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Quelques mots, sur ces œuvres que nous découvrons depuis le Québec ou la France, sur notre écran d'ordinateur ou dans notre salle de cinéma favorite.

1917, un exercice de style virtuose signé Sam Mendes et Roger Deakins

Synopsis : « Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies. » 

Les lumières de la salle de cinéma s’allument, tu te repositionnes sur ton siège pour avoir fière allure parce que la position “je m’installe comme à la maison” ce n’est pas trop ça, et là, ton ami(e) se retourne vers toi et te pose la question fatidique…

Annoncé comme le grand favori pour les prochains Oscars, lauréat des Golden Globes du meilleur film et du meilleur réalisateur, 1917 fait parler de lui depuis l’annonce de son projet. Après avoir réalisé deux James Bond (le très réussi Skyfall (2012) et le sympathique Spectre 007 (2015)), Sam Mendes revient avec le projet le plus ambitieux de sa filmographie. Se basant sur les histoires racontées par son grand-père, ayant servi durant la première Guerre Mondiale, le cinéaste a pour ambition avec 1917 de faire vivre au spectateur une expérience immersive avec un faux plan-séquence de deux heures où la caméra du directeur de la photographie, Roger Deakins, ne lâche jamais les deux personnages de cette odyssée immersive. Après avoir expérimenté ce procédé dans un impressionnant faux plan-séquence d’ouverture dans son 007 SpectreSam Mendes pousse cette technique encore plus loin en appliquant ce dispositif sur un long-métrage entier, avec pour ambition d’immerger le spectateur dans une expérience de cinéma pur et dur au milieu de la première Guerre Mondiale. 

Le récit du film 1917 est assez simple sur le papier : deux soldats britanniques (incarnés par les jeunes acteurs George Mackay et Dean-Charles Chapman) ont pour mission de traverser les lignes ennemies pour porter un message de cesser le feu afin d’empêcher le massacre de 1600 soldats qui avancent droit vers un piège tendu par les Allemands. Deux personnages qui doivent aller d’un point A à un point B, suivi de près par une caméra constamment en mouvement qui s’attache à leur pas dans un flux temporel continu. La note d’intention du cinéaste est de projeter le spectateur dans le périple de ces deux jeunes protagonistes. Donner au spectateur l’impression du temps réel pour l’immerger au plus près du conflit, à l’exception de quelques ellipses temporelles. Des plus audacieux sur le plan formel, 1917 use de la technique des faux plan-séquences agencés un à un à l’aide de plans de coupes plus ou moins bien dissimulés, à l’image du Birdman réalisé par Alejandro Gonzalez Inarritu (2015). La comparaison avec le cinéaste de The Revenant (2016) n’est pas anodine tant la démarche artistique semble assez similaire sur le plan technique, à l’inverse de celle d’un Christopher Nolan et de son Dunkerque (2017) qui vise l’épuration de son cinéma à travers une expérience pourtant tout aussi immersive et sensorielle. Mais Sam Mendes vise plus la prouesse technique d’un Inarritu que l’épuration d’un Nolan, 1917 étant un tour de force technique virtuose à tous les niveaux. 

De son storytelling chorégraphié avec une précision implacable dans les mouvements réalisés par nos héros, à une photographie soignée, Roger Deakins opérant un travail sublime sur la lumière et les mouvements de caméra, en passant par une reconstitution minutieuse des décors que la caméra dévoile en filmant les différents espaces par l’économie du plan-unique (à l’image d’une scène d’ouverture qui présente progressivement les tranchées que traversent les personnages). La mise en scène alterne constamment entre la fuite ininterrompue de nos deux héros et leur errance existentielle au milieu des ruines et de la nature. Certains tableaux dégagent une véritable poésie sublimée par les mouvements de la caméra, tandis que d’autres détonnent de manière viscérale et nerveuse dans des purs moments d’actions où Sam Mendes puise dans la veine d’un cinéma d’action propre à la deuxième période de sa filmographie, lorgnant plus du côté de son Skyfall que de son American Beauty (1999). La musique de Thomas Newman donne un sentiment d’urgence à ces scènes de course contre la montre, tout en offrant une certaine mélancolie dans des moments plus calmes, où la caméra se pose pour filmer ces personnages dans un rythme plus lent et contemplatif, sans pour autant atteindre la précision et l’ampleur des compositions d’un Hans Zimmer, notamment sur Dunkerque.

Sur le plan purement formel, 1917 représente ce que le cinéaste a fait de plus abouti dans sa filmographie. Sur le plan scénaristique, Sam Mendes paraît moins inspiré. La note d’intention du cinéaste étant de livrer l’expérience de cinéma la plus immersive possible, il y a un contrat établi entre le spectateur et le film, celui d’un exercice de style qui repousse les limites techniques de son procédé de mise en scène. Mais ce dispositif trouve sa limite dans son récit. Outre la fluidité d’une narration magistralement rythmée par le montage de Lee Smith, monteur ayant opéré sur la filmographie de Christopher Nolan où la temporalité relève du travail d’orfèvre (en témoigne par ailleurs la densité de son Dunkerque)le flux continu du faux plan-séquence n’épargne pas un certain manque d’émotions chez le spectateur. Il est difficile de s’attacher aux deux protagonistes qui font plus figures d’archétypes, de passeurs à travers leur statut de porteurs d’un message. Cette errance prend donc plus la forme d’une déambulation où la caméra s’attache à deux corps qui deviennent les vecteurs d’une immersion sensorielle techniquement irréprochable, à partir du moment où l’on accepte le contrat d’un exercice de style pur et dur. 

Nul doute que 1917 raflera les statuettes techniques aux prochains Oscars, tant le film de Sam Mendes relève de la prouesse technique virtuose, sans pour autant égaler le Saving Private Ryan de Steven Spielberg (1998). Néanmoins, Sam Mendes signe avec 1917 son film le plus abouti depuis American Beauty, ce qui lui voudra probablement un second Oscar du meilleur réalisateur, ce qu’il ne démériterait pas pour autant.

« 1917 est un pur exercice de style, une prouesse technique virtuose qui offre au spectateur un pur moment de cinéma. Une expérience immersive et sensorielle indispensable. » 

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.

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