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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

[#6 Retour sur] R

R-Affiche-Chronique

« Rune vient tout juste d’être envoyé en prison, dans l’un des secteurs les plus hostiles de la ville de Copenhague. Après avoir reçu un accueil pour le moins glacial, il comprit que son seul moyen de se faire respecter est de les aider. Ses tentatives d’aides seront bien sûr utiles, mais jusqu’à quand?« 

Le retour, le come-back, que dis-je!, la résurrection de « Retour sur« ! Avouez que je vous avais un tant soit peu manqué. Non? Ah oui, je me disais aussi. Aujourd’hui, nous allons parler d’un film nordique inconnu quasiment inconnu en France malgré quelques sorties (tout de même timides) en France.

A chaque nation sa propre notion du cinéma? A croire que cette question peut être mise au goût du jour au vu des films sortis en salles cette année. Quand les États-Unis enchaînent blockbusters sur blockbusters, la France surfe sur sa pauvre vague de la comédie romantique quelque peu bobo ou en mode « amour/lutte des classes ou des genres », et quelques pays insolites sortent un film d’auteur par an pour un grand festival international, le Danemark, lui, impose son empreinte de « cinéma sociologique ». Après avoir réussi son incursion dans les quartiers difficiles (Pusher par Nicholas Winding Refn, pseudo-« chef d’œuvre » parkinsonien ou encore le Nordvest de Michael Noer) et dans la prise d’otages en mer (Hijacking de Tobias Lindholm), les prometteurs réalisateurs danois Tobias Lindholm et Michael Noer, cités plus haut, se retrouvent pour écrire et mettre en scène R en 2010. Sorti dans nos cinémas quatre ans plus tard chez nous, cette histoire au beau milieu d’une prison danoise possède des qualités indéniables de direction d’acteurs et d’ambiance coup de poing, malgré également quelques défauts non négligeable.

R d’ailleurs a la chance d’avoir comme titre le plus énigmatique de l’année: Rage, Rejet, ou le nom des deux personnages principaux, Rune ou Rashid? Tel est le constat de départ: l’on suit un jeune homme, Rune, récemment prisonnier dans l’une des geôles les plus difficiles du Danemark. Après être devenu la mascotte officielle de son secteur, il finit par se faire respecter grâce à la mise en place d’un trafic de drogue malin entre les deux secteurs avec son néo-ami Rashid. Mais les choses ne se passeront pas comme prévu… Évitant de jouer sur le système caricatural à mort de la prison, type « la prison c’est mauvais, et on se fait tous taper sous la douche », les réalisateurs ne touchent jamais à une insupportable mièvrerie qui n’a pas lieu d’être ici. Adieu jeux de violons implacables et éreintants, bonjour la caméra qui met chaque personnage à la même enseigne de par des rapports d’échelle égalitaires. Dans sa colorimétrie sale, parfois floue car baignée dans une sorte de nuage grisonnant illusoire, R nous entraîne dans cette prison et nous tient en haleine grâce à sa réalisation très réussie: des plans fixes et d’ensemble jouant sur l’espace de chaque pièce ou de chaque extérieur, fidèles à Lindholm dans Hijacking (état blanc et propre du bureau contre la progression de l’insalubrité dans le bateau) jusqu’à des mouvements de caméra-épaules lisibles à la Noer dans Nordvest, le long-métrage parvient à capter l’attention de chacun en un tour d’images, avec paroles ou non. Le montage reste également limpide puisque, avec une cohérence claire et précise, on alterne les points de vue et les (més)aventures du personnage principal avec une fluidité assez remarquable. Il en est de même pour les acteurs, quasiment tous incroyables. Pilou Asbaek, que vous avez pu croiser à la présentation de l’Eurovision ou dans le film Hijacking, est l’atout charme de ce long-métrage. Son charisme est un élément essentiel dans le film puisqu’on s’attache à lui malgré cet environnement froid et sale. Dulfi Al-Jabouri, dans le rôle de Rashid, se fait cependant manger dans le film par la prestance de Asbaek, donc reste décevant dans sa partition. Rolland Moller reprend le même rôle de caïd énervé que dans Nordvest mais par chance joue très juste. Michael Noer décidément le lui rend bien.

Alors, R… comme réussite? Bien évidemment que oui, au vu de tous les points positifs émis jusqu’à maintenant. Mais il subsiste également quelques défauts qui se trouvent dans la base même du scénario. En effet, là où finalement Hijacking et Nordvest étaient beaux visuellement, ils ne prêchaient pas sur leur histoire ou sur l’écriture des personnages, dont on savait quasiment tout. Ici, malgré une construction d’identité directe en prison, véritable simulacre de la vraie personnalité des hommes (« je suis là, je dois être comme ça »), les réalisateurs s’arrêtent passablement au premier niveau d’écriture , c’est-à-dire l’exposition, mais ne s’orferre pas sur le passé des personnages qui aurait pu être très intéressant tant pour leur état d’esprit en cellule, seuls; que dans les actions faites ou qui auraient pu être faites. Ainsi, même Rune, prisonnier attachant et malin qui cherche à gagner le respect, semble parfois montrer quelques faiblesses lorsqu’il se retrouve seul face au cadre… Mais on ne sait jamais vraiment quoi… Idem pour les « antagonistes » du film, dont l’ascension nous reste inconnue du début à la fin du film. Le personnage secondaire qui prend de l’ampleur à chaque seconde, Rashid, est également bien utilisé avant d’être brutalement mis au premier plan alors que l’on ne se soit jamais vraiment attaché à lui. Il entraîne avec lui une ribambelle d’intrigues et d’actions redondantes qu’on ne cesse de visionner depuis le début du film, mais les deux scénaristes reprennent les mêmes histoires pour en garder le même traitement – en plus lisse, car Rashid ne parait jamais aussi charismatique que Rune.

En claiR, R reste un bon film magistralement mis en scène, aux acteurs qui restent incroyables et impressionnants dans cet environnement que les réalisateurs semblent connaître sur le bout des doigts en terme d’idées visuelles. Or, le scénario reste cependant en deçà des capacités filmiques car il aurait mérité d’être amélioré et plus détaillé, laissant le côté visuel devenir plus agaçant et répétitif dans cette multiplication d’intrigues très premier degré redondantes. Mais le film reste tout de même très intéressant à regarder dans sa construction d’identité des prisonniers à l’instant T. Le cinéma danois s’envole tout de même, là-haut. Dans les R.

3.5/5

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