CinéCinéphile

Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

[#5 Retour Sur…] Northwest

Northwest-Critique-Affiche

Le quartier le plus pauvre de Copenhague, Nordvest, au Danemark. Casper vit avec son frère Andy,  sa sœur Freja et sa mère Olivia dans un appartement délabré. Pour survivre, il n’hésite pas, avec son acolyte Ali, à cambrioler quelques maisons par-ci par-là, afin de se faire de l’argent facile. Mais lorsqu’une affaire en or s’offre à lui, il n’hésite pas à l’accepter, même si certains de ses “compères” ne sont pas du même avis… »

Le Danemark a vu de nombreux long-métrages, voire des réalisateurs tels que Nicholas Winding Refn ou Lars Von Trier, devenir célèbres en dehors de ses frontières et se permettant quelques incursions dans d’autres pays du monde. Les Pusher, Valhalla Rising mais encore Hijacking ou dans une moindre mesure R, ont réussi à se démarquer par le biais de festivals ou de producteurs séduits pour l’exporter. L’un d’entre eux, Northwest (ou en danois Nordvest, en référence à un quartier difficile de Copenhague du même nom), ne se fit pas beaucoup remarquer mais réussit pourtant à être tout aussi excellent que les autres films exportés.

Northwest, c’est l’histoire d’un petit malfrat, Casper, qui braque des maisons pour revendre des objets volés à un voyou célèbre sur Nordvest, Jamal.  Mais lorsqu’un autre homme lui propose une offre plus alléchante, ses affaires deviendront un véritable enfer, qui ira jusqu’à emmener également son frère Andy dans une spirale infernale où la drogue, la violence et l’argent facile couleront à flot. Sur ces bases-là, le réalisateur Michael Noer a la bonne idée de convoquer seulement trois acteurs professionnels, aperçus dans R de Tobias Lindholm ou dans des films danois inédits chez nous; le reste du casting étant des jeunes venant de cette fameuse cité de Nordvest pour rendre crédible toutes les situations. On suit alors cet homme, Casper, qui deale, revend et se voit offrir des boulots plus importants et mieux payés; et Noer n’hésite pas à rendre son scénario fiévreux et attendrissant envers son personnage car on se lie d’amitié avec ce jeune homme et son frère adolescent qui en a marre de la misère sociale. Ce fragment décisif de la vie de Casper et de Andy ressemble à un exemple-type de sociologie à point de vue extrême, témoignant de la facilité à créer des liens avec différents groupes sans toutefois réussir à se séparer d’un pour renforcer l’autre, quitte à tout y perdre. De plus, le titre du film est à double sens puisqu’il évoque également une direction, symbole de la perte de contrôle de la situation par les personnages qui se retrouvent déboussolés au fur et à mesure.

Northwest privilégie qui plus est la carte de la famille qui se déchire et qui se perd, au contraire des trois Pusher qui, eux, n’évoquaient que la chute d’un seul homme, car c’était leur destin, car cela permet d’exprimer de l’empathie envers tous les personnages les plus présents dans le cadre, mais toujours sans un manichéisme malvenu. Chaque personnage commet des actes irréparables, alors même si la gravité des actes s’avère différente on ne peut pas porter de jugement maniéré. Bien que les films Pusher et Northwest reflètent la misère de la rue et les nombreux moyens pour se rendre la vie plus facile – surtout illégalement, ce dernier fait chuter socialement (voire physiquement) les personnages soit tous ensemble, soit un par un, sans jamais brouiller les pistes pour donner une sensation de réalisme. En effet, le film de Noer ne bascule pas dans la surenchère de lieux, permettant au spectateur de mieux se repérer dans ces quartiers labyrinthiques. Au contraire, Pusher lui aimait changer de lieu pour indiquer plutôt l’action des personnages, peu importe l’endroit où ils sont.  ​

Northwest par contre nous montre dès les premières scènes un penchant pour un film totalement en caméra-épaule, histoire de donner un style et une vision réaliste à son sujet, afin de contrebalancer avec son sujet imaginé et de ne pas sombrer dans les stéréotypes grotesques de la banlieue difficile. Bien sûr, cela n’est pas sans rappeler le premier Pusher de Refn, mais au-delà de cette maîtrise se cache une approche réaliste, où la sociologie entre misère, ascendance et chute se coordonnent parfaitement avec un visuel à tendance documentaire car faits de paysages de banlieue réels. Et surtout, Northwest est  visuellement LISIBLE! Adieu, les prises de face dans la voiture où le cadreur semble avoir oublié de prendre ses cachets contre la Parkinson! Adieu, les effets trop brusques de la caméra qui incitent le spectateur à aller chercher de l’aspirine! Non, Northwest est plus doux dans son cadre, malgré les jeux de lumières lors des scènes de boîte de nuit qui rendent le visuel enivrant, en parfaite adéquation avec l’action des personnages et le scénario. De plus, le casting s’avère extrêmement judicieux puisque chaque acteur amateur se révèle être aussi performant que les quelques professionnels, car ils se donnent corps et âme dans leurs rôles respectifs. Le deux frères du film, Gustav et Oscar Dyekjaer Giese (aussi frères dans la vie) incarnent respectivement à la perfection les personnages de Casper et Andy. Ils semblent possédés par leurs rôles, aux visages inexpressifs car rongés par la haine, la misère et la fureur de voir un jour plus haut. Ils diffusent de leurs personnages de manière étonnamment rapide une certaine sympathie, nous permettant de mieux cerner leur psychologie et leurs envies. On rit de bon cœur avec eux, on transpire avec eux, on ressent de l’adrénaline avec eux, mais également de la tension, et c’est ce qui permet au spectateur de se sentir concerné par le récit. Jusqu’à sa scène finale, ornés de plans superbes et bien tendus, on reste crispé en attendant le dénouement final qui s’avère être finalement une merveille d’indécision.

En clair, Northwest est un grand moment de sociologie cruelle mais réaliste de la vie dans les quartiers de Copenhague, où chacun tente de survivre en prenant des risques malgré les conséquences que cela peut engendrer. Michael Noer nous offre l’un des meilleurs films de 2013 sur un plateau, dépassant même Pusher sur presque tous les abords. Northwest n’attend désormais plus que le spectateur curieux, pour lui mettre une gifle. Un extraordinaire mais éprouvant voyage.

5/5
Northwest-Critique-Image-5 Northwest-Critique-Image-6 Northwest-Critique-Image-7 Northwest-Critique-Image-1 Northwest-Critique-Image-2 Northwest-Critique-Image-3 Northwest-Critique-Image-4

Au Suivant Poste

Précedent Poste

Poster un Commentaire

© 2024 CinéCinéphile

Thème par Anders Norén