant être tout aussi positif (galvanisant) que négatif (destructeur). C’est beau, bienveillant, toujours positif et jamais moralisateur envers son protagoniste. Avec subtilité et simplement par le prisme des personnages, Julian Schnabel réalise un film sur l’art. Un film sur la création d’une œuvre d’art, ainsi que sur la compréhension ou le rejet de cette dernière par le biais du regard des autres.

Et quel bel hommage que d’utiliser l’envie de réaliser un biopic sur la vie Vincent van Gogh, afin de ne pas mettre en images un biopic conventionnel. Armé de son opérateur steady-cam, Julian Schnabel filme une période révolue de l’histoire de la manière la plus moderne qui soit. La caméra bouge, virevolte et va de visage en visage, tourne sans cesse autour des personnages, s’approche puis se recule des personnages mettant en place diverses échelles de plans, ainsi que des champs et contre champ sans avoir recourt à des coupes. C’est virevoltant et tout aussi visuellement prodigieux qu’ingénieux comme manière de mettre en image l’histoire. Ne pas s’appuyer sur les conventions, mais créer quelque chose de neuf, imposer une nouvelle vision à l’image de ce que Vincent van Gogh a tenté de faire avec sa peinture en son temps. S’il n’a pas connu le succès de son vivant, il l’a été avec le temps, devenant un artiste à part avec une réelle vision. En bon artiste contemporain, Julian Schnabel fait preuve de mimétisme et reproduit cela, dévoilant une œuvre qui sur le plan technique peut décontenancer, mais s’avère être d’une créativité et d’une audace cinématographique complètement folle. Au-delà de ce mouvement continuel, Benoît Delhomme (directeur de la photographie) réussit à capter ses moments où la nature est indescriptible. Ces moments où chaque couleur devient éclatante et la nature saisissante de beauté, telle que les toiles de l’artiste le démontraient. Ce bleu, ce jaune, cet orange… le travail est somptueux et l’œuvre n’en est que plus belle tant dans l’hommage rendu à l’artiste que pour elle-même.


« Un véritable objet d’art qui s’approprie les possibilités offertes par le cinéma afin de dévoiler au monde la folie artistique et psychologique d’un artiste pas comme les autres. Magistral Willem Dafoe. »


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