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A Perfect Day (Critique | 2016) réalisé par Fernando León de Aranoa

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Synopsis : « Un groupe d’humanitaires est en mission dans une zone en guerre : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider ; Mambru, désabusé, veut juste rentrer chez lui ; Katya, voulait Mambru ; Damir veut que le conflit se termine ; et B ne sait pas ce qu’il veut. »

Depuis la sortie de son chef d’œuvre, Les Lundis du Soleil (porté par l’excellent Javier Bardem), Fernando León de Aranoa s’est imposé comme l’une des valeurs sures du cinéma espagnol. Auteur populaire et grand public, le metteur en scène ibérique ne cesse de se faire remarquer aux festivals internationaux à la sortie de chacune de ses nouvelles productions. Cette année n’aura donc pas dérogé à la règle. Avec la sortie de son dernier film, A Perfect Day, repéré à Cannes le mois de mai dernier, Aranoa réunit une pléthore d’acteurs internationaux (Benicio del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry, Olga Kurylenko ou encore Sergi Lopez) pour surprendre à nouveau. Conçu comme une ode au travail humanitaire des ONG, son dernier film a en effet de quoi interloquer. Évacuant le caractère particulier du conflit traité (la guerre de Bosnie), il se concentre sur le métier d’humanitaire au sens strict en optant pour un choix de ton décalé. Assez proche du Nashville de Robert Altman (le réjouissant farceur du Nouvel Hollywood), A Perfect Day livre un discours émouvant sur le surréalisme de la guerre.

Car oui, la réussite est ici totale et elle déborde d’ingéniosité. La preuve, c’est que le film est quasi inclassable, un peu à la manière d’un Seul sur Mars. Sans être une comédie, ni un drame, A Perfect Day mélange les registres et les tons à n’en plus finir. La force du film vient de sa capacité à ne jamais verser dans la mélancolie, bien que son scénario le lui permet à de nombreuses reprises. Même si les difficultés rencontrées par le groupe d’humanitaire dans l’accomplissement de leur devoir fusent, ni le film (notamment à travers son choix de B.O) ni eux ne semblent sombrer dans des états de tristesse ou de dégoût de la vie. Chacun semble vouloir la croquer à pleine dent. Les nouvelles recrues idéalistes (représentées ici par le personnage de Mélanie Thierry) prêtent à s’opposer aux autorités supérieures ne se lassent jamais d’enfoncer les portes qu’on leur ferme. Même si leur détermination peut parfois faiblir, elle est vite revigorée par l’approche autant experte que débonnaire des anciens. Car si ces troupes d’humanitaires fonctionnent (à l’image du film) c’est parce qu’elles reposent sur une symbiose parfaite entre chacun de leurs membres.

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Il semblerait donc bien que le cadre de la guerre qu’Aranoa a envie de retranscrire ici soit à l’image des différents choix de tons choisis par son film : des tons opposés et en apparence paradoxaux. La guerre brouille les repères, à l’image de la dérision de certains des personnages de cette aventure. Des repères en réalités chaotiques, assimilés ici à des carnages qui peuvent resurgir à tous moment. Si Aranoa se sert de l’humour c’est en réalité pour des raisons fonctionnelles et pratiques d’une grande ingéniosité. S’il est en effet plus intelligent de vulgariser un métier en conjurant ses désarrois par le rire (façon Seul sur Mars, encore une fois), sachant que l’exposition de ses ressorts complexes nécessiteraient un documentaire, la dérision permet également d’habilement cultiver l’art du contraste. Elle permet de différer le sérieux sans jamais vraiment le renier, le rendant encore plus poignant dans ses moments d’éruption. Le bruit sourd de certaines explosions de violence nous rappellent bien à quel conflit on a affaire tout en nous rappelant également l’une des règles de bases du cinéma : pour qu’il y ait du bruit, il faut qu’il y ait eu du silence avant.

Parce que oui, surréalisme ne veut pas dire « déréalisme » ou « déréalisé ». Il ne signifie pas « imagerie », « artificialité » ou « virtualité ». Il n’est qu’un mode d’appropriation du réel, d’une réalité qui garde sa part sombre. Une part qui n’est ici jamais niée sous prétexte qu’on aurait affaire à un film ou une comédie et donc une version forcément plus édulcorée des choses. Le choix de ton ne sert pas de distance ou d’amortisseur par rapport au sujet, il ne s’agit à aucun moment d’une satire. Il ne devient pas non plus une fin en soi. Il dit quelque chose sur la guerre, sur la situation de ces humanitaires, produit à son tour un discours teinté dans le fond d’une certaine mélancolie. Une mélancolie qui n’explose jamais superficiellement, elle envoie des signaux timides, superficiels mais d’autant plus poignants. L’exemple le plus parlant étant la dernière scène préfigurant la montée de l’eau d’un puits permettant au cadavre y étant tombé de remonter à la surface. Une séquence où Aranoa nous montre que la nature finit par exécuter la tâche que le groupe d’humanitaires n’aura pas réussis à accomplir. Une scène accompagnée d’un morceau de pop, stylisant la situation sans renier le message pessimiste qu’elle envoie aux humanitaires. Un message dont ils ont conscience, tout comme le film, les poussant à conjurer leur sort par de la dérision cachant en réalité un petit malaise refoulé mais en réalité assumé et donc atténué par cette chanson.


En Conclusion :

En réalisant A Perfect DayFernando León de Aranoa livre un travail fin et sensible sans à aucun moment sombrer dans l’excès ou la pompe. Divertissement plaisant et intelligent, il constitue un moment de cinéma agréable. Doté en plus de sublimes images et de superbes panoramas, il témoigne d’une joie de vivre à transmettre au spectateur. Un film qui, s’il était une musique (comme l’a indiqué Benicio del Toro lors de la promotion du film) pourrait se résumer à travers un morceau de punk rock qui ne pourra que combler.

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